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Plus-values immobilières

Taxe sur les terrains rendus constructibles : l'administration peut limiter l'imposition à la seule fraction du terrain remplissant les conditions légales

Statuant sur le cas de la cession en bloc d'un vaste terrain dont seule une partie faisait l'objet d'un projet de construction immédiat, le juge de l'impôt valide la démarche de l'administration fiscale consistant à n'asseoir la taxe communale sur la cession de terrains devenus constructibles, que sur cette seule partie

 

Conformément à l'article 1529-I du CGI, les communes peuvent instituer une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles à la suite de leur classement, par un PLU ou un document d'urbanisme en tenant lieu dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone constructible.  Cette taxe facultative a pour objectif de restituer aux collectivités une part de la plus-value sur les cessions de terrains nus résultant, d'une part, de leur décision de classement de ces terrains en zones constructibles et, d'autre part, des aménagements qu'elles ont financés.  Partant, elle vise à inciter les maires à libérer du foncier en ayant l'assurance de disposer du financement nécessaire aux aménagements indispensables à l'accueil des nouveaux habitants de leur commune (voirie, équipements scolaires, etc). 

 

Les redevables de cette taxe sont les personnes physiques et les sociétés et groupements soumis à l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value dans les conditions prévues à l'article 150 U du CGI, ainsi que les contribuables non domiciliés fiscalement en France assujettis au prélèvement dans les conditions de l'article 244 bis A.

 

La taxe ne s’applique pas :

  • aux cessions de terrains exonérées d’impôt au titre des plus-values immobilières des particuliers en application des dispositions des 3° à 8° de l’article 150 U-II du CGI ;
  • aux cessions de terrains classés en zone constructible depuis plus de dix-huit ans ans au moment de la cession ;
  • lorsque le prix de cession du terrain est inférieur à trois fois le prix d’acquisition de celui-ci.

L'assiette de la taxe est constituée par un montant égal au prix de cession du terrain diminué du prix d'acquisition stipulé dans les actes, actualisé en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac. En l'absence d'éléments de référence, la taxe est assise sur les deux tiers du prix de cession. Le taux de la taxe est fixé à 10 % de cette base.

 

 

Rappel des faits :

En l'espèce, une associée d'une SCI, Mme B, contestait l'imposition (Art. 1529 du CGI) mise à sa charge à la suite de la cession d'un important tènement immobilier. La SCI avait vendu en un seul acte une propriété de plus de 12 hectares, devenue constructible quelques années auparavant. L'acte de vente, conclu avec une SCCV, distinguait cependant très clairement le prix de la transaction. Une parcelle spécifique, destinée à la construction immédiate d'un immeuble collectif, était valorisée à 1 146 740 €, tandis que le surplus du terrain, pour lequel l'acquéreur prenait un simple engagement de revente, était évalué à 233 260 €.

 

Forte de cette ventilation du prix inscrite dans l'acte notarié, l'administration fiscale a considéré que seule la cession de la parcelle immédiatement constructible entrait dans le champ de la taxe. En isolant cette opération, la condition d'exonération liée au rapport entre le prix de cession et le prix d'acquisition n'était manifestement plus remplie. L'administration a donc calculé la taxe sur cette seule base et l'a réclamée aux associés de la SCI.

  • Sur cette question centrale de l'application de la taxe à une partie seulement du terrain, l'administration justifie son approche par la différence de situation entre les diverses composantes du bien cédé. La parcelle BC numéro 60, destinée à recevoir un immeuble collectif de 54 logements et bénéficiant d'un permis de construire, représente la quasi-totalité de la valeur de la cession. L'administration estime qu'elle est fondée à limiter l'application de la taxe à cette seule parcelle pour laquelle les conditions d'application sont incontestablement réunies, notamment s'agissant du rapport entre le prix de cession et le prix d'acquisition.

La contribuable, après avoir vu sa demande rejetée par le TA de Grenoble, a formé un pourvoi en cassation, soutenant principalement que l'administration ne pouvait pas diviser artificiellement une cession unique et aurait dû apprécier les conditions de la taxe au regard de l'ensemble du bien vendu.

 

Ainsi, pour Mme B la taxe doit s'appliquer à l'ensemble du terrain rendu constructible ou ne pas s'appliquer du tout, sans possibilité de fractionnement de l'assiette.

 

Le Conseil d'État vient de rejeter le pourvoi validant le raisonnement de l'administration et des juges du fond.

 

Il énonce qu'en principe, pour déterminer si une cession entre dans le champ d'application de la taxe, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble du terrain nu cédé après avoir été rendu constructible, sans qu'ait d'incidence la division de ce terrain en différentes parcelles cadastrales. 

 

Toutefois, et c'est là l'apport majeur de la décision, le Conseil d'État précise que l'administration conserve la possibilité de n'établir la taxe qu'à raison de la cession de la seule partie du terrain pour laquelle les conditions, notamment d'ancienneté de la constructibilité et de rapport entre le prix de cession et le prix d'acquisition, prévues par la loi sont réunies.

 

Pour déterminer si une cession entre dans le champ d'application de la taxe, il y a lieu, en principe, de prendre en compte l'ensemble du terrain nu cédé après avoir été rendu constructible, sans qu'ait d'incidence la division de ce terrain en différentes parcelles cadastrales.

L'administration conserve toutefois la possibilité de n'établir la taxe qu'à raison de la cession de la seule partie du terrain pour laquelle les conditions, notamment d'ancienneté de la constructibilité et de rapport entre le prix de cession et le prix d'acquisition, prévues par la loi sont réunies.

 

Appliquant ces principes à l'espèce, le Conseil d'État juge qu'en relevant que le prix de cession de la partie du terrain rendu constructible correspondant à la parcelle cadastrée BC numéro 60 était très supérieur à celui des autres composantes du bien (83 % de la valeur, destinée à un immeuble de 54 logements avec permis de construire), le tribunal administratif a pu légalement considérer que l'administration fiscale avait pu faire application des dispositions de l'article 1529 du CGI à la seule cession de la partie du terrain correspondant à cette parcelle. 

 

TL;DR

  • La règle générale est de considérer l'ensemble du terrain vendu comme une seule unité pour déterminer si la taxe de l'article 1529 du CGI s'applique.
  • Cependant, et c'est l'apport majeur de la décision, le Conseil d'État accorde à l'administration fiscale la faculté de n'appliquer la taxe qu'à la partie du terrain qui remplit incontestablement toutes les conditions légales.

Dans le cas jugé, l'administration a pu légalement isoler et taxer une seule parcelle qui représentait 83% de la valeur de la vente et pour laquelle la constructibilité et la plus-value étaient évidentes, sans avoir à se prononcer sur le statut plus incertain du reste du terrain.

Publié le jeudi 9 octobre 2025 par La rédaction

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