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Droits d’enregistrements

Engagement de construire et exonération de DMTO : le caractère de dépendance suppose un aménagement effectif des espaces verts

Précions sur les conditions d'application de l'exonération de droits d'enregistrement prévue par l'article 1594-0 G du CGI, s'agissant de la qualification des surfaces qui, bien qu'intégrées dans le périmètre d'une acquisition immobilière avec engagement de construire, demeurent dans leur état naturel.

 

Pour mémoire, l'article 1594-0 G du CGI exonère de TPF les acquisitions d'immeubles par des assujettis à la TVA qui prennent l'engagement de réaliser des travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf. Pour les terrains destinés à la construction d'immeubles collectifs d'habitation, le texte précise que l'exonération bénéficie sans limitation de superficie, à la condition expresse que les constructions "couvrent, avec leurs cours et jardins, la totalité des terrains acquis".

 

La doctrine BOFIP-Impôts, précise que les dépendances visées comprennent notamment les voies d'accès, les cours, les aires de stationnement, ainsi que les pelouses et jardins, sous réserve que la superficie du terrain affecté à un tel usage soit en rapport avec l'importance des constructions. Le caractère exhaustif de cette énumération limite le périmètre des surfaces susceptibles de bénéficier de l'exonération.

L'exonération profite entièrement aux emprises occupées par les constructions elles-mêmes, ainsi que par les cours et dépendances lorsque il s'agit d'immeubles collectifs affectés à l'habitation pour les trois quarts au moins de leur superficie totale, ou à défaut seulement par les dépendances nécessaires à l'exploitation. Les dépendances dont il s'agit sont notamment les voies d'accès, les cours, les aires de stationnement, les terrains nécessaires à l'entrepôt des biens qui font l'objet de l'exploitation. Le caractère de dépendance est également reconnu aux pelouses et jardins sous réserve que la superficie du terrain affecté à un tel usage soit en rapport avec l'importance des constructions.

BOI-ENR-DMTOI-10-40

 

Rappel des faits :

La SCI R a acquis le 18 juin 2012 un ensemble immobilier, cadastré sur deux parcelles pour une superficie totale de 16 603 M2, moyennant le prix global de 4 500 000 €. Conformément aux dispositions de l'article 1594-0 G du CGI, la société acquéreuse a pris dans l'acte l'engagement de construire dans un délai de quatre ans, après démolition des bâtiments existants, un ensemble immobilier à usage d'habitation avec ses cours et jardins. Sur la base de cet engagement, elle a bénéficié de l'exonération de droits et n'a acquitté qu'un droit fixe de 125 €.

La SCI a respecté son engagement temporel puisque les constructions, consistant en 157 appartements, ont été achevées dès 2015, soit un an avant l'échéance du délai de quatre ans qui expirait le 18 juin 2016. 

Toutefois, plus de six ans après l'achèvement des travaux, l'administration fiscale a remis en cause partiellement le bénéfice de l'exonération. Le service vérificateur a constaté que sur la superficie totale de 16 603 M2 acquise en 2012, une surface de 8 132 M2 n'a donné lieu à aucune construction. Cette surface correspond à une partie d'étang et ses berges, située en zone naturelle ND7 du PLU, zone qui n'autorise que des installations et abris légers et sur laquelle aucune construction pérenne ne pouvait donc être édifiée. L'administration a donc remis en cause l'exonération pour cette surface et a notifié à la SCI un rehaussement de 112 188 € en droits, assorti de 40 775 € d'intérêts de retard.

Malgré les observations présentées par la société contribuable le 31 août 2022, l'administration fiscale a maintenu sa position et la somme a été mise en recouvrement. Sa réclamation contentieuse ayant rejetée la SCI R a saisi le TJ.

 

  • Elle soutient que les surfaces litigieuses constituent des dépendances des constructions au sens de l'article 1594-0 G du CGI. Elle fait valoir que ces surfaces, bien que non constructibles en raison de leur classement en zone naturelle, ont été intégrées au plan d'aménagement de la copropriété et recensées comme parties communes spéciales dans le règlement de copropriété. L'étang et ses berges ont été clôturés pour des raisons de sécurité, compte tenu de la proximité avec les habitations et la voie publique. Selon la société, cette intégration dans l'environnement des constructions suffisait à conférer à ces surfaces le caractère de dépendances nécessaires, s'apparentant à des jardins ou espaces verts au bénéfice de l'ensemble immobilier.

 

Le tribunal a confirmé la position de l'administration et rejeté la requête de la SCI R.

  • Il a d'abord rappelé que les dépendances visées par l'article 1594-0 G du CGI font l'objet d'une énumération limitative. Les cours, jardins et pelouses ne peuvent être considérés comme des dépendances que si leur superficie est en rapport avec l'importance des constructions et, condition essentielle, s'ils ont fait l'objet d'aménagements les intégrant effectivement au projet immobilier.

Le tribunal a considéré que la SCI R n'a pas démontré les aménagements qu'elle aurait apportés à l'étang et à ses berges pour permettre leur intégration aux constructions, si ce n'est la mise en place d'un grillage qui, loin de favoriser l'intégration, créait au contraire une séparation hermétique entre les deux zones. Les photographies versées aux débats par l'administration fiscale ont été jugées particulièrement éloquentes quant à l'état de friche de cette parcelle : "l'herbe et les arbustes y poussent librement", . Le tribunal a relevé que l'absence de porte dans la clôture rendait impossible tout accès des résidents à ces espaces, démontrant ainsi qu'ils n'étaient pas destinés à leur usage et ne pouvaient être assimilés aux jardins ou pelouses mentionnés par les textes.

La SCI RENAISSANCE indique quel'étang et ses berges ont été intégrées à l'environnement des constructions mais ne démontre pas les aménagements qu'elle y a apportés pour l'intégration aux constructions, si ce n'est la mise en place d'un grillage. En revanche, l'Administration a, pu déterminer que les surfaces litigieuses sont en friche puisque l'herbe et les arbustes y poussent librement, qu'aucun aménagement n'y a été réalisé contrairement à ceux constatés sur la partie de la parcelle où se trouve les constructions, qu'une clôture grillagée de deux mètres de haut est installée à demeure, sans porte sur l'intégralité de la frontière entre la partie construite et celle contenant l'étang et les berges, rendant cette partie infranchissable.

Les photographies versées aux débats sont éloquentes sur l'état de friche de cette parcelle qui ne peut donc être assimilée à des jardins ou pelouses et être qualifiée de dépendances des constructions au sens du III de l'article 1594-0 G du code général des impôts.

 

  • S'agissant de l'argument tiré du règlement de copropriété, le tribunal a écarté cette considération en jugeant que l'intégration de surfaces comme parties communes spéciales dans un règlement de copropriété, qui a pour seul objet de définir la quote-part des lots détenus par les copropriétaires indivis, n'est pas de nature à conférer à ces surfaces le caractère de dépendances. La qualification fiscale des biens obéit à des critères autonomes qui ne sauraient être influencés par les stipulations d'un règlement de copropriété relevant du droit privé.

 

  • L'état de friche de la parcelle,
  • L'absence de tout aménagement
  • L'existence d'une clôture hermétique la séparant de la zone construite.

Ces éléments factuels démontraient que le terrain n'était ni un jardin, ni une cour, ni une dépendance aménagée pour l'agrément des résidents, mais un espace laissé à l'état naturel.

 

 

Le tribunal a dès lors conclu qu'en intégrant les 8 132 M2 non constructibles dans l'acte d'engagement et en n'y apportant aucune modification de leur état naturel permettant de les qualifier de dépendances au sens du CGI, la SCI  R ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération des droits  sur cette surface. L'engagement de construire n'a donc été respecté que partiellement, justifiant l'application de l'article 1840 G du CGI qui prévoit l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée, majorés de l'intérêt de retard.

 

Publié le lundi 6 octobre 2025 par La rédaction

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