Pour la Cour de Cassation une reconnaissance de dette et un remboursement partiel effectif et spontané font échec à la requalification d’une vente immobilière en donation.
Pour mémoire la requalification d’un acte en donation suppose que soient réunies les trois conditions de l’intention libérale du donateur, son dépouillement irrévocable et l’acceptation par le donataire.
La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte (Art. 894 du C.Civ)
Rappel des faits :
Mme Y a fait l’acquisition, le 17 avril 2009, d’un appartement au prix de 800 000 euros, et, le 17 décembre 2009, d’un box-garage, au prix de 15 000 euros, qu’elle a financés au moyen de fonds prêtés, suivant reconnaissance de dette du même jour, par son compagnon, M. X, alors C à Mme Z, lui-même ayant au préalable souscrit un emprunt bancaire avec son épouse.
Le 17 septembre 2010, Mme Y a remboursé à M. X, qu’elle avait épousé le 7 juin 2010, la somme de 429 725 euros, après avoir perçu le prix de la vente d’un appartement.
Par acte du 18 décembre 2010, elle a fait donation à son époux de la moitié indivise, évaluée à 407 500 euros, des biens immobiliers acquis.
Le 23 juin 2011, l’administration fiscale a adressé à Mme Y une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit, après avoir requalifié l’acquisition du 17 avril 2009 en donation indirecte en raison de son financement.
Contestant avoir bénéficié d’une libéralité consentie par M. X, Mme Y, après rejet de ses observations et de sa réclamation contentieuse, a assigné l’administration fiscale en dégrèvement de l’imposition supplémentaire mise à sa charge.
Mme A Y, épouse X, s’est pourvu en Cassation contre l’arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a rejeté sa demande.
Mme Y reproche à la Cour d’appel qui a jugé qu’elle a bénéficié d’une donation indirecte au travers de l’acte d’acquisition du 17 avril 2009 à hauteur de 422 215 euros, correspondant au solde des fonds avancés par M. X et Mme Z.
En effet Mme X estime qu’une donation indirecte entre vifs est conditionnée par le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur en faveur du donataire, l’intention libérale du donateur et l’acceptation de la donation par le donataire.
Pour Mme X une reconnaissance de dette et un remboursement partiel effectif et spontané doivent faire échec à la requalification en donation.
La Cour de Cassation vient, sur le fondement de l’article 894 du Code Civil de censurer l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait jugé que les conditions d’une donation étaient réunies.
Pour dire que les conditions de la requalification de l’acte d’acquisition du 17 avril 2009 en donation indirecte étaient réunies, s’agissant de la partie non-remboursée de la somme remise par M. X à Mme Y, d’un montant de 422 215 euros, l’arrêt relève que l’acte d’acquisition ne faisait pas état du prêt ayant permis le financement du bien, que le prêteur avait renoncé au privilège de prêteur de deniers lui garantissant la restitution des fonds, que Mme Y ne présentait alors aucune capacité financière, étant sans emploi, et n’offrait aucune garantie de remboursement, que sa signature n’avait pas été authentifiée sur la reconnaissance de dette du 17 avril 2009, qui ne faisait état d’aucune modalité de remboursement des fonds, et que l’acte n’avait pas été enregistré. L’arrêt relève encore que M. X n’a pas fait état de sa créance à l’égard de Mme Y dans sa déclaration d’ISF au titre de l’année 2010, que la donation intervenue le 18 décembre 2010 au profit de M. X de la moitié indivise de l’appartement ne pouvait être considérée comme une modalité de remboursement du prêt en ce que la volonté libérale de Mme Y à l’égard de M. X, devenu son époux, y était expressément mentionnée, que le montant déclaré dans la donation du 18 décembre 2010 n’était pas corrélé au solde du prêt, et que la donation consentie par Mme Y à M. X, devenu son époux, ne permettait pas de désintéresser Mme Z, pourtant co-emprunteur du prêt de 900 000 euros souscrit par M. X pour financer l’acquisition de l’appartement.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la somme de 851 940 euros figurant sur la reconnaissance de dette signée par Mme Y, correspondant au financement de l’acquisition des biens immobiliers, avait été remboursée par cette dernière, sur ses fonds propres, à concurrence de la somme de 429 725 euros, et que Mme Y avait ensuite fait donation à M. X de la moitié indivise des biens immobiliers acquis, de sorte qu’à l’issue de ces opérations, chacun avait payé sa part des biens litigieux, ce dont il résulte que les conditions d’une donation n’étaient pas réunies, faute de dépouillement irrévocable de M. X au profit de Mme Y, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.