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Contrôle et contentieux

Rescrit fiscal : les règles de recevabilité du REP s'appliquent également aux décisions de retrait d'une prise de position favorable

Précisions jurisprudentielles sur les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir (REP) dirigé contre les décisions administratives qui reviennent sur une prise de position fiscale antérieure favorable. Le juge de l'impôt nous rappelle également qu'il  convient d'être particulièrement vigilant sur le calendrier des demandes de rescrit, qui doivent impérativement précéder la réalisation de l'opération envisagée

 

Pour mémoire, l'article L. 80 A du LPF institue une garantie contre les rehaussements d'impositions lorsque l'interprétation du contribuable de bonne foi a été formellement admise par l'administration. L'article L. 80 B du même livre étend cette garantie aux situations où l'administration a pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, sous réserve que la demande soit écrite, précise et complète.

 

Le régime spécifique de l'article L. 80 B-2° du LPF concerne les cas où l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois à une demande de bénéfice de certains dispositifs fiscaux, notamment l'article 44 octies A du CGI relatif aux exonérations en zones franches urbaines. La particularité de ce régime réside dans l'exigence que la notification soit préalable à l'opération en cause.

 

En matière de contentieux, la jurisprudence administrative a établi que les prises de position formelles de l'administration constituent des décisions administratives susceptibles de recours. Cependant, le principe veut qu'un tel recours s'exerce par la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt. Le recours pour excès de pouvoir n'est ouvert que lorsque la prise de position entraînerait des effets notables autres que fiscaux, rendant la voie du recours de plein contentieux insuffisante pour obtenir un résultat équivalent.

 

Rappel des faits :

M. B., médecin expert exerçant depuis le 1er octobre 2013 dans une ZFU devenue en 2015 "ZFU-TE", a transféré son activité à une autre adresse située également en ZFU-TZ le 28 mai 2018. Le 21 juin 2018, soit postérieurement au transfert, il a adressé à l'administration fiscale une demande de rescrit portant sur l'application du régime d'exonération temporaire d'impôt prévu à l'article 44 octies A du CGI

L'administration fiscale a initialement répondu favorablement à cette demande par décision du 20 décembre 2018, conforme à la délibération du collège territorial de second examen. Cependant, après une nouvelle analyse du dossier, l'administration est revenue sur sa position et a rejeté la demande par décision du 24 avril 2019, confirmée par décision du 4 octobre 2019 prise après une nouvelle délibération du collège territorial de second examen.

Face à cette décision défavorable, M. B. a saisi le TA d'Orléans d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 4 octobre 2019. Par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité. La cour administrative d'appel de Versailles, par arrêt du 27 février 2024, a confirmé cette position en rejetant l'appel formé par le contribuable.

 

M. B. s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'État.

 

M. B. soutient que son REP était recevable, contestant la décision administrative qui revenait sur une prise de position antérieure favorable. Il développait notamment des moyens de dénaturation et d'erreur de droit à l'encontre du motif par lequel la cour d'appel avait estimé qu'il ne se prévalait d'aucun effet autre que fiscal pour justifier la recevabilité de son recours.

 

Le Conseil d'Etat vient de rejeter le pourvoi de M.B

 

  • Le Conseil d'État commence par rappeler les principes généraux gouvernant la contestation des prises de position administratives en matière fiscale. Il confirme que ces prises de position constituent des décisions administratives et que, en principe, elles ne peuvent être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir en raison de l'existence d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt.
  • Toutefois, la Haute juridiction administrative précise que le REP demeure ouvert lorsque la prise de position entraînerait des effets notables autres que fiscaux, notamment lorsque le fait de s'y conformer ferait peser sur le contribuable de lourdes sujétions, le pénaliserait significativement sur le plan économique, ou l'amènerait à renoncer à un projet important ou à le modifier substantiellement.

Au cas particulier, le Conseil d'État étend expressément l'application de ces règles aux recours dirigés contre les décisions par lesquelles l'administration revient sur une prise de position antérieure favorable. 

 

Sur le fond du litige, le Conseil d'État valide le raisonnement de la cour d'appel concernant l'exigence du caractère préalable de la demande. Il confirme que lorsqu'une demande de rescrit est postérieure à l'opération en cause, elle ne peut bénéficier du régime spécial l'article L. 80 B du LPF. En conséquence, la décision défavorable ne peut être automatiquement réputée entraîner des effets notables autres que fiscaux.

 

TL;DR

  • Les règles de recevabilité du REP s'appliquent de manière identique aux décisions initiales et aux décisions de retrait d'une prise de position favorable. 
  • Rappel de l'exigence du caractère préalable des demandes de rescrit. Elles doivent impérativement précéder la réalisation de l'opération envisagée. À défaut, le contribuable se prive non seulement des garanties procédurales spéciales, mais aussi de la présomption d'effets notables autres que fiscaux qui facilite l'exercice du REP

 

 

Publié le mardi 3 juin 2025 par La rédaction

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