L'article L. 16 B du LPF institue un droit de visite et de saisie pour l'administration fiscale, visant à rechercher des fraudes en matière d'impôts sur le revenu, sur les bénéfices et de TVA. La visite domiciliaire peut être mise en œuvre sur autorisation judiciaire lorsqu'il existe une présomption de fraude, notamment quand un contribuable se livre à des achats ou ventes sans facture, utilise des factures fictives, ou tient une comptabilité inexacte ou frauduleuse. Les visites peuvent se dérouler dans tous les lieux, y compris privés, où des documents probants pourraient être conservés. Elle nécessite l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit vérifier l'existence de présomptions de fraude. De plus, les agents enquêteurs doivent être spécifiquement habilités à cet effet par le DGFiP et avoir au minimum le grade d'inspecteur.
L'importance de cette habilitation nominative est cruciale, car elle constitue une garantie pour le contribuable. En pratique, le DGFiP ne signe pas personnellement chaque habilitation. L'article R. 16 B-1 du LPF organise donc une faculté de délégation de signature, mais de manière restrictive : elle ne peut être consentie qu'au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) ou à son adjoint :
Pour l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint.
Rappel des faits :
En l'espèce, sur le fondement d'une ordonnance du JLD de Nanterre, plusieurs sociétés et une personne physique ont fait l'objet d'une visite domiciliaire le 29 septembre 2022. Contestant la régularité de cette mesure, les contribuables ont fait appel devant la cour d'appel de Versailles, soulevant notamment un moyen tiré de l'illégalité des arrêtés de 2009, 2013 et 2014 par lesquels le DGFiP avait délégué sa signature.
Selon eux, les bénéficiaires de cette délégation, qui avaient ensuite signé les habilitations des agents vérificateurs, ne remplissaient pas les conditions posées par l'article R. 16 B-1 du LPF. Saisi par les contribuables, le TA de Paris, dans un jugement du 10 octobre 2024, leur a donné raison. Il a déclaré les arrêtés de délégation entachés d'illégalité. C'est ce jugement que le ministre a contesté devant le Conseil d'État.
Le conseil d'Etat vient de valider la légalité des délégations de signature.
La première partie du raisonnement de la Haute juridiction est purement procédurale.Elle annule le jugement sans même examiner les moyens soulevés par le ministre, au motif que le tribunal était incompétent. Il rappelle en effet qu'en vertu de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d'État est seul compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autorités à compétence nationale. Les arrêtés de délégation de signature du DGFiP, autorité à compétence nationale, relevant de cette catégorie, le tribunal administratif n'aurait jamais dû statuer.
Sur le fond, l'argument des contribuables reposait sur une lecture stricte des textes. Ils soutenaient que les agents ayant bénéficié de la délégation, Mme B et M. G n'avaient pas la qualité d'« adjoint au directeur de la DNEF » requise par l'article R. 16 B-1 du LPF, mais portaient le titre de directeurs départementaux ou d'administrateurs des finances publiques.
Le Conseil d'État écarte cet argument en adoptant une appréciation fonctionnelle de la situation. Il ne s'arrête pas au grade ou au titre formel des agents concernés. Il recherche quelles étaient leurs attributions réelles. Le juge constate qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... et M. G... « exerçaient effectivement, à la date des arrêtés contestés, les fonctions d'adjoint au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ».
Dès lors que la réalité fonctionnelle correspondait à la condition posée par le texte réglementaire, la légalité de la délégation de signature ne pouvait être contestée.
La solution est claire : en matière de délégation de signature, la réalité des fonctions exercées prime sur l'intitulé formel du poste.
7. Sur le fondement de ces dispositions, par arrêtés des 21 octobre 2009, 15 juillet 2013 et 7 juillet 2014, le directeur général des finances publiques a, notamment, donné délégation à Mme B... et M. G..., en leur qualité de directeurs départementaux, puis d'administrateurs des finances publiques, affectés à la direction nationale d'enquêtes fiscales, à l'effet de signer les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Il ressort des pièces versées au dossier que Mme B... et M. G..., alors titulaires du grade de directeur départemental des impôts, avaient été, par arrêté du 10 juillet 2009 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, affectés à la direction nationale d'enquêtes fiscales au sein de la direction générale des finances publiques et qu'ils exerçaient effectivement, à la date des arrêtés contestés, les fonctions d'adjoint au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales. Dès lors, ils pouvaient légalement bénéficier de la délégation de signature prévue à l'article R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales.