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Droits d’enregistrements

Engagement de construire et exonération de DMTO : la force majeure ne peut justifier l'absence de demande de prorogation

Le juge de l'impôt nous rappelle les conséquences du non-respect des obligations formelles attachées au régime de faveur de l'engagement de construire. Les difficultés opérationnelles d'un projet immobilier, même réelles, ne sauraient excuser l'omission d'une démarche procédurale essentielle : la demande de prorogation du délai pour construire.

 

L'article 1594-0 G-A-I du CGI dispose que, sous réserve d'application de l'article 691 bis du CGI, sont exonérées de TPF ou de droits d'enregistrement les acquisitions d'immeubles réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A du CGI lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement, pris par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans (éventuellement prorogeable) les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257-I-2-2° du CGI (y compris les travaux qui seraient nécessaires pour terminer un immeuble inachevé).

 

Sur demande de l'acquéreur, une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixé à l'article 1594-0 G du CGI peut être accordée par le directeur départemental ou régional des finances publiques du lieu de situation de l'immeuble dans les conditions prévues à l'article 266 bis de l'annexe III au CGI.

Cette demande doit être formulée au plus tard dans le mois qui suit l'expiration du délai de quatre ans précédemment imparti pour construire, et adressée par pli recommandé avec avis de réception postale. Elle doit être motivée, en rappelant notamment les circonstances de l'engagement initial et les éléments de fait qui justifient que son échéance doive être retardée. Elle précise la consistance des travaux concernés ainsi que le montant des droits dont l'exonération demeure subordonnée à la réalisation de la construction envisagée.

 

BOI-ENR-DMTOI-10-40

 

En cas de non-respect de l'engagement et en l'absence de prorogation, l'article 1840 G ter du CGI prévoit l'exigibilité immédiate des droits dont l'acquéreur a été dispensé, calculés sur la valeur du bien au jour de l'acquisition.

 

Rappel des faits :

La SCI S a acquis en février 2016 des parcelles de terrain en vue d'y construire un pôle de commerces et de loisirs, et bénéficie à ce titre de l'exonération de TPF sous engagement de construire avant février 2020. Le projet rencontre rapidement une série d'obstacles : le retrait brutal de l'enseigne principale (Auchan), suivi de longues négociations pour la remplacer, et surtout, la nécessité de mener des fouilles archéologiques préventives, prescrites avant même l'acquisition.

 

Alors que ces fouilles débutent en février 2020, soit juste à l'expiration du délai de quatre ans, la SCI omet de déposer une demande de prorogation auprès de l'administration fiscale. En 2021, l'administration constate l'absence de construction et remet en cause l'exonération.

 

Après le rejet de sa réclamation, la SCI a assigné l'administration fiscale  devant le TJ de Paris pour obtenir la décharge de l'imposition.

 

Devant le juge, la SCI a développé plusieurs lignes de défense.

  • Elle a d'abord invoqué la force majeure, estimant que les retards liés aux fouilles archéologiques, suspendues suite à un contentieux administratif sur la validité du permis de construire, constituaient un événement imprévisible, irrésistible et extérieur qui l'avait empêchée de respecter son engagement.
  • Elle a ensuite plaidé une forme d'incompatibilité entre le droit de l'urbanisme, qui suspendait le démarrage des travaux, et la rigidité du délai fiscal, appelant l'administration à faire preuve de la « souplesse » prônée par une ancienne réponse ministérielle. Enfin, elle soutenait que l'omission de la demande de prorogation, intervenue durant le premier confinement, devait être excusée, car l'administration l'aurait de toute façon accordée au vu des circonstances.
  • À titre subsidiaire, elle a demandé que l'impôt soit calculé sur une valeur vénale actualisée et décotée des parcelles, et non sur le prix d'acquisition.

 

Le Tribunal judiciaire a rejeté la demande la SCI S.

 

  • Le juge a d'abord écarté la force majeure. Il a retenu que la nécessité de mener des fouilles était parfaitement connue de la société lors de son acquisition en 2016. L'événement n'était donc en rien imprévisible. De plus, il a rappelé que la force majeure suppose une impossibilité de construire « absolue et définitive », ce qui n'est pas le cas, le projet étant simplement retardé.
  • Il a ensuite réfuté toute incompatibilité entre les règles d'urbanisme et la loi fiscale. Il explique que les deux corpus juridiques sont parfaitement articulés : le droit fiscal, par le mécanisme de la prorogation, offre précisément l'outil permettant de gérer les délais imposés par le droit de l'urbanisme.

 « il revenait à l'acquéreur qui ne peut respecter son engagement de construire dans le délai de quatre ans de solliciter cette prolongation ».

L'inaction de la SCI S lui est donc entièrement imputable.

 

  • Enfin, il a balayé l'argument selon lequel la demande de prorogation aurait dû être accordée. Il refuse de se substituer à l'administration pour apprécier une demande qui n'a jamais été faite. La « souplesse » administrative ne peut s'exercer qu'à l'occasion d'une demande en bonne et due forme ; en l'absence de saisine, l'administration n'a pas à faire preuve de bienveillance. L'excuse liée à la crise sanitaire est également rejetée, le délai ayant expiré avant les principales perturbations.

Enfin, sur la demande subsidiaire, le juge l'a déclaré recevable mais l'a rejeté au fond. Il rappelle que l'article 1840 G ter du CGI est explicite : les droits sont liquidés d'après les tarifs et la valeur en vigueur au jour de l'acquisition, excluant toute réévaluation ultérieure.


 

Publié le vendredi 17 octobre 2025 par La rédaction

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