Accueil > Fiscalité internationale > Evasion fiscale > Retrait des commentaires sur les montages « CumCum » : quand la pression parlementaire fait plier l'administration fiscale
Evasion fiscale

Retrait des commentaires sur les montages « CumCum » : quand la pression parlementaire fait plier l'administration fiscale

Le 24 juillet 2025, le ministre de l'Économie et des Finances Eric Lombard a officialisé le retrait d'une interprétation controversée contenue dans un rescrit publié le 17 avril dernier, cédant ainsi aux pressions exercées par la commission des finances du Sénat. Cette décision, qui concerne l'application de l'article 119 bis A du CGI aux opérations conclues sur les marchés réglementés, révèle les difficultés inhérentes à la mise en œuvre pratique des dispositifs de lutte contre l'optimisation fiscale agressive. L'administration fiscale vient de s'exécuter dans un nouveau rescrit.

 

Le renforcement progressif du dispositif anti-« CumCum » face à l'ingéniosité des montages

Le dispositif de lutte contre les montages « CumCum » s'est construit par strates successives, témoignant de la complexité croissante de ces pratiques d'optimisation fiscale. Initialement conçu en 2019 avec l'introduction de l'article 119 bis A du CGI, le mécanisme visait principalement les cessions temporaires d'actions de moins de 45 jours, établissant une présomption de distribution soumise à retenue à la source. Toutefois, cette première mouture présentait des lacunes importantes, se limitant aux prêts « réels » d'actions et laissant échapper les montages plus sophistiqués utilisant des instruments dérivés ou des structures complexes. Les praticiens ont rapidement identifié ces failles, développant des stratégies d'évitement qui exploitaient les zones grises du dispositif, notamment par l'utilisation d'instruments financiers non linéaires ou de combinaisons d'opérations échappant au champ d'application strict de l'article 119 bis A.

 

Face à cette situation, l'article 96 de la loi de finances pour 2025 a procédé à un élargissement significatif du dispositif, intégrant notamment la notion de « bénéficiaire effectif » et étendant le champ d'application aux transferts de valeur résultant d'accords ou d'instruments financiers produisant un effet économique similaire à la possession d'actions. Cette réforme visait à combler les principales lacunes identifiées par les parlementaires. L'objectif était clairement d'instaurer un dispositif plus hermétique, capable de saisir l'ensemble des montages susceptibles de contourner la retenue à la source, indépendamment de leur degré de sophistication technique ou juridique.

 

La controverse du point 4 : entre commentaire administratif et volonté législative

Le rescrit publié le 17 avril 2025 par l'administration fiscale, s'appuyant sur un avis du Conseil d'État du 27 janvier 2025, contenait un point 4 particulièrement sensible concernant l'application de l'article 119 bis A aux opérations conclues sur les marchés réglementés.

 

Cette disposition précisait que les établissements payeurs n'étaient pas tenus d'appliquer la retenue à la source de manière préventive lorsqu'ils ne connaissaient pas effectivement leur contrepartie, introduisant ainsi une exception pratique au principe général du dispositif anti-abus. L'administration justifiait cette interprétation par les contraintes opérationnelles inhérentes au fonctionnement des marchés financiers, où l'anonymat des contreparties constitue souvent la règle plutôt que l'exception. 

 

Toutefois, cette interprétation a suscité la desapprobation des parlementaires, et notamment du rapporteur général Jean-François Husson, qui y ont vu une dénaturation de l'intention législative. Les sénateurs ont dénoncé l'introduction d'une « faille » dans le dispositif, estimant que l'administration outrepassait ses prérogatives en ajoutant à la loi des cas de non-application non prévus par le législateur. La controverse s'est cristallisée autour de la crainte que cette exception ne devienne un boulevard pour de nouveaux montages d'évitement, les opérateurs pouvant structurer leurs transactions de manière à bénéficier de l'anonymat des marchés réglementés pour échapper à la retenue à la source.

 

Suite à l'annonce, hier, du Ministre Lombard, l'administration vient de publier un rescrit rectificatif qui concilie les impératifs de lutte contre l'optimisation fiscale avec les contraintes opérationnelles légitimes des marchés financiers. Cette nouvelle mouture supprime le §4 controversé : 

 

Application de l’article 119 bis A du CGI aux opérations conclues sur un marché réglementéConformément aux précisions apportées par le Conseil d’État (CE, avis du 27 janvier 2025, n° 409218, points 12 et 13), il convient de souligner que lorsque les opérations susceptibles de générer un transfert de valeur au sens et pour l’application des dispositions de l’article 119 bis A du CGI interviennent sur un marché réglementé, ces dispositions n’imposent pas de soumettre ce transfert de valeur à retenue à la source, de manière préventive, si l’établissement payeur ne connaît effectivement pas sa contrepartie.

 

 

Ce second rescrit, débarrassé de son point controversé, offre désormais une doctrine administrative cohérente avec l'objectif de lutte contre les montages d'arbitrage de dividendes, sans créer d'exception injustifiée pour les marchés réglementés. Cette évolution renforce la sécurité juridique et l'efficacité du dispositif anti-"CumCum".

Publié le vendredi 25 juillet 2025 par La rédaction

4 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :