Pour le juge de l'impôt, le décès du conjoint modifie certes la composition du foyer fiscal et impose, pour des raisons techniques, l'établissement de deux déclarations distinctes, mais il ne transforme pas le contribuable survivant en deux personnes fiscales différentes notamment pour l'appréciation du seuil du micro-foncier de 15000 €.
Pour mémoire, l’article 32 du CGI prévoit un régime d’imposition simplifié des revenus fonciers. Ce régime, dénommé en pratique « micro-foncier », est réservé aux contribuables dont le revenu brut foncier annuel n’excède pas 15 000 € et qui ne donnent pas en location des biens bénéficiant de certains régimes spéciaux.
Les contribuables qui relèvent du régime micro-foncier sont dispensés du dépôt de la déclaration annexe des revenus fonciers n° 2044. Ils sont tenus de porter le montant de leurs revenus bruts fonciers sur la déclaration d’ensemble des revenus n° 2042. Le revenu net foncier imposable est alors calculé automatiquement par l’application d’un abattement de 30 %, représentatif des charges. Pour l’appréciation de la limite d’application du régime du micro-foncier, il est fait masse de l’ensemble des revenus bruts fonciers du foyer fiscal. La limite de 15 000 € est appréciée en tenant compte du montant du revenu brut foncier annuel perçu directement par l’ensemble des membres du foyer fiscal. Le § 3 de l'article 32 précité ajoute que l'année au cours de laquelle le seuil de 15 000 € est dépassé, le revenu net foncier est déterminé selon le régime réel d'imposition prévu aux articles 28 et 31 du CGI. Ce basculement vers le régime réel implique que le contribuable doit déduire ses charges réelles et justifiées du revenu brut pour déterminer le revenu net imposable.
Par ailleurs, la notion de foyer fiscal est définie à l'article 6 du CGI. En principe, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles. Toutefois, le paragraphe 8 de cet article prévoit une règle spécifique en cas de décès de l'un des conjoints : l'impôt afférent aux bénéfices et revenus non encore taxés est établi au nom des époux, tandis que le conjoint survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. Cette disposition conduit mécaniquement à l'établissement de deux déclarations fiscales distinctes pour l'année du décès.
Rappel des faits :
L'affaire soumise au tribunal concernait la situation d'un contribuable, Monsieur A, dont l'épouse est décédée en cours d'année 2019.
Conformément aux règles fiscales applicables en cas de décès du conjoint, il a procédé au dépôt de deux déclarations de revenus au titre de l'année 2019. La première déclaration était établie au nom du couple pour les revenus de la période allant du 1er janvier au 31 mars 2019, date du décès. La seconde déclaration était établie en son nom personnel, en qualité de veuf, pour les revenus de la période postérieure au décès, soit du 1er avril au 31 décembre 2019.
Au total, Monsieur A... a perçu 25 211 euros de revenus fonciers bruts au titre de l'année 2019. Dans ses deux déclarations, il avait appliqué le régime micro-foncier en bénéficiant de l'abattement forfaitaire de 30 %, considérant apparemment que chaque foyer fiscal devait être apprécié séparément au regard du seuil de 15 000 euros.
L'administration fiscale, à l'issue d'un contrôle sur pièces, a remis en cause cette analyse. Considérant que le seuil de 15 000 euros devait s'apprécier de manière globale sur l'année civile, elle a constaté son dépassement. En conséquence, elle a écarté l'application du régime micro-foncier pour les deux périodes d'imposition et a recalculé le revenu net foncier selon les règles du régime réel, ce qui a donné lieu à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. Par un courrier du 10 février 2023, le contribuable a présenté une réclamation qui a été rejetée par l'administration le 3 mars 2023.
Il a alors saisi la juridiction administrative.
- Il soutient que le seuil de 15 000 € relatif au régime micro-foncier s'apprécie par foyer fiscal en vertu de l'article 32 du CGI. Il fait valoir que le conjoint survivant constitue, à lui seul, un foyer fiscal distinct de celui composé par le couple. Dans cette logique, l'administration fiscale ne pouvait cumuler les revenus fonciers de ces deux foyers fiscaux pour apprécier le seuil d'éligibilité au régime micro-foncier. Selon cette interprétation, chacune des deux déclarations devait être examinée séparément, et dès lors que les revenus déclarés dans chacune d'elles n'excédaient pas individuellement 15 000 €, le régime micro-foncier devait pouvoir s'appliquer à chacune des deux impositions.
Cette argumentation repose sur une lecture littérale de l'article 32-2 du CGI qui dispose que le régime micro-foncier s'applique à l'ensemble des revenus fonciers perçus par le foyer fiscal. Le contribuable en déduisait qu'en cas de pluralité de foyers fiscaux au cours d'une même année, chaque foyer devait être apprécié distinctement.
- L'administration défend une lecture différente du texte en vertu de laquelle le seuil de 15 000 € doit s'apprécier annuellement, en tenant compte de l'ensemble des revenus fonciers bruts perçus par le contribuable au cours de l'année civile, indépendamment du nombre de déclarations fiscales déposées. Permettre à un contribuable de bénéficier de ce régime simplifié alors que ses revenus annuels excèdent le plafond légal du seul fait d'un fractionnement mécanique des déclarations lié à un événement personnel reviendrait, selon l'administration, à détourner l'esprit du dispositif.
Le Tribunal vient de rejeter la requête de M.A
Il constate :
- que M. A est effectivement membre de deux foyers fiscaux au titre de l'année 2019, celui du couple et celui du conjoint survivant, au titre desquels deux impositions distinctes ont été établies.
- Ilque M.A a perçu la somme totale de 25 211 € de revenus bruts fonciers au titre de cette même année.
Le juge énonce alors le principe selon lequel cette somme excède le plafond de 15 000 € au-delà duquel il n'est plus possible de prétendre au bénéfice du régime micro-foncier.
Le tribunal précise qu'un tel plafond est apprécié selon le montant des revenus bruts fonciers perçus annuellement par le foyer fiscal en application des dispositions de l'article 32 du CGI.
Il résulte de l’instruction que M. A, qui est membre de deux foyers fiscaux au titre de l’année 2019, celui du couple et celui du conjoint survivant au titre desquels deux impositions ont été établies, a perçu la somme de 25 211 euros de revenus bruts fonciers au titre de cette même année. Or, cette somme excède le plafond de 15 000 euros au-delà duquel il n’est plus possible de prétendre au bénéfice du régime micro-foncier, un tel plafond étant apprécié selon le montant des revenus bruts fonciers perçus annuellement par le foyer fiscal en application des dispositions précitées de l’article 32 du code général des impôts. Par suite, c’est à bon droit que l’administration fiscale a procédé aux rehaussements litigieux, en reprenant l’abattement de 30% pour les deux impositions établies, respectivement, au nom du couple et au nom du conjoint survivant, au titre de l’année 2019.
Le tribunal en déduit que c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé aux rehaussements litigieux, en reprenant l'abattement de 30 % pour les deux impositions établies respectivement au nom du couple et au nom du conjoint survivant au titre de l'année 2019.
TL;DR
- Le seuil du micro-foncier est et reste annuel.
- Il doit être apprécié en additionnant l'ensemble des revenus fonciers bruts perçus au cours de l'année civile, sans tenir compte de la répartition entre la période d'imposition commune et la période d'imposition individuelle.