Pactes Dutreil et holdings : les méandres de l'activité d'animatrice

4 min de lecture

L’assimilation des holdings animatrices aux sociétés opérationnelles leur ouvre la porte des exonérations partielles prévues par les articles 787 B (Droits de mutation à titre gratuit) et 885 I bis (ISF).

 

Mais quelle notion se cache exactement derrière ce terme flou de holding animatrice, pourtant clef de l’économie d’impôt ?

L’administration donne une définition des holdings animatrices : ce sont celles qui « participent activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers. Ces sociétés utilisent ainsi leur participation dans le cadre d’une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques. Ces sociétés holdings animatrices s’opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de l’exonération partielle en tant que simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier » . ( BOI-PAT-ISF-30-30-40-10, §140 ).

Mais cette définition sommaire ne permet pas de résoudre tous les problèmes de qualification.

Trois problèmes sont notamment susceptibles d’être rencontrés en pratique, sans que ni la jurisprudence ni la doctrine administrative n’y apportent les réponses claires qui seules permettraient de sécuriser les opérations et d’éviter des redressements aux conséquences désastreuses :

1- L’insidieuse nécessité d’une continuité de l’activité d’animation

Assez logiquement, l’administration fiscale impose que l’activité éligible soit exercée de manière continue pendant toute la durée de l’engagement collectif et de l’engagement individuel ( BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 pour les Dutreil transmission et BOI-PAT-ISF-30-40-60-10 pour les Dutreil-ISF), soit au minimum six années à compter de la signature du pacte.

Mais cette exigence s’articule difficilement avec l’activité de holding : quid si la société décide de vendre tout ou partie de ses participations pour, par exemple, diversifier ses investissements ?

En l’état, rien n’indique que l’administration sera encline à accorder un délai de réinvestissement à la holding même en cas de recherche active et justifiable, et si l’on y prend pas garde, la holding devenue «cash box» le temps nécessaire de trouver de nouveaux investissements pourrait bien perdre son statut d’animatrice.

En attendant que la question soit résolue par la jurisprudence ou l’administration, la prudence impose de gérer les cessions de participations de façon à ce que l’actif brut soit à tout moment composé à 50% de titres de participation.

2- La question de l’antériorité de l’activité d’animation

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 juin 2011 a été remarqué.

Non seulement parce qu’il est le premier sur le terrain de l’exonération partielle visée par l’article 787 B et sur celui du régime de paiement fractionné et différé de l’article 397 A-b, mais aussi par la rigueur dont a fait preuve la haute juridiction en refusant le bénéfice de l’exonération partielle à un contribuable sur des titres d’une holding animatrice, au motif notamment que la société avait endossé le rôle d’animatrice concomitamment à la donation litigieuse (en l’espèce la holding avait commencé à animer le groupe trois mois avant la donation et ne pouvait justifier que d’actes juridiques mais pas d’activité d’animation réelle).

L’adjonction d’une condition non prévue par le texte pourrait en soi prêter à la critique.

Mais plus gênant encore est l’imprécision qui l’entoure : quel est le délai à partir duquel une donation pourra être consentie sans risque de remise en cause de l’exonération partielle ?

Faute de mieux, il est permis de raisonner par analogie avec le régime du paiement différé et fractionné des droits de l’article 397 A-b de l’annexe III au CGI, pour lequel l’administration admet qu’il peut bénéficier à une holding constituée depuis moins d’un exercice (BOI-ENR-DG-50-20-50, n°180 in fine).

On peut donc penser qu’a fortiori une holding qui exerce son activité d’animatrice depuis plus d’un exercice ouvrira droit aux exonérations partielles.

Mais une fois de plus, faute de solutions claires, l’appréciation par les juges restera factuelle, et donc source d’insécurité juridique.

3- L’épineuse question de la co-animation

Une holding n’a pas nécessairement besoin d’être majoritaire dans le capital de ses filiales pour être considérée comme animatrice : il suffit qu’elle détienne une participation suffisante pour avoir une réelle influence.

Dès lors, deux associés qui souhaiteraient constituer chacun une holding à laquelle ils apporteraient leurs participations respectives ne peuvent-ils pas revendiquer le statut d’animatrice pour chacune des holdings ?

Deux holdings peuvent tout à fait exercer une réelle influence sur un même groupe de société, et conduire ensemble la politique du groupe.

Mais ce montage, s’il n’est exclu par aucun texte ou doctrine administrative, ne manquera pas cependant d’attirer l’attention de l’administration, et devra être utilisé avec beaucoup de prudence. Et il sera impératif que des conventions de prestations de service administratifs et de gestion soient mises en place avec chacune des holdings, que les holdings facturent des fees à leurs filiales, qu’il y ait communauté de dirigeants entre les holdings et les filiales, et qu’elles puissent justifier à tout moment de l’effectivité de leur activité d’animation.

Article de Pierre-Alain GUILBERT, notaire associé et Maïder DE LOS SANTOS, consultante (Office notariale 14 PYRAMIDES NOTAIRES) du 31 mars 2013

Sur le même sujet

Voir plus d'articles