Les députés se sont retrouvés cette semaine pour la nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Ils devraient discuter d'un nouvel amendement du Gouvernement proposant de rétablir l'article 10ter (Mise en conformité des règles de TVA relatives aux prestations hôtelières) dans sa rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale sans tenir compte des aménagements opérés par le Sénat.
Pour mémoire, en application des dispositions de l’article 261-D-4° du CGI, les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation sont exonérées de TVA. Toutefois, cette exonération ne s’applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le nettoyage régulier des locaux, le petit déjeuner, la fourniture de linge de maison, et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
Dans un avis en date du 5 juillet dernier, le Conseil d'Etat a estimé que le fait de conditionner l'assujettissement à la TVA de la mise à disposition d'un local meublé, à la fourniture de 3 des 4 prestations susvisées, était partiellement incompatible avec la Directive TVA.
Nous avions à l'époque souligné que :
"eu égard à l'insécurité jurique que pourrait engendrer cette appréciation au cas par cas, il y a de fortes chances que le législateur, à la faveur d'un futur collectif budgétaire, tire les conséquences de cette incompatibilité partielle de l’article 261-D-4° du CGI à la directive TVA en proposant une nouvelle rédaction du texte."
C'est ce que le Gouvernement a fait en déposant un amendement au PLF2024 proposant une nouvelle rédaction de l’article 261 D-4°-b du CGI.
Ainsi l'article 10 ter issu de l'amendement adopté opère une distinction stricte entre, d’une part, le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et, d’autre part, le secteur résidentiel.
Conditions privant les prestations de l'exonération de TVA
par secteur (avant/après adoption du présent article) - Source : Rapport Sénat
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Secteur hôtelier |
Secteurs similaires |
Secteur résidentiel |
Conditions avant réécriture de l'article |
Jamais exonéré |
Au moins trois prestations connexes / quatre |
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Conditions après réécriture de l'article |
Durée < 30 nuits |
Au moins trois prestations connexes / quatre |
En pratique :
- le a de l'article 261 D-4° du CGI, qui prévoyait que les prestations d'hébergement fournies dans les hôtels et les résidences de tourisme classés restaient, sous condition, assujetties à TVA, est abrogé ;
- Le b de l'article 261 D-4° du CGI, qui précise que l'exonération ne s'applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, fait l'objet d'une re-écriture
- Après le b, il est inséré un b bis ainsi rédigé : « Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés b, qui sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle »
Article 261 D-4° du CGI (Rédaction actuelle) | Article 261 D-4° du CGI (Rédaction futur) | |
Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : [...] 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.
Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants qui ont souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ;
b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction.
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Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : [...] 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.
Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : a. Abrogé « b. Aux prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
b bis. Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés b, qui sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; » ;
c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux b ou b bis, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction.
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Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, les sénateurs ont adopté (avec un avis défavorable du Gouvernement) deux amendements identiques défendus par Max Brisson et Ian Brossat (communiste) au budget 2024 afin d’assujettir les locations de meublés de tourisme à la TVA, comme l’hôtellerie. Par ailleurs, e seuil de la franchise de TVA a été abaissé à 5 000 € de recettes annuelles pour ce type d’activités.
Sans surprise, le Gouvernement a déposé un nouvel amendement en amont de l'examen du projet de loi en seconde lecture à l'Assemblée Nationale rétablissant l’article 10 ter dans sa rédaction issue de la première lecture.
le dispositif retenu par le Sénat pose plusieurs difficultés, notamment d’ordre juridique car il ne met pas fin à la différence de traitement en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) entre les prestations d'hébergement fournies par des établissements hôteliers et les prestations rendues dans des conditions similaires.
Par ailleurs, en abaissant les seuils de franchise de TVA aux seules locations de meublés touristiques, la mesure est à la fois contraire au droit européen, en ce qu'elle viole le principe de neutralité, et aux objectifs recherchés en faussant le jeu de la concurrence entre acteurs du secteur de l'hébergement.
Enfin, en élargissant le périmètre de la taxation, le dispositif adopté est susceptible d’entraîner des conséquences financières défavorables pour les finances publiques compte tenu de l’ouverture des droits à déduction en faveur des bailleurs qu’elle implique corrélativement.
Précise le Gouvernement dans l'exposé des motifs de son amendement