Clarification concernant l'application du plafond des aides de minimis aux commissionnaires de transport dans le cadre de l'exonération d'impôt sur les sociétés en zone de revitalisation rurale (ZRR). Une décision confirme que le plafond d'aides de minimis de 100 000 € s'applique à l'ensemble des entreprises du secteur du transport de marchandises par route pour compte d'autrui, y compris les commissionnaires de transport
L’article 108 § 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) énonce l’obligation de notification des aides d’État à la Commission européenne afin d’établir leur compatibilité avec le marché commun selon les critères de l’article 107, § 1, du TFUE. Certaines catégories d’aides peuvent néanmoins être exemptées de l’obligation de notification en vertu du règlement (CE) n° 994/98.
La règle de minimis a ainsi été mise en œuvre afin d’exempter les subventions de faible montant. Elle établit un plafond au-dessous duquel l’aide ne relève pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et donc n’est pas soumise à la procédure de notification de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE : ce plafond dont s’agit est le « plafond de minimis ».
Le plafond des aides de minimis correspond au seuil d'aides d'État de faible montant qu'une entreprise peut recevoir sur 3 exercices fiscaux glissants (exercice fiscal en cours et les 2 exercices précédents). En d'autres termes, sur une période de 3 ans.
Le règlement 2023/2831 du 13 décembre 2023 adopté par la Commission européenne a révisé les règles relatives aux aides de minimis. Les principales évolutions ont été les suivantes :
- Le seuil de minimis général a été relevé de 200 000 € à 300 000 € sur une période de trois années glissantes, afin de tenir compte de l'inflation
- Le seuil spécifique aux Services d'Intérêt Économique Général (SIEG) est passé de 500 000 € à 750 000 € sur la même période
- Les entreprises en difficulté financière peuvent désormais bénéficier de ces aides
- La définition de la notion d'entreprise a été simplifiée et clarifiée
- Des prêts subventionnés jusqu'à 1,5 million € peuvent également bénéficier du régime de minimis sous certaines conditions
Certains secteurs d’activités sont soumis à des régimes de minimis différents, avec des plafonds spécifiques :
- Transport de marchandises par route pour compte d’autrui : 100 000 €
- Agriculture : 50 000 €
- Pêche et aquaculture : 30 000 €
L'article 44 quindecies du CGI prévoit une exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, situées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle. Cette exonération est subordonnée au respect du plafond susvisé des aides d'état « plafond de minimis ».
Rappel des faits :
La société So Fret, spécialisée dans l'affrètement et l'organisation de transports routiers de marchandises, a été créée en 2011 et est située dans une ZRR. Elle a bénéficié de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 44 quindecies du CGI. Lors d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a constaté que la société avait perçu des réductions de cotisations sociales excédant 100 000 € sur une période de trois ans. En conséquence, l'administration a estimé que la société dépassait le plafond d'aides de minimis applicable aux entreprises du secteur du transport routier, remettant en cause son éligibilité à l'exonération d'impôt sur les sociétés.
La société So Fret a contesté cette remise en cause devant le tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté sa demande par un jugement du 17 février 2023.
La société a fait appel de cette décision devant la CAA de Toulouse.
La Cour vient de rejeter la requête de la société.
En droit, le commissionnaire de transport est un intermédiaire qui se charge complètement de l’exécution d’un transport en faisant exécuter sous sa responsabilité et en son propre nom le déplacement des marchandises pour le compte d’un donneur d’ordre appelé commettant .
La cour de cassation a ainsi défini la commission (Arrêt de la Cour de Cassation du 16 février 1988) : c'est la "convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à l'autre, elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout".
L'administration fiscale, estimait que le règlement (UE) n° 1407/2013 s'appliquait à l'ensemble des entreprises actives dans le secteur du transport de marchandises par route pour compte d'autrui, incluant ainsi les commissionnaires de transport.
La société, quant à elle, soutenait que son activité de commissionnaire, consistant uniquement en l'organisation administrative du transport sans exécution directe de celui-ci, ne relevait pas du plafond spécifique au transport routier. Elle s'appuyait notamment sur sa qualité d'intermédiaire définie par l'article L. 1411-1 du code des transports.
La Cour rejette cette interprétation en développant une analyse approfondie de la notion d'"entreprise active dans le transport de marchandises par route".
Elle relève que le règlement européen, contrairement à d'autres textes du droit des transports, ne vise pas uniquement les transporteurs mais l'ensemble des entreprises du secteur. La Cour s'appuie sur le 5ème considérant du règlement qui, s'il exclut certains "services intégrés" où le transport n'est qu'accessoire (déménagement, services postaux), ne permet pas d'en déduire l'exclusion des commissionnaires dont l'activité reste principalement dédiée au transport routier.
La société So Fret soutient qu'en tant que commissionnaire de transport, elle se borne à réaliser des tâches administratives d'organisation du transport de marchandises, sans exécuter elle-même la prestation de transport, confiée à un transporteur, et qu'ainsi le plafond de 100 000 euros d'aides de minimis prévu par les dispositions précitées du règlement du 18 décembre 2013 ne lui est pas applicable. Toutefois, au contraire d'autres textes européens règlementant le domaine du transport routier, tels que les règlements du 21 octobre 2009 (CE) n° 1071/2009 et (CE) n° 1072/2009, le 2 de l'article 3 du règlement n° 1407/2013 ne vise pas seulement les transporteurs eux-mêmes mais l'ensemble des entreprises uniques actives dans le transport de marchandises par route pour compte d'autrui. Eu égard à l'intention du législateur européen, telle qu'elle ressort du 5ème considérant introductif de ce règlement, cette notion doit s'entendre comme englobant l'ensemble des entreprises actives dans le secteur du transport routier de marchandises. Alors même qu'un commissionnaire de transport routier ne disposerait pas d'une flotte de véhicules et n'exécuterait donc pas lui-même le transport, son activité s'exerce néanmoins dans le secteur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui. Si le 5ème considérant introductif du règlement exclut de son champ un certain nombre de " services intégrés dans lesquels la composante transport n'est qu'un élément parmi d'autres ", la finalité du service offert par un commissionnaire de transport, quand bien même il s'accompagnerait de la réalisation de certaines prestations accessoires, reste l'exécution du transport de marchandises, au contraire des exemples qui y sont mentionnés. Dès lors, la société So Fret n'est pas fondée à soutenir que les commissionnaires de transport de marchandises par route seraient exclus du champ des dispositions du second alinéa du 2 de l'article 3 du règlement n° 1407/2013.
Le règlement (UE) n° 1407/2013 s'applique à toutes les entreprises actives dans le secteur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui, y compris les commissionnaires de transport, indépendamment de la nature exacte de leurs activités.