Fiscalité des non-résidents et délai de prescription : la suite de l’article publiée par la rédaction de FISCALONLINE sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 avril 2016.
Le Conseil d’Etat (Arrêt du Conseil d’État du 15 avril 2016 N° 385737) vient de juger que le délai pour réclamer le remboursement du prélèvement sur les plus-values immobilières des non-résidents (Art. 244 bis A du CGI) était de deux ans et non d’un an comme le soutenait le ministre des Finances (Voir l’article de Fiscalonline : «Non-résidents : délai pour réclamer le remboursement du prélèvement sur les plus-values» )
« Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :
a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
b) Du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
c) De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. »
« (…) sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’imposition en cause soit qualifiée de " prélèvement " et que son versement ne soit pas effectué par le contribuable lui-même »
Ceci étant, il convient à notre avis de combiner cette analyse en matière de prescription avec le fait que la CJUE a rendu un arrêt le 25 février 2015 condamnant la France et de ne pas écarter les dispositions de l’article L190 3ième alinéa du LPF pour apprécier la prescription. Ainsi :
(1) : Conformément aux dispositions de l’article R 196-1 du LPF], le délai de réclamation de droit commun est fixé au 31 décembre de la seconde année suivant, selon les cas, la mise en recouvrement du rôle (prélèvements sociaux sur revenus fonciers par exemple), la notification d’un avis de mise en recouvrement (TVA par exemple), du versement de l’impôt (si pas de mise en recouvrement ou de rôle) ou enfin de la réalisation d’un évènement qui la motive.
(2) : L’article R 196-1 du LPF prévoit également des délais spéciaux (par rapport au délai de droit commun rappelé ci-avant) en son alinéa 2 et notamment au b) concernant les retenus à la source et les prélèvements : il est prévu que le délai expire le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s’il s’agit de contestations relatives à l’application de ces retenues. En d’autres termes le délai est plus court d’une année par rapport au délai général .
Selon le Conseil d’Etat ( CE 5 juillet 2010 N° 310945 arrêt SERATER ), une réclamation ne peut être jugée comme tardive dès lors que le délai général du premier alinéa de l’article R 196-1 du LPF n’est pas expiré. Les délais spéciaux présenteraient donc un caractère subsidiaire par rapport au délai général .
Ceci étant, le rapporteur public de l’époque soulignait dans ses conclusions que le délai spécial qui nous occupe (relatif aux prélèvements et retenues) ne permet de se situer dans aucun des cas du délai général (mise en recouvrement, notification d’un rôle, paiement de l’impôt ou évènement qui motive la réclamation). Cette analyse contribuait par conséquent au maintien du délai spécial dans ce cas , dès lors que la réclamation déposée par le non résident concerne un impôt versé par un tiers qui le représente (et non par lui-même directement). Le délai spécial serait appliqué au non-résident et le délai général au représentant qui est responsable du versement de l’impôt vis-à-vis de l’Administration fiscale.
Cette analyse a été suivie par le TA de Paris le 16 octobre 2013 à propos d’une société allemande mais le point vient d’être clarifié par le Conseil d’Etat.
(3): Mais en vertu des dispositions du 3ième alinéa de l’article L 190 du LPF , les actions tendant à la décharge ou à la réduction d’une imposition fondées sur la non-conformité de la règle de droit appliquée à une règle de droit supérieure (y compris le droit de l’union européenne), non-conformité révélée par une décision juridictionnelle (CJUE par exemple) ou par un avis rendu au contentieux (conseil d’Etat ou Cour de Cassation) sont instruites selon les règles du contentieux fiscal mais se prescrivent par deux ans selon les cas à partir des mêmes évènements que ceux cités à l’article R 196-1 (à l’exception du dernier point / évènement qui la motive).
Il s’agirait ici de deux ans décomptés de date à date , modification du texte issue de la loi du 29 décembre 2012 qui peut tendre à raccourcir le délai général de réclamation expirant quant à lui le 31 décembre de la seconde année suivant selon les cas l’un des évènements listés par le texte …. Ce délai par ailleurs ne vise que les cas où les restitutions demandées sont fondées sur une décision juridictionnelle ou un avis révélant la non-conformité.
En pratique, ce texte ne pouvait s’appliquer aux contribuables réclamant avant la décision de la CJUE et avant l’arrêt du Conseil d’Etat de juillet 2015 . C’est la raison pour laquelle en réclamant avant les décisions juridictionnelles tout en se fondant sur la non-conformité de la règle de droit à une règle supérieure, les contribuables pouvaient ainsi rester dans le délai général et non le délai de deux ans de date à date.
Concrètement, ceux qui réclament depuis le 25 février 2015 risquent de se voir opposés la prescription de l’article L190 du LPF ci-dessus rappelée calculée de date à date, c’est-à-dire 2 ans après la mise en recouvrement du rôle en matière de prélèvements sociaux sur les revenus fonciers ou à compter du versement du prélèvement s’agissant des plus-values immobilières.
Reste la question de savoir si ce calcul de délai pourrait finalement avoir pour effet de priver le contribuable du délai général de réclamation, plus long dans bien des hypothèses…