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Contrôle et contentieux

Rachat de créance à la valeur nominale : l'acte anormal de gestion écarté faute de preuve du caractère irrécouvrable

Décision relative à l'appréciation de l'acte anormal de gestion dans le cadre d'un rachat de compte courant d'associé à sa valeur nominale. Le juge de l'impôt censure l'administration fiscale pour avoir confondu l'évaluation d'une créance et celle de parts sociales et reconnait légitimité d'une prise de contrôle comme contrepartie à une telle opération.

 

En application des articles 38 et 209 du CGI, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés comprend celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale.

 

Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Cette définition, consacrée par une jurisprudence constante, vise à sanctionner les opérations qui, bien que revêtant une apparence commerciale, poursuivent en réalité des objectifs étrangers à l'entreprise, notamment l'octroi d'avantages indus à des tiers.

 

La charge de la preuve de l'acte anormal de gestion incombe en principe à l'administration fiscale, qui doit établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Cependant, lorsque l'acte anormal est établi, il appartient à l'entreprise de justifier de l'existence d'une contrepartie à son choix de gestion, tant dans son principe que dans son montant.

 

 

Rappel des faits :

En l'espèce, la SAS MM, détenue majoritairement par les époux A, a acquis le 18 décembre 2014, pour sa valeur nominale de 369 035 €, la créance en compte courant que ces mêmes époux A détenaient sur une autre société, la SARL ZS, dans laquelle ils étaient également associés. Pour financer cette acquisition, MM a souscrit un emprunt bancaire de 340 000 €.

Dès le lendemain, la SARL ZS, en difficulté financière, a fait l'objet d'une restructuration complexe : une réduction de capital à zéro, suivie d'une augmentation de capital par incorporation des créances (dont celle désormais détenue par MM), puis d'une nouvelle réduction pour apurer les pertes. Cette opération a permis à la SAS MM de prendre le contrôle de la SARL Zoe Shop.

À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la déductibilité des intérêts de l'emprunt souscrit par MM. Elle soutenait que l'acquisition de la créance ZS à sa valeur nominale constituait un acte anormal de gestion. Selonl'administration, la valeur réelle de cette créance était très inférieure, voire nulle, au regard de la situation financière "précaire" de la SARL ZS (résultats déficitaires, EBE négatif, absence de fonds propres).

Pour appuyer sa position, l'administration a procédé à une évaluation de la SARL ZS par une méthode combinant valeur mathématique et valeur de productivité, concluant à une valeur de capital social nulle ou négative. Elle en déduisait que la créance rachetée avait une valeur tout aussi faible, et que l'acquisition à la valeur nominale constituait une libéralité consentie par MM à ses propres actionnaires, les époux A. La commission départementale des impôts a suivi cet avis, tout comme le TA de Nantes en première instance.

 

La Cour administrative d'appel de Nantes vient de censurer l'analyse de l'administration fiscale.

 

  • Tout d'abord, elle a jugé que pour remettre en cause la valeur nominale de la créance, l'administration ne pouvait se contenter d'évaluer le capital social de la société débitrice. Elle aurait dû établir le caractère "irrécouvrable" de la créance elle-même. 

Pour évaluer la recouvrabilité de la créance, il appartenait à l'administration d'estimer la capacité de remboursement de la société débitrice au regard de la durée du remboursement, de sa santé financière, de ses perspectives de croissance et de ses ratios d'endettement.

Pour évaluer la valeur réelle de la créance cédée à sa valeur nominale, le service a opposé l'existence de résultats déficitaires depuis la création de la société, d'un excédent brut d'exploitation négatif sur 2013 et 2014 et le caractère négatif des marges brutes d'autofinancement. Le service a également relevé l'absence de dividendes ainsi que de rémunération de gérance. Le service a ensuite déterminé la valeur du capital social de l'entreprise par une méthode combinant la valeur mathématique du capital social et la valeur de productivité. Ce faisant, l'administration pour établir la valeur réelle de la créance détenue par  M. et Mme A..., a opposé la valeur du capital social de la société alors qu'il lui appartenait pour remettre cause la valeur nominale de la créance cédée d'établir le caractère irrecouvrable de celle-ci et donc l'incapacité de la société à s'acquitter du remboursement de la créance détenue par les époux A..., en estimant cette capacité au regard de la durée du remboursement, de la santé financière de la société et de ses perspectives de croissance et du ratio entre le chiffre d'affaire et l'endettement. 

 

  • Au cas particulier la Cour a constaté qu'au moment du rachat, la SARL ZS, bien que déficitaire, générait un chiffre d'affaires en augmentation. Surtout, la Cour a évalué l'actif de la société (incluant une estimation du fonds de commerce) à environ 600 000 €, pour un passif (incluant la créance litigieuse) de 490 000 €. L'actif couvrait donc le passif, rendant la créance recouvrable, la capacité de remboursement devant en plus être "envisagée dans le temps". Pour la Cour, la preuve de la surévaluation n'était donc pas rapportée.

 

Enfin, s'agissant de la contrepartie, elle estime que le rachat de la créance par MM n'était pas dépourvu d'intérêt propre pour cette dernière, car cette acquisition avait...

...permis à la société de prendre, postérieurement au rachat de la créance, le contrôle de la société Zoe Shop

 

Partant, la Cour estime que la SARL MM n'a pas commis d'acte anormal de gestion.

 

Publié le lundi 27 octobre 2025 par La rédaction

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