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Plus-values immobilières

Plus-value immobilière : l'affectation commerciale temporaire d'une partie d'un bien immobilier ne fait pas échec à l'exonération résidence principale

Pour le juge de l'impôt, l'affectation commerciale temporaire d'une partie d'un bien immobilier n'exclut pas définitivement cette partie du bénéfice de l'exonération, dès lors que cette affectation a cessé avant la cession et que le bien a retrouvé son caractère exclusif de résidence principale.

 

L'article 150 U-II-1° du CGI prévoit que ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu les immeubles ou parties d'immeubles qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession. Cette disposition s'applique également aux associés de SCI translucides fiscalement, conformément aux dispositions de l'article 8 du même code.

 

La doctrine BOFIP précise à ce sujet :

L'associé d'une société immobilière non transparente qui relève de l'article 8 du CGI, de l'article 8 bis du CGI ou de l'article 8 ter du CGI, qui occupe, à titre de résidence principale, un immeuble ou une partie d'immeuble appartenant à cette société et que celle-ci met, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble ou de cette partie d'immeuble, de l'exonération prévue en matière d'habitation principale, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire (Débats Sénat du 24 novembre 2003, JO Sénat n° 108 S CR du 25 novembre 2003).

Dans cette hypothèse, l'exonération ne porte que sur :

- la fraction de l'immeuble occupé par l'associé à titre de résidence principale ;

- la quote-part revenant à cet associé.

 

BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n°140

Il ressort de cette même doctrine que lorsque l'immeuble ou la partie d'immeuble cédé est pour partie affecté à usage d'habitation et pour partie à usage professionnel, seule la fraction de la plus-value afférente à la cession de la partie privative qui constitue la résidence principale du cédant peut bénéficier de l'exonération.

 

La jurisprudence administrative a progressivement précisé les contours de cette exonération, notamment lorsque l'immeuble a fait l'objet d'une affectation mixte, combinant usage d'habitation et usage professionnel ou commercial. La question de la temporalité de cette affectation mixte et de ses conséquences sur l'exonération demeure toutefois délicate à trancher.

 

Rappel des faits :

M. A, associé de la SCI DMS, occupait à titre de résidence principale un bien immobilier situé à Vallauris que la société avait acquis le 16 novembre 2015. À compter du 1er janvier 2016, une partie de ce bien avait été louée à la Société de CS pour un usage commercial. Cette location a pris fin le 31 décembre 2018 suite à la résiliation du bail par le locataire.

La SCI a procédé à la cession du bien le 16 septembre 2019. M. A a bénéficié de l'exonération de plus-value prévue par l'article 150 U du CGI, considérant que l'ensemble du bien constituait sa résidence principale au moment de la vente.

À la suite d'un contrôle sur pièces de la SCI, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération par une proposition de rectification du 16 juin 2021. L'administration estimait que la partie du bien précédemment affectée à un usage commercial ne pouvait bénéficier de l'exonération, considérant que l'affectation commerciale antérieure privait définitivement cette partie du bien du bénéfice de l'exonération.

Le contribuable soutenait au contraire que la résiliation du bail commercial antérieurement à la cession permettait de considérer que l'ensemble du bien était redevenu résidence principale au moment de la vente. Il invoquait notamment la doctrine administrative BOI-RFPI-PVI-10-40-10 du 19 décembre 2018 et produisait plusieurs éléments probants : la lettre de résiliation du bail du 30 juin 2018, les relevés de compte de la SCI attestant de l'arrêt des loyers au 1er janvier 2019, ainsi que divers rapports d'expertise démontrant que le bien ne présentait plus d'aménagements commerciaux à la date de la cession. 

 

Suite au rejet de sa réclamation le contribuable a saisi le juge administratif

 

Le tribunal administratif de Nice vient de donner raison au contribuable 

 

Les juges ont considéré que la charge de la preuve incombait au contribuable, celui-ci devant démontrer que le bien n'était plus affecté à un usage commercial au moment de la cession.

 

Le tribunal a estimé que les éléments produits par M. A établissaient de manière suffisante que le bien avait retrouvé son affectation exclusive à l'habitation avant la cession. Les photographies et descriptions contenues dans les rapports d'expertise montraient notamment l'absence d'aménagements professionnels à la date de la vente.

Il produit en outre un rapport d’expertise immobilière en date du 13 mai 2019, une attestation de vente du bien établie par notaire le 16 septembre 2019 et un rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante daté du 14 septembre 2019, dont il ressort des descriptions et des photographies qu’ils contiennent que le bien ne disposait plus, à leur date respective, d’aménagements visant l’exercice d’une activité professionnelle et qu’au contraire, il était affecté entièrement à usage d’habitation. Par ces éléments, le requérant établit qu’à la date de la cession intervenue le 16 septembre 2019, le bien que possédait la SCI DMS n’était plus, pour partie, affecté à un usage commercial. Par suite, dès lors que l’administration n’a pas remis en cause le caractère de résidence principale du bien, le requérant est fondé à soutenir qu’il pouvait bénéficier de l’exonération d’impôt sur la totalité de la plus-value relative à cette vente en application du 1° du II de l’article 150 Udu code général des impôts.

 

Le tribunal a souligné que l'administration n'avait pas contesté le caractère de résidence principale du bien, se contentant de remettre en cause l'exonération au motif de l'affectation commerciale antérieure.

 

La portée de l’arrêt dépasse le cas d’espèce. L’existence antérieure d’une pièce ou partie d’immeuble à usage professionnel n’interdit pas l’exonération, pour autant que le bien ait retrouvé, à la date de cession, sa vocation exclusive de résidence principale. Surtout, il illustre la logique d’appréciation in concreto : la preuve de l’affectation repose sur des éléments matériels (bail résilié, flux financiers, état des lieux, photographies) et non sur de simples déclarations.

 

Les notaires retiendront qu’un délai de « purge » raisonnable (ici neuf mois) et une documentation précise constituent la meilleure assurance contre un redressement.

 

Cette décision est intéressant dans la mesure où, elle établit que l'affectation commerciale temporaire d'une partie d'un bien immobilier n'exclut pas définitivement cette partie du bénéfice de l'exonération, dès lors que cette affectation a cessé avant la cession et que le bien a retrouvé son caractère exclusif de résidence principale.

 

En définitive, ce jugement, plein de bon sens, s'inscrit dans une approche pragmatique de la notion de résidence principale, privilégiant la situation de fait au moment de la cession plutôt qu'une approche rigoriste (dont l'administration est plutôt coutulière) qui aurait pu considérer que toute affectation commerciale, même temporaire, compromettait définitivement l'exonération.

 

Cette solution conforte la sécurité des contribuables qui peuvent être amenés à affecter temporairement une partie de leur résidence principale à un usage professionnel ou commercial, sans pour autant perdre le bénéfice de l'exonération lors de la cession ultérieure du bien.

 

Publié le vendredi 6 juin 2025 par La rédaction

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