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Impôt sur les sociétés

Carry-back et changement d'activité : de l'exigence de continuité de l'identité de l'entreprise

Le juge de l'impôt vient nous rappeler les conditions d'application du dispositif du carry-back. Il confirme que l'option pour le report en arrière des déficits requiert une stricte identité entre l'entreprise ayant généré le bénéfice antérieur et celle constatant le déficit, identité qui se trouve rompue par un changement d'activité réelle, même lorsque la personnalité morale de la société demeure intacte.

 

L'article 220 quinquies du CGI introduit une dérogation au régime du report déficitaire de droit commun, en permettant aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés d'opter pour le report en arrière du déficit constaté à la clôture d'un exercice, dans la limite d'un plafond de 1 000 000 €, en l'imputant sur le bénéfice de l'exercice précédent. Cette imputation fait naître une créance sur le Trésor correspondant à l'excédent d'impôt sur les sociétés antérieurement versé. 

À défaut d'option, à la clôture de l'exercice, les déficits qui existent à cette date ne peuvent fait l'objet que d'un report en avant sur des bénéfices ultérieurs.

L’option est matérialisée par la mention que l’entreprise demande l’application du report en arrière dès le dépôt de la déclaration de résultats. 

 

La doctrine BOFIP précise :

L'option ne peut pas être exercée :

  • au titre de l'exercice au cours duquel l'entreprise cesse totalement son activité ou cède la totalité de ses éléments d'actif. Cette interdiction ne s'applique pas à l'entreprise cessionnaire ;

BOI-IS-DEF-20-10

 

Rappel des faits :

La société I a été constituée initialement en 2002 sous la dénomination FMP BAT pour une activité de négoce de matériaux de construction. Elle a cédé son fonds de commerce le 29 novembre 2012 et a modifié, par une AG du 14 décembre 2012, sa dénomination et son objet social pour se consacrer au conseil et au diagnostic immobilier.

Au plan comptable et fiscal, cette année 2012 s'est soldée par un bénéfice. En revanche, l'exercice suivant, clos le 31 décembre 2013, a fait apparaître un déficit  de 311 458 €. La société a alors opté pour le report en arrière de ce déficit sur le bénéfice de l'exercice 2012, sollicitant par la suite le remboursement de la créance d'impôt correspondante, soit 96 831 €.

L'administration fiscale a rejeté cette demande, estimant que le changement d'activité intervenu fin 2012 faisait obstacle à cette imputation. Après un double rejet par le tribunal administratif de Montpellier en 2022 et la CAA de Toulouse en 2024, la société s'est pourvue en cassation.

 

Le problème, au cas particulier, tient à la lecture combinée de ces articles :

  • l'article 220 quinquies du CGI qui organise le régime du report en arrière. Son paragraphe II interdit expressément l'exercice de l'option « au titre d'un exercice au cours duquel intervient une cession ou une cessation totale d'entreprise ».
  • l'article 221-5 du code précité qui assimile le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société à une cessation d'entreprise.

Pour la société I l'option pour le report en arrière étant exercée au titre de l'exercice déficitaire (2013), et le changement d'activité ayant eu lieu lors de l'exercice précédent (2012), elle considére que les conditions d'exclusion n'étaient pas réunies au moment de la constatation du déficit. Elle défend la continuité de la personne morale, nonobstant l'évolution de son activité.

 

De son côté l'administration, suivie par les juges du fond, estime que le changement d'activité emportant cessation d'entreprise, la société de 2012 (négoce) et celle de 2013 (conseil) n'étaient fiscalement pas la même entité, rendant impossible la compensation des résultats entre elles.

 

Le Conseil d'État vient de rejeter le pourvoi.

 

La Haute Assemblée juge qu'il résulte de la combinaison des textes précités...

...que l'option en faveur du report en arrière du déficit d'un exercice sur le résultat de l'exercice précédent n'est ouverte qu'à la condition que la société contribuable puisse être regardée, lors de l'exercice au titre duquel elle a constaté un déficit, comme la même entreprise que celle ayant réalisé un bénéfice lors de l'exercice précédent et ayant été imposée à ce titre.

Par suite, une telle option n'est pas ouverte lorsque la société a, au cours de l'un des deux exercices en cause, modifié son activité réelle de telle sorte qu'elle n'est plus, en réalité, la même entreprise.

 

Pour le juge administratif, l'option est close lorsque la société a modifié son activité réelle « au cours de l'un des deux exercices en cause ». Peu importe, dès lors, que le changement d'activité soit intervenu lors de l'exercice bénéficiaire (N-1) ou lors de l'exercice déficitaire (N). Dès lors que la chaîne de continuité de l'activité réelle est rompue entre le bénéfice imputé et le déficit reporté, le mécanisme du carry-back est neutralisé.

 

L'entreprise qui a réalisé les profits en 2012 n'est plus, en réalité, la même que celle qui a subi les pertes en 2013.

 

Publié le lundi 29 décembre 2025 par La rédaction

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