Accueil > Fiscalité des entreprises > TVA > TVA et directive «bons» : traitement fiscal des programmes de fidélisation comportant l'attribution de points en fonction des achats
TVA

TVA et directive «bons» : traitement fiscal des programmes de fidélisation comportant l'attribution de points en fonction des achats

Prise de position concernant le régime de TVA des programmes de fidélisation comportant l'attribution de points en fonction des achats qui s'inscrit dans le contexte de la directive «bons», de 2016, qui a introduit les articles 30 bis et 30 ter dans la directive TVA .

 

Pour mémoire, la directive 2016/1065 du 27 juin 2016, dite directive «bons», a modifié la directive TVA 2006/112/CE pour clarifier le traitement fiscal des bons. L'article 30 bis définit désormais le bon comme...

un instrument qui est assorti d'une obligation de l'accepter comme contrepartie totale ou partielle d'une livraison de biens ou d'une prestation de services

 

cette définition comportant deux conditions cumulatives :

  • La première condition exige que les biens à livrer ou l'identité des fournisseurs potentiels soient indiqués soit sur l'instrument même, soit dans la documentation correspondante.
  • La seconde impose l'existence d'une obligation d'accepter l'instrument en contrepartie d'une livraison. Cette obligation constitue le critère distinctif entre un véritable bon, relevant du régime spécial des articles 30 bis et 30 ter, et un simple instrument de réduction de prix, expressément exclu du champ d'application de ces dispositions.

La directive établit également une distinction entre bons à usage unique et bons à usages multiples. Les premiers, dont le lieu de livraison et la TVA due sont connus au moment de l'émission, voient leur transfert traité comme une livraison des biens correspondants. Les seconds, caractérisés par une incertitude sur ces éléments, ne génèrent d'imposition qu'au moment de leur utilisation effective

 

Rappel des faits :

L'affaire concerne Lyko, société suédoise de vente de produits de beauté, qui souhaitait mettre en place un programme de fidélisation prévoyant l'attribution automatique de points aux clients participants, en fonction du montant de leurs achats, ces points pouvant ensuite être échangés contre des articles disponibles dans une "boutique de points" lors d'achats ultérieurs. Le système présente plusieurs caractéristiques :

  • les points sont personnels et non transférables,
  • ils expirent après deux ans d'inutilisation,
  • leur valeur représente environ 2 à 10% des achats initiaux,
  • et surtout, ils ne peuvent être utilisés qu'en combinaison avec un nouvel achat.

Contrairement à un bon classique, qui peut être utilisé de manière autonome pour obtenir une livraison, les points Lyko ne créent aucun droit indépendant du client. Ils ne peuvent être convertis en produits que lors d'un achat supplémentaire.

 

La société a sollicité un rescrit fiscal afin d’obtenir des précisions sur la manière dont un tel programme serait traité sous l’angle de la TVA. Lyko s'interrogeait sur deux points concernant son programme de fidélisation :

  • d'abord, si ce programme constituait la fourniture de "bons" au sens de la directive TVA,
  • et ensuite, comment calculer la base d'imposition lorsque les points sont échangés contre des produits, sachant que le client ne paie pas spécifiquement pour obtenir ces points et qu'aucune valeur monétaire ne leur est attribuée.

La commission de droit fiscal a répondu négativement, considérant que le programme de fidélisation ne constitue pas la remise de bons. Elle justifie cette position en rappelant qu'un bon doit servir de "titre à valoir", c'est-à-dire constituer une preuve de paiement anticipé, ce qui n'est pas le cas des points de fidélité qui n'ont pas de valeur monétaire déterminée.

 

Tant l'administration fiscale suédoise que Lyko ont contesté ce rescrit devant les juridictions. L'administration soutient que les points ne constituent pas des bons transférables ayant une valeur déterminée, mais simplement une possibilité pour le client de choisir un article supplémentaire après avoir effectué des achats d'un certain montant. Lyko défend la thèse opposée, estimant que les points remplissent toutes les conditions de la définition des bons selon l'article 30 bis de la directive TVA. Elle estime que même si les clients ne paient pas spécifiquement pour les points, ils les reçoivent en contrepartie de leurs achats, constituant ainsi une forme de rémunération.

 

Face à cette divergence d'interprétation, la Cour suprême administrative suédoise a saisi la CJUE de deux questions préjudicielles :

  • premièrement, si de tels points de fidélité constituent des bons au sens de la directive TVA,
  • et deuxièmement, comment déterminer la base d'imposition si la réponse à la première question est affirmative. 

 

L'avocate générale Kokott vient de conclure, au cas particulier, que les points de fidélité ne constituai ent pas un bon au sens de la directive TVA

 

 Le critère décisif : l'obligation d'accepter le bon comme contrepartie autonome

Selon l'article 30 bis de la directive TVA, un bon est un instrument qui est assorti d’une obligation de l’accepter comme contrepartie (totale ou partielle) d’une livraison de biens ou d’une prestation de services.

  • L'argument de l'AG : Dans le système de Lyko, les points ne peuvent être utilisés qu'en combinaison avec un achat ultérieur. Ils ne créent pas pour Lyko une obligation indépendante de livrer un produit sur simple présentation des points. L'utilisation des points est conditionnée à un autre engagement du client : effectuer un nouvel achat.

  • La distinction clé :

    • Bon : Un instrument qui peut être utilisé de manière autonome pour obtenir un bien ou un service. Il fonctionne comme un moyen de paiement prépayé.

    • Instrument de réduction de prix (rabais) : Un instrument qui ne fait que réduire le prix d'une autre opération. Il est interdépendant d'un achat principal.

En l'espèce, les points agissent comme un rabais sur le deuxième achat, rendant cet achat global (produit principal + produit "gratuit") moins cher. Ils n'ont pas d'existence autonome.

 

Le rejet d'une condition implicite de "valeur déterminée"

L'avocate générale écarte l'argument selon lequel un bon devrait nécessairement avoir une valeur monétaire déterminée dès son émission pour être qualifié comme tel.

  • Elle estime que la définition de l'article 30 bis est exhaustive et ne contient pas cette condition.

  • Les points, bien que n'ayant pas une valeur fixe en euros au départ, ont une valeur déterminable qui se concrétise au moment de leur utilisation. Ils sont acquis à titre onéreux (car liés à un premier achat payant) et non gratuitement.

Conséquences sur le traitement des points non utilisés

La qualification de "réduction de prix" a une conséquence fiscale directe, notamment pour les points qui expirent sans avoir été utilisés.

  • Si les points étaient un bon à usages multiples : La part de la contrepartie du premier achat correspondant aux points non utilisés ne serait, en principe, pas soumise à la TVA. En effet, l'imposition n'a lieu qu'au moment de l'utilisation du bon.

  • Puisqu'il s'agit d'une réduction de prix : La TVA est due sur la totalité du prix du premier achat. La base d'imposition reste inchangée si les points ne sont jamais utilisés, car aucune réduction de prix n'a été effectivement consentie. L'effet fiscal ne se produit que lors de l'utilisation des points sur l'achat suivant.

 

L'avocate générale a suggèré à la Cour de répondre que :

La remise de points dans le cadre d’un programme de fidélisation de la clientèle qui est aménagé de telle sorte qu’un client qui achète des biens obtient des points en fonction du montant de l’achat et a ensuite droit, en combinaison avec un achat ultérieur, d’utiliser les points pour obtenir des biens supplémentaires de l’assortiment du vendeur, n’est pas un bon au sens de l’article 30 bis de la directive 2006/12.

Il manque pour ce faire l’obligation (autonome) d’accepter ces points comme contrepartie de la livraison d’un bien.

Un tel système de points ne constitue donc qu’une réduction de prix en ce qui concerne l’achat ultérieur.

 

Par conséquent, il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question sur le calcul de la base d'imposition.

Publié le vendredi 12 septembre 2025 par La rédaction

6 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :