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Impôt sur le revenu

Présomption de distribution des revenus et renversement de la charge de la preuve dans le cas du «Maître de l'affaire»

Le juge de l'impôt rappelle la force de la présomption d’appréhension des bénéfices par l’associé-gérant, à partir du moment où il dispose d’un pouvoir décisionnel quasi-exclusif, quand bien même d’autres membres de la société interviendraient ponctuellement dans sa gestion.

 

Le contentieux s'inscrit dans le cadre des articles 109 et 110 du CGI relatifs aux revenus distribués.

 

L'article 109-1-1° du CGI établit une présomption légale de distribution pour tous les bénéfices ou produits d'une société qui ne sont pas explicitement mis en réserve ou incorporés au capital. Cette disposition vise à considérer comme distribués tous les profits qui ne sont pas officiellement conservés par l'entreprise mais mis à la disposition des associés. Dans ce cas, ces sommes relèvent de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (RCM).

 

L'article 110 du code précité précise que ces bénéfices s'entendent de ceux retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

 

Ces dispositions permettent à l'administration fiscale de considérer comme revenus distribués aux associés ou actionnaires tout bénéfice constaté, y compris ceux issus de redressements fiscaux, qui n'aurait pas été explicitement conservé dans les comptes de la société. Cette présomption vise à éviter que des bénéfices échappent à l'imposition, que ce soit au niveau de la société ou des bénéficiaires potentiels.

 

Quant à la charge de la preuve, elle incombe en principe à l'administration qui doit démontrer que le contribuable a effectivement disposé des sommes considérées comme distribuées. Toutefois, la jurisprudence a établi une présomption lorsque le contribuable est considéré comme le "seul maître de l'affaire", c'est-à-dire lorsqu'il dispose seul des pouvoirs les plus étendus et peut user sans contrôle des biens sociaux comme de biens propres.

 

Rappel des faits :

Dans cette affaire, M. B., gérant unique et associé de la SARL O, a fait l'objet d'une imposition suite à une vérification de comptabilité de sa société. L'administration fiscale a rectifié les résultats de la société pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Considérant M. B. comme le "seul maître de l'affaire", elle a également imposé entre ses mains, au titre des années 2013 et 2014, les revenus considérés comme lui ayant été distribués, dans la catégorie des RCM. 

M. B. a contesté ces impositions supplémentaires devant le tribunal administratif de Melun, qui a rejeté sa demande par jugement du 4 novembre 2022. La CAA de Paris a ensuite, par arrêt du 14 février 2024, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur une partie des conclusions en raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, et rejeté le surplus de l'appel.

 

M. B. s'est alors pourvu en cassation.

 

Le Conseil d'Etat vient de rejeter le pourvoi de M.B

 

Concernant l’appréhension effective des sommes litigieuses et la qualité de "seul maître de l'affaire"

Le Conseil d’État rappelle qu’en cas de refus par le contribuable des rectifications proposées, l’administration doit prouver que le contribuable a réellement disposé des revenus distribués. Toutefois, lorsqu’un contribuant détient les pouvoirs les plus étendus au sein d’une société, au point d’en être « le maître de l’affaire », il est présumé avoir appréhendé les bénéfices redressés.

 

En l'espèce, la cour a jugé que les circonstances invoquées par M. B. n'étaient pas de nature à renverser la présomption selon laquelle il était le "seul maître de l'affaire".

 

En effet,

  • ni la procuration sur les comptes bancaires de la société détenue par son frère et son neveu,
  • ni l'intervention de ce dernier dans la gestion de l'établissement (dépôt de chèques, signature d'un petit nombre de chèques)

ne suffisaient à démontrer qu'il n'était pas le seul maître de l'affaire. Le Conseil d'État estime que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en statuant ainsi.

 

5. Pour juger que M. B..., dont il est constant qu'il n'avait pas formulé d'observations sur la proposition de rectification lui ayant été notifiée le 9 novembre 2015 selon les modalités prévues par le premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et devait ainsi être regardé comme ayant accepté les rectifications correspondantes, n'apportait pas la preuve qui lui incombait qu'il n'était pas, au sein de la société dont il était actionnaire et gérant, le seul maître de l'affaire, la cour s'est fondée sur ce que n'étaient pas propres à apporter cette preuve les circonstances que son frère, co-actionnaire, et son neveu disposaient l'un et l'autre d'une procuration sur les comptes bancaires de cette société et que ce dernier intervenait de manière constante dans la gestion de l'établissement et de ses approvisionnements, notamment par le dépôt à la banque des chèques reçus par cette société et la signature d'un petit nombre de chèques émis. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

 

 

TL;DR

 

Critères permettant de renverser la présomption du "seul maître de l'affaire".

  • La simple existence de procurations bancaires ou l'intervention ponctuelle d'autres personnes dans la gestion ne suffit pas à établir un partage effectif du pouvoir de direction.
  • Pour renverser la présomption, le contribuable doit démontrer qu'il ne dispose pas seul des pouvoirs les plus étendus et qu'il ne peut pas user sans contrôle des biens de la société.

 

Publié le lundi 17 mars 2025 par La rédaction

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