Les débats en séance publique sur le PLF 2026 se sont ouverts vendrdi 24 octobre par une série de votes variés. Loin d'afficher une ligne directrice claire, l'Hémicycle a fait feu de tout bois, adoptant une mosaïque d'amendements venus de tous les bancs, reflétant les tensions entre la recherche de recettes, la protection du pouvoir d'achat et le ciblage des dépenses fiscales.
Au cœur de ces deux premières journées, la fiscalité des hauts revenus a été largement débattue. L'avenir de la CDHR a été redessiné par deux amendements adoptés : l'un, porté par LFI, la pérennise dans le droit commun, tandis qu'un autre conditionne sa fin au retour du déficit public sous les 3 % du PIB.
D'autres amendements en faveur du pouvoir d'achat ont également été adoptés : l'amendement indexant le barème de l'impôt sur le revenu à 1,1 % pour contrer l'inflation et celui supprimant le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires.
Enfin, plusieurs niches fiscales jugées trop coûteuses ou mal ciblées ont été rabotées. Le CISAP, la dépense fiscale la plus importante, a vu ses plafonds abaissés et ses conditions durcies. Dans la même logique, l'abattement fiscal des journalistes a été restreint aux revenus sous 3,5 Smic.
Voici un tour d'horizon de ces premières mesures adoptées (souvent avec un avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur).
Amendement n°I-1467 : cet amendement du groupe LFI vise à transformer la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR) d'une mesure temporaire en un impôt permanent dans le système fiscal français. Au lieu de s'arrêter fin 2026, elle est inscrite dans la loi sans limite de temps (elle devient pérenne), au même titre que l'impôt sur le revenu ou la CSG.
Amendement I-3358 : au lieu de fixer une date de fin précise à cette CDHR (limitée aux revenus 2026 dans le texte de l'article 2), l'amendement propose de la maintenir en vigueur jusqu'à ce que le déficit public de la France repasse sous la barre des 3% du PIB. La fin de la contribution serait donc conditionnée au retour à l'équilibre des finances publiques, tel que défini par les critères européens (Règlement CE n° 479/2009).
Voir notre article concernant ces deux amendements : PLF2026 et CDHR : la taxe sur les hauts revenus entre prolongation indéfinie (sous condition) et pérennisation
Amendement n°I-2039 : Cet amendement prolonge de deux ans, du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2027, le crédit d'impôt pour les travaux d'adaptation du logement à la perte d'autonomie ou au handicap. L'objectif est de soutenir le maintien à domicile des personnes face au vieillissement de la population.
Amendement n°I-455 : Cet amendement vise à rétablir un crédit d'impôt pour les particuliers résidant dans les territoires d'Outre-mer. Il cible les dépenses d'acquisition et d'installation de panneaux photovoltaïques destinés à l'autoconsommation
Amendement n°I-3458 : Cet amendement vise à réduire le coût du crédit d'impôt pour les services à la personne (CISAP), jugé trop élevé (7,21 milliards d'euros). Il propose d'abaisser le plafond principal des dépenses éligibles de 12 000 € à 10 000 €, et de réduire tous les plafonds majorés (première année, personnes à charge) de 2 000 € également. L'objectif est de réaliser 110 millions d'euros d'économies dès 2026, en partant du principe que seuls les ménages les plus aisés atteignent ces plafonds.
Amendement n°I-3456 (Rect) : Cet amendement clarifie et restreint les conditions du crédit d'impôt pour les services à la personne (CISAP) effectués hors du domicile. Il impose deux nouvelles conditions : ces prestations (ex: accompagnement) devront être fournies par le même prestataire que les services réalisés à la résidence. De plus, le montant annuel dépensé pour ces services extérieurs ne pourra pas dépasser le montant dépensé pour les services à domicile pour être éligible.
Amendement n°I-2169: Cet amendement LFI transforme, à partir du 1er janvier 2026, l'actuelle réduction d'impôt pour frais de dépendance (EHPAD) en un crédit d'impôt. L'objectif est de corriger une "iniquité fiscale" : le crédit d'impôt, contrairement à la réduction, sera remboursé aux retraités modestes qui ne paient pas (ou peu) d'impôts. Le taux (25%) et le plafond (10 000 €) de l'aide resteraient inchangés.
Amendement n°I-269 : Cet amendement vise à revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu de 1,1 %, en l'indexant sur l'inflation prévue pour 2025. L'objectif est d'empêcher une "hausse d'impôt déguisée" qui pénaliserait le pouvoir d'achat des contribuables si le barème n'était pas ajusté. Il met également à jour les grilles du prélèvement à la source (PAS) pour 2026 et éviterait, selon ses auteurs, que 200 000 nouveaux foyers ne deviennent imposables.
Amendement n°I-214 : Cet amendement vise à étendre le bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire ("demi-part des anciens combattants") aux conjoints survivants âgés de plus de 74 ans. Il cible spécifiquement les veuves dont le conjoint est décédé en étant titulaire du "Titre de Reconnaissance de la Nation" (TRN), mais avant d'avoir pu obtenir la "carte du combattant".
Amendement n°I-922 : Cet amendement vise à supprimer le plafond annuel de 7 500 € limitant l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires, et ce, à compter du 1er octobre 2025. L'objectif est de rétablir une "défiscalisation totale" de ces heures, comme c'était le cas avant 2012. Selon ses auteurs, cette mesure est nécessaire pour soutenir le pouvoir d'achat face à l'inflation et encourager le travail dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre.
Amendement n°I-3797 : Cet amendement vise à restreindre l'accès à l'abattement fiscal de 7 650 € réservé aux journalistes (et assimilés). Il propose de remplacer le plafond de revenu actuel de 93 510 € par un seuil plus bas et indexé sur le SMIC, équivalent à 3,5 fois le SMIC annuel (soit environ 75 676 €). L'objectif est d'exclure les plus hauts revenus de la profession de cet avantage fiscal et de le recentrer sur les revenus "modestes ou modérés".
Voir notre article concernant cet amendement : PLF 2026 : les députés abaissent le plafond d'éligibilité de l'abattement fiscal des journalistes
Amendement n°I-1803 : Cet amendement vise à rendre non imposables les "frais exceptionnels" (voyages scolaires, frais de santé, activités extrascolaires...) versés en complément de la pension alimentaire. L'objectif est de corriger une "injustice fiscale" ciblant principalement les familles monoparentales. En effet, le parent qui reçoit la pension est aujourd'hui taxé sur ces sommes, alors même qu'il ne les perçoit pas directement (elles sont souvent payées à des tiers comme l'école ou le médecin).
Amendement n°I-2161 : Cet amendement du groupe LFI vise à supprimer l'imposition de la prestation compensatoire pour le conjoint qui la reçoit, y compris lorsque son versement est étalé sur plus de 12 mois.
Voir notre article concernant cet amendement : PLF2026 : vers une fin de l'imposition de la prestation compensatoire dont le versement est étalé sur plus de 12 mois ?
Affaire à suivre...