Ce jeudi 24 juillet 2025, lors d'une rencontre avec les membres de la commission des finances du Sénat, le ministre de l'Économie et des Finances a officialisé le retrait d'un texte d'interprétation controversé. Cette décision fait suite aux vives critiques des parlementaires qui dénonçaient l'ouverture d'une « faille » dans le dispositif de lutte contre la fraude fiscale applicable aux dividendes.
Pour mémoire, en application de l’article 119 bis-2 du CGI les revenus distribués donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France dont le taux dont le taux est fixé par l'article 187 du CGI. Toutefois, la plupart des conventions fiscales prévoient un taux réduit, souvent 10 % ou 15 %, auquel peuvent prétendre les résidents des États concernés.
Afin d'échapper à cette retenue à la source, l'arbitrage de dividendes s'est développé comme une pratique d'optimisation fiscale utilisant deux mécanismes distincts. Le premier, dit "montage interne", consiste à prêter temporairement les actions à un résident français, généralement une banque, qui peut recevoir les dividendes sans retenue à source avant de les reverser indirectement à l'actionnaire étranger moyennant commission. Le second, appelé "montage externe", exploite les conventions fiscales plus avantageuses en prêtant les actions à des résidents de pays, qui bénéficient d'une retenue à la source nulle.
Pour contrer ces pratiques, l'article 119 bis A du CGI a été introduit en 2019 (Art. 36 de la LF pour 2019). Il établit une présomption de distribution soumise à retenue à la source pour toute cession temporaire d'actions de moins de 45 jours. Cette mesure s'applique aux versements réalisés par des personnes établies ou domiciliées en France au profit de bénéficiaires non-résidents. Un mécanisme de remboursement existe néanmoins si le contribuable peut prouver que l'opération avait une justification économique légitime autre que l'évitement fiscal. Le dispositif s'accompagne d'obligations déclaratives renforcées pour améliorer le contrôle des transactions.
Toutefois, comme l'ont souligné de nombreux parlementaires lors des débats sur le PLF2025, le dispositif instauré en juillet 2019 pour contrecarrer cette pratique est incomplet. En effet, il se limite aux montages financiers consistant en un prêt « réel » de l’action possédée par un individu assujetti à une banque. Il ignore cependant les mécanismes plus complexes.
Partant, a l'initiative de plusieurs sénateurs (N° I-2178) et N° I-96 rec.) il a été institué un article 96 (LF2025) qui a aménagé l'article 119 bis A afin de combler les failles du dispositif anti « CumCum »
Puis le 17 avril dernier, l'administration fiscal a publié un rescrit fiscal, s'appuyant sur un avis du Conseil d'État du 27 janvier 2025, censé apporter des précisions sur les modalités d’application de ces nouvelles dispositions (champ d’application, l’assiette de la retenue à la source...).
Le rescrit abordait au §4 la question des opérations réalisées sur les marchés réglementés. En s'appuyant sur l'avis du Conseil d'État, il a précisé qu'il n'y avait pas d'obligation de prélever la retenue à source de manière préventive lorsque l'établissement payeur ne connaît pas effectivement sa contrepartie.
4/ Application de l’article 119 bis A du CGI aux opérations conclues sur un marché réglementé
Conformément aux précisions apportées par le Conseil d’État (CE, avis du 27 janvier 2025, n° 409218, points 12 et 13), il convient de souligner que lorsque les opérations susceptibles de générer un transfert de valeur au sens et pour l’application des dispositions de l’article 119 bis A du CGI interviennent sur un marché réglementé, ces dispositions n’imposent pas de soumettre ce transfert de valeur à retenue à la source, de manière préventive, si l’établissement payeur ne connaît effectivement pas sa contrepartie.
Toutefois, comme l'a souligné le rapporteur général Jean-François Husson ce commentaire publié sous la forme d'un rescrit introduit une faille dans le dispositif, non conforme à l’intention du législateur, en ajoutant à la loi des cas de non‑application de l’imposition. Il a vainement tenté d'empêcher la publication de ce rescrit dans la rédaction litigieuse.
Aujourd'hui, lors d’un rendez-vous à Bercy avec le rapporteur général et le président de la Commission des finances du Sénat, le ministre de l’Economie Eric Lombard a annoncé qu’il renonçait à l'interprétation controversée de l'article 96 de la LF2025.
On peut imaginer qu'un rescrit rectificatif soit publié dans les prochains jours (dès ce soir ?) sans les commentaires contestés.