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TVA et Parahôtellerie : l'analyse « in concreto » de la Cour suite à l'avis du Conseil d'Etat du 5 juillet 2023

La Cour qui avait susrsis à statuer afin que le Conseil d'Etat donne son avis (Avis du 5 juillet 2023) sur le régime de TVA des activités parahôtelières vient de rendre sa décision. Même si entre-temps le régime a été aménagé par la Loi de Finances pour 2024 (Art. 84), l'arrêt présente un intérêt au regard des trois critères que la Cour a retenu pour caractériser l'assujettissement à la TVA de la location meublée. 

 

Rappel du contexte : Pour mémoire, en application des dispositions de l’article 261-D-4° du CGI, les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation sont exonérées de TVA.

 

Toutefois, antérieurement à l'article 84 de la LF pour 2024, cette exonération ne s’applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le nettoyage régulier des locaux, le petit déjeuner, la fourniture de linge de maison, et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

 

Dans un avis en date du 5 juillet 2023, le Conseil d'Etat a estimé que le fait de conditionner l'assujettissement à la TVA de la mise à disposition d'un local meublé, à la fourniture de 3 des 4 prestations susvisées, était partiellement incompatible avec la Directive TVA.

 

L'article 84 de la LF pour 2024, issu d'un amendement gouvernemental, a institué un noveau régime opérant une distinction stricte entre, d’une part, le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et, d’autre part, le secteur résidentiel. 

 

 

Secteur hôtelier

Secteurs similaires

Secteur résidentiel

Conditions avant réécriture de l'article
261 D du CGI

Jamais exonéré

Au moins trois prestations connexes / quatre

Conditions après réécriture de l'article
261 D du CGI

Durée < 30 nuits
Au moins trois prestations connexes / quatre

Au moins trois prestations connexes / quatre

Source : Rapport Sénat

 

En pratique :

  • le a de l'article 261 D-4° du CGI, qui prévoyait que les prestations d'hébergement fournies dans les hôtels et les résidences de tourisme classés restaient, sous condition, assujetties à TVA, a été abrogé ;
  • Le b de l'article 261 D-4° du CGI, qui précise que l'exonération ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, a fait l'objet d'une re-écriture
  • Après le b, il a été inséré un b bis ainsi rédigé : « Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés b, qui sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle  » 

 

Article 261 D-4° du CGI (Ancienne rédaction)  Article 261 D-4° du CGI (Nouvelle rédaction)

 

Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :

[...]

4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.

 

Toutefois, l'exonération ne s'applique pas :

a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants qui ont souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ;

 

b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

 

 

 

 

 

 

 

Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :

[...]

4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.

 

Toutefois, l'exonération ne s'applique pas :

a. Abrogé

b. Aux prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

  • elles sont offertes au client pour une durée n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ;
  • elles comprennent la mise à disposition d’un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle » ;

b bis. Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés b, qui sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; »

 

 

 

 

Le principe demeure l’exonération de TVA pour les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés.

 

Mais la TVA s’applique désormais :

  • aux hébergements hôteliers offerts pour une durée de trente nuitées au plus, même si une reconduction est possible, comprenant au moins trois prestations parmi le petit-déjeuner, le nettoyage régulier, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle ;
  • et aux locations de meublés à usage résidentiel assorties de trois de ces prestations.

 

Rappel des faits :

M. C a, le 16 octobre 2014, acquis, en VEFA, un logement situé dans un ensemble immobilier dénommé « Résidence Le Domaine Sauvage », à Equihen-Plage, pour le louer en meublé de tourisme ou de vacances. Il a créé, en vue de l’exploitation de ce bien immobilier, une entreprise individuelle immatriculée en France mais a confié la mise en location effective de ce bien à un tiers exploitant, la société Holiday Suites. Estimant que l’activité de location en meublé ainsi exercée entrait dans le champ d’application de la TVA et n’était pas exonérée de cette taxe, M. C a demandé et obtenu le remboursement de la taxe ayant grevé l’achat de ce bien immobilier.

 

A l’issue d’une vérification de comptabilité de l’activité individuelle de M. C, l’administration fiscale a estimé, au contraire, que cette activité était exonérée de TVA et a remis en cause les remboursements de taxe obtenus par l’intéressé. 

 

Elle s'est fondée sur le fait que, si la société Holiday Suites proposait la fourniture à la clientèle du linge de maison ainsi qu’un service de réception, elle n’assurait, en revanche, ni la fourniture de petits-déjeuners, ni le nettoyage régulier des locaux dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

 

M. C a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge du rappel de TVA mis à sa charge. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal cette demande. M. C ra fait appel de ce jugement.

 

La Cour Administrative d'Appel de Douai vient de faire droit à la demande de M.C.

 

La Cour a tout d'abord repris dans sa décision à l'indentique les termes de l'avis du Conseil d'Etat qui a estimé en juillet dernier que le fait de conditionner l'assujettissement à la TVA de la mise à disposition d'un local meublé, à la fourniture de 3 des 4 prestations susvisées, était partiellement incompatible avec la Directive TVA :

Aux termes de l’article 261 D du code général des impôts : « Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : () / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation. / Toutefois, l’exonération ne s’applique pas : / () b. Aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. () ».

8. Ces dispositions ont pour effet d’inclure dans le champ de l’exonération toute mise à disposition d’un local meublé qui n’est pas assortie de l’offre, par l’exploitant, d’au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d’entraîner l’exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.

9. Par suite, le b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

10. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération.

 

Pour confirmer l'assujettissement à la TVA de la location meublée la Cour par une analyse "in concreto" fait valoir :

  • que la location était disponible à la nuitée et qu’au demeurant les réservations au sein de la résidence de vacances concernaient majoritairement des courts séjours dont la durée moyenne s’établissait à trois nuitées environ au cours de la période en litige ;
  • qu'à supposer même qu’il ne soit pas établi, comme le relève le service, que la fourniture du petit-déjeuner et le service de nettoyage en cours de séjour aient été proposés à titre optionnel au cours de la période litigieuse, il est constant que le nettoyage des locaux était effectué en début et en fin de séjour et il n’est pas contesté que la mise à disposition de ce logement s’accompagnait de prestations de réception téléphonique et d’accueil sur place ainsi que de la fourniture du linge de maison ;
  • que l’activité exercée par la société Holiday Suites s’exerçait dans un secteur particulièrement touristique.

Au vu des conditions dans lesquelles la prestation de location du logement était ainsi offerte, en particulier la possibilité pour le client de réserver l’hébergement à la nuitée et les prestations fournies outre l’hébergement, l’activité exercée par la société Holiday Suites doit être regardée comme s’étant trouvée en concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Dès lors que cette société se trouvait en situation d’une telle concurrence, c’est à tort que le service a remis en cause l’assujettissement de M. C à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité.

 

 

 

 

 

 

Publié le vendredi 8 mars 2024 par La rédaction

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