Communiqué du syndicat national Solidaires Finances Publiques du 1er juin 2015
Le risque de baisse du niveau de recouvrement et de hausse de la fraude
Le taux de recouvrement français spontané est élevé et c’est l’un des meilleurs comparativement aux autres pays : il s’élève déjà à 98,5 % environ (98,64 % en 2012), sachant que les taux de recouvrement vont de 95 à 99 % dans les pays européens et les pays de l’OCDE.
Le taux de recouvrement de l’impôt sur les revenus concernés par la RAS (salaires, pensions notamment) plafonne, il ne peut plus progresser : ces revenus visés sont déjà les mieux recouvrés (salaires, pensions) et les mieux contrôlés. En réalité, le taux de recouvrement ne pourrait donc que baisser, ce qui signifie clairement des pertes budgétaires pour l’État. Le risque existe que les montants prélevés à la source ne soient pas intégralement reversés par les employeurs. Le cas de la TVA, collectée par les entreprises puis reversée à l’État, montre que certaines entreprises négligentes, indélicates voire fraudeuses ne reversent pas l’intégralité des montants collectés. Il en serait inévitablement de même pour l’impôt sur le revenu prélevé à la source.
La délicate gestion du basculement du système actuel vers la RAS
Le principe de la RAS est de recouvrer l’impôt sur les revenus de l’année en cours. Si le gouvernement décidait d’instaurer une RAS, il devrait donc procéder à une réforme afin d’aligner l’année de perception de l’impôt sur celle de perception des revenus. Quel que soit le type de lissage retenu, il serait cependant complexe et peu lisible pour le contribuable.
En année courante, la RAS ne serait pas une simplification_
Deux options sont possibles
1. L’application du taux effectif de l’impôt de l’année N-1 durant l’année N. Un tel système nécessiterait cependant une régularisation l’année suivante à la hausse ou à la baisse suivant les changements de situation personnelle et/ou financière intervenus au cours de l’année N (changement impactant le quotient familial et conjugal, utilisation de « niches fiscales », changements dans la situation financière).
2. La possibilité d’actualiser la RAS en fonction des changements de situation personnelle et/ou financière. Ceci suppose un suivi de la part du contribuable et/ou de l’administration fiscale, ce qui crée une contrainte et une complexité particulières. On imagine aisément que le système gagnerait en complexité dans le cas (de plus en plus fréquent) où le contribuable aurait plusieurs employeurs dans une année, lorsqu’il dépendrait de plusieurs caisses de retraite par exemple.
Enfin, pour assurer l’égalité devant l’impôt, il faudrait tenir compte des autres revenus, d’activité (bénéfices non commerciaux, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles), de patrimoine (dividendes, intérêts…) et de remplacement. Autrement dit, il faudrait tenir compte des autres revenus perçus par les salariés, mais aussi instaurer un mécanisme d’acompte pour les non-salariés. A moins de réformer l’impôt sur le revenu et de différencier les taux d’imposition suivant les différentes formes de revenus…
La RAS : un mode de paiement imposé aux contribuables
Aujourd’hui, le contribuable a le choix entre la mensualisation, le paiement par tiers et le paiement à l’échéance. Avec une RAS, il n’aurait plus le choix.
La retenue à la source se fait ailleurs.. mais comparons ce qui est comparable !
La RAS est instaurée dans la plupart des pays européens. Cependant, il existe plusieurs formes de RAS, plus ou moins complexes. Elle nécessite cependant toujours, à quelques exceptions près, une déclaration des revenus l’année qui suit et, avec éventuellement une régularisation de l’impôt à payer au titre de l’année précédente. Les schémas de RAS sont très différents d’un pays à l’autre puisque les systèmes fiscaux sont eux-mêmes différents.
La RAS ne présente pas d’avantage économique particulier_
La RAS ne réduira pas l’épargne de précaution au profit de la consommation (principal levier de la croissance) car la réduction du salaire net perçu contrebalance l’avantage attendu de la réduction de l’épargne de précaution. La RAS ne renforcera pas les effets stabilisateurs de la politique budgétaire du fait de l’adaptation de la retenue à la source lorsque les revenus du contribuable changent. En effet, ces effets stabilisateurs dépendent non pas de la RAS en elle-même mais d’une véritable réforme de l’impôt sur le revenu.
La RAS ne permettra pas de réduire significativement les effectifs de l’administration fiscale :
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La gestion de la RAS générera des sollicitations des contribuables qui voudront « valider » l’impact de leurs changements de situation (personnelle, professionnelle, fiscale…) auprès des services de la Direction générale des finances publiques.
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La déclaration des revenus étant toujours nécessaire, il y aurait toujours de nombreuses demandes des contribuables pour la remplir.
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Les agents verront une nouvelle mission apparaître : le contrôle du versement par les entreprises des montants collectés au titre de la RAS.
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Ils auront toujours à gérer les dossiers des contribuables et les entreprises qui éprouvent des difficultés à payer leur impôt ou, dans le cas des entreprises, à le reverser.
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Leurs missions ne se cantonnent pas à l’impôt sur le revenu : ils devront toujours gérer la taxe d’habitation et la taxe foncière.
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En outre, il y aura toujours nécessité de procéder à des contrôles sur pièces comme cela est déjà le cas. Les (vrais) enjeux : la réforme de l’IR_
La RAS s’avérerait très exigeante et source de complexité tant pour les contribuables, pour les employeurs que pour les agents de la DGFiP.
La priorité est ailleurs. Dans une période marquée par un réel mécontentement devant l’injustice fiscale et les effets de la crise, la priorité absolue reste plus que jamais celle d’une vraie réforme fiscale pour rendre l’impôt sur le revenu plus simple, plus juste et plus stable.