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Impôt sur le revenu

Management packages : ce qui change en 2025

Animé par un objectif de clarification et de limitation des abus, le législateur a introduit, dans la loi de finances pour 2025, un régime fiscal spécifique pour les gains issus d’instruments de « management packages ».

 

Article de Maître Dan Khalifa (Avocat - Senior Counsel) chez De Gaulle Fleurance

 

Jusque-là, les outils d’intéressement au capital des managers et dirigeants dans les opérations de LBO (actions ordinaires, actions de préférence, BSA etc.) étaient sujets à un contentieux relativement abondant. Tandis que les contribuables considéraient que ces gains devaient relever du régime des plus-values des particuliers en raison du risque en capital qu’ils avaient entrepris, l’administration fiscale – suivie par certains juges – considérait de son côté qu’ils devaient relever du régime des traitements et salaires, en considérant notamment que ces outils leur avaient été attribués précisément en raison de leurs fonctions dans la société.

 

En dépit de la grille de lecture fournie par le Conseil d’Etat dans des arrêts de principe rendus le 13 juillet 2021 (n°428506, n°435452 et n°437498), le législateur a souhaité légaliser le régime fiscal applicable. Ce régime s’applique aux cessions réalisées depuis le 15 février 2025, peu importe la date d’attribution des instruments financiers.

 

Le nouvel article 163 bis H du CGI prévoit que le gain issu de « management packages » est imposable par principe en tant que salaire (au taux marginal de 59 % incluant une contribution sociale spécifique de 10 %). Les cotisations de sécurité sociale salariales et patronales de droit commun ne sont pas applicables2. Par exception, la fraction du gain inférieure à trois fois la performance financière de la société est imposable en tant que plus-value de cession de titres, au taux marginal de 34 % (voire 37,2 % si l’on inclut la contribution différentielle sur les hauts revenus). 

 

Il va sans dire que les commentaires administratifs étaient très attendus des praticiens. Aussi, l’administration fiscale a publié le 23 juillet 2025 un projet de BOFIP (BOI-RSA-ES-20-60) soumis à consultation publique jusqu’au 22 octobre 2025.

 

On relèvera notamment les points suivants :

  • Le régime est applicable aux gains réalisés « en contrepartie » de fonctions salariés ou de direction, sans que cette notion ne soit clairement définie. L’absence de débats parlementaires lors de l’adoption du projet de loi de finances n’aide pas non plus à délimiter le champ d’application de cette mesure. Le projet de BOFIP donne quelques indices (sans que l’on sache le poids qu’il faut donner à chacun) : est-ce que l’attribution des titres dépend d’objectifs de performance à atteindre ? Est-elle conditionnée par des clauses contractuelles (ex. clause de non-concurrence, clause de loyauté envers la société émettrice ou une société du groupe, obligation de sortie conjointe en cas de cession par les majoritaires…).

On notera toutefois que le projet de BOFIP vise clairement les titres acquis en vertu d’un mécanisme permettant au manager, sous condition de performance, de percevoir un gain supérieur à celui correspondant à sa participation au capital (actions permettant de se reluer, dite « ratchet »). De même, le projet de BOFIP précise que la circonstance que des stipulations contractuelles aient été révoquées au cours d’une période de détention de titres souscrits, acquis ou attribués dans le cadre de « management packages » ne prive pas l’administration d’en tenir compte pour apprécier l’existence d’une contrepartie. Cela laisse à l’administration la possibilité d’agir largement.

  • Les gains d’acquisition d’actions gratuites, de levée de stock-options ou d’exercice de BSPCE demeurent soumis aux régimes qui leurs sont propres. En revanche, les gains de cession de ces outils d’actionnariat salarié peuvent relever du régime fiscal instauré par l’article 163 bis H du CGI.

 

  • Pour apprécier la performance financière de l’entreprise, le projet de BOFIP précise que ce calcul s’effectue globalement et non par catégorie de titres. Cette méthode peut s’avérer favorable au contribuable dans la mesure où la détention d’actions ordinaires, qui offrent un gain pari pasu, permet de diluer la surperformance des autres instruments financiers et ainsi diminuer le multiple global du dirigeant concerné. En revanche, lorsque des titres ont été acquis à des dates différentes, le gain net doit être calculé distinctement, étant précisé que l’administration admettrait, par tolérance, de considérer que les titres acquis, souscrits ou attribués sur période rapprochée en application d’un accord cadre ou d’une même décision d’attribution sont réputés avoir été acquis, souscrits ou attribués à la même date. Ces deux précisions permettent de refléter le caractère unitaire de l’investissement réalisé par le manager ou le dirigeant.

 

  • Le projet de BOFIP confirme que la fraction du gain qui relève du régime des plus-values peut bénéficier des régimes de sursis ou report d’imposition. En revanche, la fraction du gain de cession qui relève du régime des traitements et salaires ne devrait pas, en l’état actuel du projet, bénéficier de ces régimes différés d’imposition. En cas d’apport, le manager ou le dirigeant devrait ainsi être fiscalisé sur une fraction de son gain, alors même que l’opération n’a dégagé aucune liquidité pour lui.

 

  • Le projet de BOFIP précise que les titres souscrits ou acquis, à compter du 15 février 2025, dans le cadre de management packages, ne constituent pas des emplois éligibles au PEA. En revanche, le projet ne précise pas le sort des gains réalisés afférents à des titres inscrits avant cette date. Toute précision complémentaire serait la bienvenue.

 

Fiscalonline : Concernant l'incertitude de la « contrepartie » : Vous soulignez que la notion de gains réalisés « contrepartie » de fonctions de salarié ou de dirigeant n'est pas clairement définie, mais que le projet de BOFIP donne certains indices (objectifs de performance, clauses contractuelles). En pratique, quels conseils donneriez-vous aujourd'hui à un manager pour structurer son investissement afin de minimiser le risque de voir ses gains requalifiés en salaire ?

 

Dan Khalifa : Le projet de BOFIP donne des indices permettant de déceler si le gain a été réalisé en « contrepartie », ou non, d’une fonction salariée ou dirigeant. La grille de lecture proposée s’appuie à la fois sur des critères économiques (critères de performances) et des critères contractuels (documentation soumise au manager). Le BOFIP définitif n’a pas encore été publié mais il sera intéressant d’avoir la confirmation que ces critères sont bien cumulatifs ; de même il faudra voir si la modification ultérieure de la documentation soumise au manager pourrait, ou non, avoir un impact sur la qualification fiscale du gain réalisé.

 

Fiscalonline :  concernant le « piège » de l'apport-cession : vous mettez en lumière l'exclusion de la fraction « salaire » du gain des régimes de report ou sursis d'imposition. Cela signifie qu'un manager réalisant une opération d'apport (sans recevoir de liquidités) serait tout de même fiscalisé sur cette partie. Face à ce risque, quelles stratégies de négociation ou de structuration recommandez-vous aux managers lors de futures opérations de LBO ? Avez-vous identifié, dans la pratique, des stratégies de négociation ou des clauses (ex: garantie de liquidité par l'acquéreur) pour prémunir les managers contre cet «  impôt sec »?

 

Dan Khalifa : en l’état du projet de BOFIP, c’est une vraie difficulté que l’on rencontre également en cas de donation de titres (le gain réalisé ne sera pas purgé, qu’il soit taxé en salaire ou en plus-value). Il est nécessaire que l’opération s’accompagne d’une cession pure pour permettre au manager de dégager des liquidités lui permettant de faire face à cet impôt.

 

Fiscalonline : concernant l’inconnue des PEA existants : Le projet de BOFIP confirme que les nouveaux management packages ne sont pas éligibles au PEA, mais reste silencieux sur le sort des titres inscrits avant le 15 février 2025. Selon vous, quel est le risque réel d'une remise en cause de l'exonération PEA pour les gains réalisés sur ces anciens titres, et quelle serait l'option la plus prudente pour les détenteurs actuels ? "casser" son plan avant l'échéance ? 

 

Dan Khalifa : le manager devrait pouvoir solliciter, dans le cadre d’une réclamation, le remboursement des prélèvements sociaux afférents à ce retrait imposé (à l’instar de ce qui existe déjà s’agissant des dividendes perçus en PEA qui excèdent le seuil de 10% de la valeur d’inscription des titres non cotés).