A l’heure où les bourses s’affolent et commandent d’agir vite, à l’heure où la situation de la zone euro suscite de vives interrogations, le gouvernement, plus que jamais, n’aura d’autres choix, dans les semaines qui viennent, que d’alourdir la fiscalité des ménages et des entreprises.
Ce durcissement de la fiscalité qui participe du désendettement public est aujourd’hui inéluctable et nécessaire.
Si certains aménagements sont d’ores et déjà connus (Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, nouveau coup de rabot de 10% appliqué sur les niches fiscales, majoration de la fiscalité sur le tabac, l’alcool et les boissons à fort taux de sucre ajoutée…)… d’autres font, pour l’instant, seulement l’objet de spéculations : aménagement du PTZ+, suppression du taux réduit de TVA pour les travaux dans les logements achevés depuis plus de deux ans, suppression de l’abattement de 40% sur les dividendes, instauration d’une TVA sociale…
Maintenant, laissons de côté les inventaires à la « Prévert » et prêtons nous au jeu de la spéculation à quelques jours de la divulgation du contenu du PLF pour 2012 .
Faisant sien l’adage culinaire « c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes », le gouvernement ne pourrait-il pas trouver parmi les nombreux régimes d’exonération qui s’appliquent en matière de plus-value immobilière, de quoi alimenter son budget ?
Pour répondre à cette question, partons du tableau figurant dans le rapport n° 787 de M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 septembre 2011.
Evaluation des dépenses fiscales et « modalités de calcul de l’impôt » liées au régime des plus-values immobilières des particuliers
Mesure |
Coût fiscal |
Article du CGI |
Exonération des plus-values de cession réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d’invalidité dont les revenus n’excèdent pas certaines limites |
15M€ |
150 U-III |
Exonération des plus-values immobilières réalisées à l’occasion des cessions d’immeubles au profit des organismes concourant au logement social | 10M€ | 150 U-II-7° |
Exonération des plus-values immobilières réalisées à l’occasion des cessions d’immeubles au profit des collectivités territoriales en vue de leur cession par celles-ci à des organismes de logements sociaux | NC | 150 U-II-8° |
Exonération des plus-values immobilières relatives aux deux premières cessions de l’habitation en France des personnes physiques, non résidentes en France, ressortissantes d’un Etat membre de la Communauté européenne (1) |
20M€ |
150 U-II-2° |
Exonération des plus-values de cession des résidences principales (modalité de calcul de l’impôt) |
700M€ |
150 U-II-1° |
Exonération des plus-values de cession des biens expropriés sous condition de remploi de l’indemnité | 10M€ | 150 U-II-4° |
Exonération des plus-values de cession de biens dont le prix de cession est inférieur à 15 000 € | NC | 150 U-II-6° |
Cessions aux collectivités publiques et apports aux sociétés civiles de construction : report de la taxation à la date de perception effective de l’indemnité ou de la dernière cession des immeubles |
NC |
238 nonies, 238 decies-I et II, 238 undecies |
Report de la taxation des plus-values à la date de cession des biens reçus lors d’opérations de remembrements urbains et ruraux | NC | 150 U-II-5° |
Abattement fixe sur le montant de la plus-value brute |
40M€ |
150 VE |
Abattement au-delà de la cinquième année par année de détention de biens immobiliers ou de droits relatifs à ces biens (modalité de calcul de l’impôt) | 300M€ | 150 VC-I 1er alinéa |
(1) L’article 91 de la loi de finances pour 2011 a supprimé l’exonération de la 2ème cession
Principal enseignement de ce tableau récapitulatif : Les régimes d’exonération en matière de plus-values immobilières sont nombreux et leurs bénéficiaires variés.
Même si chaque dispositif est susceptible d’être remis en cause dans le cadre du PLF pour 2012, certains sont porteurs d’un indice de suppression plus prononcé que les autres.
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Quid de l’exonération au titre de la résidence principale
Cible de choix eu égard à son coût élevé pour les finances de l’Etat le régime de l’exonération au titre de la résidence principale bénéficie, à ce jour, d’un soutien politique quasi indéfectible à droite comme à gauche qui laisse planer .
Si les échéances politiques de 2012 et la pression des professionnels de l’immobilier réduisent fortement le champ d’action du gouvernement, des aménagements, à la marge, sont toujours possibles.
Ainsi, on peut « imaginer » que le gouvernement assujettisse cette exonération à une durée de détention minimale, fixe un seuil au-delà duquel la plus-value serait taxée (pour préserver les petits propriétaires) voire, supprime l’exonération au titre des dépendances immédiates et nécessaires…
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Quid de l’abattement pour durée de détention
Le Parlement a adopté la semaine dernière le PLFR pour 2011-II et son article 1 prévoyant que les plus-values immobilières seront, à compter des actes authentiques passés à partir du 1er février 2012, totalement exonérées au bout de 30 ans (contre 15 ans actuellement). On est loin de la suppression définitive de l’abattement que le gouvernement avait inscrit initialement à son projet de loi.
Pour autant, faut-il considérer que le débat est clos ? Rien n’est moins sûr !
En effet, en reculant l’entrée en vigueur du dispositif au 1er février 2012, le gouvernement s’octroie la possibilité de modifier cette nouvelle règle dans le cadre du PLF pour 2012, voire de revenir à son projet initial !
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Quid de l’exonération dont bénéficient les non résidents
Pour les cessions qui interviennent depuis le 1er janvier 2011, l’exonération en faveur de l’habitation en France des non-résidents n’est plus applicable qu’à la première cession et non plus aux deux premières cessions (Art. 150-U-II-2° du CGI) .
En effet, le législateur (Art. 91 de la LF 2011) a supprimé l’exonération de cette seconde cession, afin de « rétablir une égalité de traitement entre non-résidents et résidents, ces derniers ne bénéficiant pas d’une exonération sans durée de détention pour des biens qui ne constituent pas leur habitation principale au moment de la cession » .
Le gouvernement pourrait envisager de supprimer cette exonération même pour la première cession.
Le gouvernement pourrait même exclure les contribuables fiscalement domiciliés hors de France des exonérations visées aux articles 150-U-II-7° et 8° du CGI (Cessions réalisées au profit d’organismes en charge du logement social, ou au profit de collectivités territoriales en vue de leur cession à l’un de ces organismes) .
Si les options qui s’ouvrent au gouvernement sont en définitive quasi infinies, leur mise en œuvre, risque de rencontrer de vives oppositions tant chez les professionnels de la filière immobilière que parmi les contribuables.