L’Assemblée nationale a adopté vendredi contre l’avis du gouvernement un amendement au PLFR 2015 visant à faire rétroagir au 12 juin 2009 l’application du taux super-déduit de TVA de 2,1 % aux services de presse en ligne.
En créant la notion de service de presse en ligne et en l’intégrant dans la loi du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse, la loi du 12 juin 2009 a pleinement reconnu la presse en ligne comme partie intégrante de la presse en général.
Mais, les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne restaient différentes, la première bénéficiant du taux de 2,1% et la seconde se voyant appliquer un taux de TVA de 19,6 %, puis de 20 %.
Cette différence a été officiellement supprimée par la loi du 27 février 2014, qui a unifié le taux de TVA.
En pratique, la loi a modifié le deuxième alinéa de l’article 298 septies du CGI .
Cette harmonisation de taux s’applique aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1er février 2014 . L’administration a mis à jour sa doctrine fiscale concernant l’application du taux super réduit de TVA.
L’amendement 572 adopté vise à faire rétroagir cette harmonisation au 12 juin 2009.
«Il était donc nécessaire de mettre en cohérence le droit de la presse et le droit fiscal, dès le 12 juin 200*9, l’article 1er de la loi du 1er août 1986 modifié le 12 juin 2009 étant opposable à l’administration fiscale, étant précisé de surcroît que la définition de la presse telle que résultant de la version d’origine de l’article 1er de la loi du 1er août 1986, qui était d’application immédiate, comportait déjà une définition des services de presse s’appliquant à la presse télématique (le Minitel à l’époque)»_, *soulignent les auteurs de l’amendement dans leur exposé des motifs.
Christian Paul l’un des co-auteur de l’amendement a indiqué lors des débats que celui-ci répondait à un «double motif d’intérêt général» :
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la liberté de communication.
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et le principe d’égalité.
Le but de cette mesure est également de faire bénéficier les sites de presse en ligne, (et notamment Mediapart et Arrêt sur Images, soumis à un redressement fiscal pour s’être auto-appliqués un taux de TVA réduit entre 2008 et 2014) d’une amnistie fiscale.
Si Madame Rabault estime que cette mesure ne devrait pas être jugée constitutionnelle Gilles Carrez estime quant à lui que «l’amendement proposé est totalement inconstitutionnel, car la mesure est rétroactive et comporte un aspect d’amnistie fiscale tout à fait déplaisant» .
Suivant l’avis du Président de la Commission des Finances le ministre du Budget a estimé que le motif d’intérêt général n’était pas suffisamment matérialisé et partant que la mesure risquait d’être jugée inconstitutionnelle.
Christian Eckert a également souligné, s’agissant du volet Européen, que la Commission avait confirmé que l’application d’un taux de TVA de 2,1 % à la presse en ligne était contraire à la directive. «Le président de la Commission européenne, nous dit-on, a déclaré que cela pourrait changer. Peut-être, mais quand ? Nous l’ignorons. Est-ce sûr ?… Le président de la Commission a évoqué une modification – qui ne dépend d’ailleurs pas de lui, puisqu’en matière de TVA, il faut l’unanimité des États membres – qui réglerait le problème de la mise en demeure pour la France. Peut-on pour autant considérer que ceux qui se sont appliqué un taux réduit de leur propre initiative, alors même que c’était contraire aux règles communautaires, ne doivent pas être poursuivis ?»
A l’issue d’un long débat l’amendement 572 a été adopté par 11 voix contre 10 et contre l’avis du gouvernement.
Mais n’oublions pas, Michel Sapin a, il y a un an posé officiellement le principe de non-rétroactivité en matière fiscale …
Affaire à suivre…au Conseil Constitutionnel