Le procès fiscal est souvent à géométrie variable. En d’autres termes, l’Administration peut ,en cours de procédure, changer d’argumentation pour faire échec au système de défense du contribuable.
Ainsi, elle va changer les bases essentielles du différend. Cette substitution de base légale joue parfois dans des hypothèses relativement marginales mais elle est apparue avec une acuité particulière dans l’affaire dite des «fonds turbo».
Le Conseil d’État avait précisé que les garanties prévues par l’article L. 80 A du LPF interdisaient au service de recourir à la procédure de répression des abus de droit.
Indirectement, il était donc conseillé à l’Administration d’abandonner ses conclusions relatives à l’abus de droit et plus particulièrement à «l’abus de doctrine»;
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de fonder désormais ses redressements sur l’article 199 ter A du CGI;
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de soutenir que les contribuables ne pouvaient pas bénéficier de l’instruction 4 K -I-83 du 13 janvier 1983, faute de satisfaire à ses conditions d’application et notamment à son paragraphe 100 relatif au fonctionnement régulier des fonds ( CF Pascal Schiele , les règles de procédure dans les affaires des fonds turbo. Sur le jugement rendu le 8 octobre 2001 par le tribunal administratif de Versailles, Procédures, décembre 2001 , page 3.)
Cette faculté offerte à l’Administration est apparemment redoutable.
Elle est cependant enfermée dans certaines règles. Les principales sont les suivantes :
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si la demande de l’administration est effectuée après le jugement, il ne s’agit plus à l’évidence d’une substitution de base légale mais de l’exercice de libre compensation.
Or, rappelons que l’article L. 203 du L.P.F limite la compensation aux insuffisances ou omissions constatées " au cours de l’instruction de la demande ", c’est-à-dire au plus tôt à compter de l’examen de la réclamation, de telle sorte que si le service a déjà constaté l’insuffisance ou l’omission avant l’instruction de la réclamation et qu’il n’y a pas procédé volontairement, il n’est pas fondé à demander la compensation.
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le service ne peut présenter cette demande de substitution de base légale si elle aboutit à priver le contribuable des garanties prévues par la loi et dont il aurait dû bénéficier si le nouveau fondement légal avait été initialement retenu. " Ainsi, un redressement relevant d’une procédure contradictoire peut être substitué à un redressement relevant d’une procédure de répression des abus de droit mis en oeuvre initialement, sous réserve que les contribuables n’aient pas été privés des garanties attachées à cette procédure contradictoire ". (Pascal Schiele, article précité).
Rappelons que les garanties attachées à cette procédure régie par les articles L. 55 et suivants du L.P.F., résident essentiellement dans la possibilité de contester dans les trente jours la notification de redressement et également dans la possibilité de saisir la Commission départementale des impôts directs et les taxes sur le chiffre d’affaires. Sur l’application de cette jurisprudence : CE 10 juin 1998, requête nº 168 322, SARL LE SANSA’S.