Le juge de l'impôt nous rappelle les effets d'un dépôt de dossier de surendettement sur le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'administration fiscale. Une telle démarche, qui contraint le débiteur à déclarer son passif fiscal, constitue une reconnaissance de dette qui interrompt la prescription.
L'avis de mise en recouvrement (AMR) est l'acte au moyen duquel l'administration authentifie une créance fiscale non acquittée spontanément dans les délais légaux, ou partiellement acquittée, ainsi qu'il ressort des dispositions de l'article L 256 du LPF : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ".
Le délai de prescription de l’action en recouvrement qui est celui pendant lequel le créancier peut poursuivre le recouvrement forcé de ces impositions ou pénalités. C'est cette prescription, régie par l’article L274 du LPF constitue une prescription extinctive : à défaut d’action du comptable des finances publiques pendant un certain délai fixé par la loi, celui-ci perd son droit d’agir contre un débiteur.
Ce texte précise que...
...Les comptables publics des administrations fiscales qui n’ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable
Aux termes de l'article précitéle délai de prescription de l’action en recouvrement est de quatre ans. Il court à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement.
La doctrine BOFIP-Impôts BOI-REC-EVTS-30-20 précise s'agissant de la suspension de ce délai :
Avant que ne s'accomplisse le délai quadriennal de l'article L.274 du livre des procédures fiscales(LPF), qui a pour effet de frapper de prescription le droit d'agir de l'administration, individualisé créance par créance dans les écritures du comptable des finances publiques, des événements intercalaires ont pu modifier le cours du délai de prescription, de deux manières différentes.
Ces évènements vont entrainer soit l'interruption, soit la suspension de la prescription., L'interruption de la prescription enlève toute valeur au délai déjà écoulé et fait courir un nouveau délai de même nature et de même durée. L'acte interruptif de prescription a pour effet de substituer à la prescription en cours une nouvelle prescription de même durée. La fin de l'interruption marque donc le point de départ d'un nouveau délai de même nature que le précédent.
La suspension de la prescription entraine quant à elle l'arrêt du cours de la prescription tant que le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir. Le délai déjà écoulé est maintenu et recommence à courir à la date à laquelle la cause de la suspension a disparu.
La reconnaissance de dettes constitue l'un des évènement des événements susceptibles d'interrompre la prescription
Pour opérer son effet interruptif, elle doit émaner du débiteur lui-même ou de son mandataire. Elle peut être expresse ou tacite.
Expresse, elle peut être donnée sous une forme quelconque et spécialement dans une correspondance adressée au service ou dans des mémoires ou conclusions.
Quand elle est tacite, elle résulte de tout acte du débiteur impliquant sans équivoque son aveu de la créance de l’administration.
Rappellons par ailleurs que le droit de la consommation a instauré une procédure de traitement du surendettement des particuliers, régie par les articles L. 330-1 et s (devenus L. 711-1 et s.) du code de la consommation. Cette procédure permet à un débiteur de bonne foi de saisir une commission de surendettement pour trouver des solutions amiables ou imposer des mesures de rééchelonnement de ses dettes non professionnelles. Dans ce cadre, l'article L. 331-3 du même code (devenu L. 721-1) impose au débiteur de déclarer l'ensemble des éléments actifs et passifs de son patrimoine, incluant sans exception ses dettes fiscales.
La prescription de l'action en recouvrement et le dépôt d'un dossier de surendettement étaient au cœur du litige soumis au Conseil d'État.
Rappel des faits :
Mme B s'est vue notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1989 à 1991, mises en recouvrement en 1994. Après de multiples recours, seule la dette afférente à l'année 1990 demeurait exigible. Pendant près de vingt ans, l'administration fiscale a tenté d'en obtenir le paiement par divers actes de poursuite, auxquels la contribuable s'est systématiquement opposée.
Devant les juges du fond, Mme B soutenait que l'action en recouvrement du Trésor public était prescrite. Elle se prévalait du fait que, durant plusieurs périodes de plus de quatre années consécutives, aucun acte de poursuite valable n'avait été diligenté à son encontre. L'administration fiscale répondait que la prescription avait été valablement interrompue, notamment en 2002. À cette date, Mme B avait saisi la commission de surendettement des particuliers des Alpes-Maritimes. Dans son dossier, conformément à ses obligations légales, elle avait déclaré l'existence de sa dette fiscale. Pour l'administration, cette déclaration constituait une reconnaissance de dette au sens de l'article L. 274 du LPF, ayant relancé le délai de prescription pour quatre nouvelles années.
Le TA de Nice puis la CAA de Marseille ont suivi le raisonnement de l'administration et rejeté la demande de la contribuable, qui s'est pourvue en cassation.
Le Conseil d'État vient de rejetter le pourvoi en validant le raisonnement des juges du fond.
Le cœur de la décision réside dans l'analyse de l'effet interruptif de la saisine de la commission de surendettement. La Haute juridiction relève que la procédure de surendettement impose au débiteur de dresser un état complet de son endettement, et que la requérante y avait bien mentionné sa dette fiscale. Elle en déduit que cette démarche...
« valait, ainsi que le soutenait l'administration fiscale devant les juges du fond, reconnaissance de dette interruptive de prescription ».
Partant, un nouveau délai de quatre ans a commencé à courir en 2002, rendant les poursuites ultérieures non prescrites.