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Contrôle et contentieux

Prêts familiaux fictifs et cessions sans contrepartie : deux schémas classiques d'abus de droit fiscal caractérisant une donation déguisée

Les prêts entre membres d'une même famille constituent un terrain privilégié pour les tentatives de contournement des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Dans les affaires 2024-03 et 2024-04, le comité de l'abus de droit fiscal s'est prononcé sur un schéma impliquant une mère résidente suisse et sa fille dirigeante d'entreprise en France. Les montages utilisant des sociétés écrans, représentent une autre modalité fréquente de dissimulation, comme le démontrent les affaires 2024-05 et 2024-06 impliquant une société anglaise comme intermédiaire et un bénéficiaire final résident fiscal belge.

 

Le prêt familial sans intérêt transformé en donation déguisée (affaires 2024-03 et 2024-04)

 

Le montage mis en place

Dans cette première série d'affaires, Mme Y, âgée et résidente suisse, mère de Mme X qui dirigeait la société française C, a effectué entre 2014 et 2017 une série de virements totalisant 2,86 M€ sur les comptes de la société C. Ces versements ont été présentés comme un prêt familial formalisé rétroactivement par un contrat daté du 8 novembre 2017, stipulant un remboursement in fine sur trois ans sans intérêts en raison des liens familiaux. Une délégation de créance a ensuite été organisée en octobre-novembre 2018 pour transférer cette dette vers la société luxembourgeoise A, holding de Mme X.

 

La rectification de l'administration fiscale

L'administration a considéré que ce prétendu prêt constituait en réalité une donation déguisée. Elle a relevé plusieurs incohérences  entre les termes du contrat et la réalité des flux financiers :

  • les fonds n'ont pas transité par la société luxembourgeoise A comme stipulé dans le contrat, mais ont été versés directement à la société C.
  • Alors que le prêt était censé financer les besoins de la société en difficulté, plus de 1,48 M€ ont été redistribués au profit de Mme X ou inscrits à son compte courant pendant la même période.
  • L'administration a également souligné que la formalisation du prêt et de la délégation de créance était intervenue pendant les opérations de contrôle.

 

L'avis du comité de l'abus de droit fiscal

Le comité a donné raison à l'administration en confirmant l'existence d'une donation déguisée.

Il a rappelé qu'une véritable donation suppose un dépouillement actuel et irrévocable du donateur. Le comité a estimé que le fait qu'un prêt sans intérêts entre particuliers ne soit pas interdit par la loi ne suffit pas à écarter la qualification d'abus de droit lorsque l'acte dissimule une donation. Il a relevé les incohérences entre les stipulations contractuelles et les flux réels, ainsi que le remboursement tardif du prêt qui n'est intervenu qu'en 2020-2024, bien après l'échéance prévue de 2017. Le comité a considéré que l'intention libérale de Mme Y était établie compte tenu de l'ensemble des circonstances, de son âge et des liens d'affection avec sa fille. Il a confirmé l'application de la majoration de 80% pour abus de droit.

 

 

La cession d'actions sans contrepartie financière (affaires 2024-05 et 2024-06)

 

Le montage mis en place

M. et Mme X ont organisé un montage autour de leur résidence principale :

  • Ils ont d'abord apporté leur maison, évaluée à 700 000 €, à une SCI A créée en janvier 2016.
  • Ensuite, ils ont constitué une société britannique B1 Ltd en juin 2015,
  • puis ont cédé en février 2016 la quasi-totalité des parts de la SCI A (7 000 parts sur 7 060) à cette société britannique pour seulement 30 000 €.
  • Enfin, en septembre 2016, ils ont cédé à leur fils M. Y, résident fiscal belge, la totalité des actions de la société britannique B1 Ltd. À l'issue de ces opérations, le fils contrôlait indirectement la résidence principale de ses parents.

 

Les reproches de l'administration fiscale

L'administration a constaté qu'aucun flux financier correspondant au prix de cession des actions de B1 Ltd n'apparaissait sur les comptes bancaires de M. et Mme X entre 2016 et 2018. Elle en a déduit que la cession était fictive et dissimulait en réalité une donation des actions à leur fils. L'administration a appliqué la procédure d'abus de droit en estimant que l'acte de cession était dépourvu de contrepartie réelle, transformant une vente apparente en libéralité déguisée.

 

L'avis du comité de l'abus de droit fiscal

Le comité a confirmé la position de l'administration en relevant l'absence totale de contrepartie financière à la cession. Il a estimé que l'acte devait être considéré comme fictif faute de paiement effectif du prix. Le comité a également noté que les époux X n'avaient démontré aucune nécessité financière justifiant cette cession et qu'ils avaient même conservé à leur charge l'emprunt bancaire relatif à l'acquisition du terrain, alors que l'apport de l'immeuble à la SCI rendait cet emprunt immédiatement exigible.

Au regard des liens de filiation et de l'absence d'intérêt financier pour les cédants, le comité a conclu à l'existence d'une intention libérale caractérisant une donation déguisée. Il a confirmé l'application de la majoration de 80% pour abus de droit, avec solidarité entre donateurs et donataire.

Publié le vendredi 20 juin 2025 par La rédaction

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