Ce rapport dresse un constat sévère de la fiscalité du patrimoine en France : bien que les prélèvements soient élevés (113,2 milliards d'euros en 2024, plaçant la France en tête de l'OCDE), le système actuel est jugé complexe, inefficace économiquement et profondément inéquitable. Le CPO souligne que l'imposition pèse lourdement sur l'immobilier et les classes moyennes supérieures, tandis que les très hauts patrimoines bénéficient de dispositifs d'optimisation (holdings, assurance-vie, pacte Dutreil) rendant l'impôt régressif au sommet de la distribution. Face au vieillissement de la population et à la concentration accrue des richesses, le rapport propose une réforme globale à rendement constant, visant à élargir l'assiette fiscale pour pouvoir en baisser les taux
Le patrimoine des ménages a progressé plus vite que les revenus sur les trente dernières années. Il est extrêmement concentré : les 10 % les plus riches détiennent 60 % de la richesse nationale. L'héritage joue un rôle prépondérant dans cette accumulation, mais intervient de plus en plus tard (l'âge moyen des héritiers recule), ce qui fige le capital entre les mains des seniors.
Le système fiscal actuel oriente l'épargne vers des placements "refuges" fiscalement avantagés (immobilier, assurance-vie, livrets réglementés) plutôt que vers le financement productif de l'économie. Parallèlement, la fiscalité sur les transactions immobilières (droits de mutation ou "frais de notaire") est jugée trop lourde, freinant la mobilité résidentielle et l'accès à la propriété.
Si l'imposition est progressive pour la majorité des Français, elle devient régressive pour les ultra-riches (les 0,1 % les plus aisés). Ces derniers utilisent des sociétés holdings pour capitaliser leurs revenus sans payer d'impôt sur le revenu (mécanisme de l'apport-cession) et transmettent leur patrimoine professionnel avec très peu de droits de succession grâce au pacte Dutreil, dont l'efficacité économique est remise en question.
Le rapport préconise une approche "donnant-donnant" : supprimer les niches fiscales (assurance-vie, avantages LMNP, optimisation via holdings ou pacte Dutreil) pour financer une baisse des taux d'imposition sur les successions, rendant l'impôt plus acceptable et plus juste.
Le CPO propose trois axes :
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Neutralité : Cesser d'avantager fiscalement certains placements pour laisser les investisseurs choisir en fonction du rendement et du risque.
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Adaptation démographique : Faciliter les transmissions anticipées pour faire circuler le capital vers les jeunes générations.
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Équité : Faire contribuer davantage les très hauts patrimoines (via une taxe sur les holdings ou un impôt sur la fortune élargi) pour financer une baisse des droits de succession pour le plus grand nombre
Une imposition plus neutre, permettant des investissements efficients
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Recommandation n° 1 : Compléter les mesures de détection et le contrôle des actifs numériques détenus par les non-résidents prévues par la directive DAC 8 par une obligation pour les prestataires de services sur actifs numériques de déclarer les comptes d’actifs numériques détenus par les résidents et une obligation de notification à l’administration fiscale de la détention de portefeuilles de crypto-actifs auto-hébergés à partir d’un seuil défini en valeur.
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Recommandation n° 2 : Remplacer les abattements pour durée de détention sur les plus-values immobilières par un coefficient destiné à rendre compte de l’érosion monétaire en prévoyant une application différée d’un an.
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Recommandation n° 3 : Diminuer le taux plafond de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en compensant le manque à gagner pour les départements.
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Recommandation n° 4 : Continuer à rapprocher l’imposition des revenus tirés respectivement de la location meublée et de la location nue en mettant fin à la déductibilité de l’amortissement du bâti en charge au régime LMNP réel et créer un abattement forfaitaire unique de 40 %, s’appliquant sur l’ensemble des revenus immobiliers déclarés aux régimes micro-foncier ou micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux).
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Recommandation n° 5 : Diminuer le taux des droits d’enregistrement pour la reprise d’une entreprise individuelle ou d’une société.
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Recommandation n° 6 : Rapprocher le traitement fiscal des sommes transmises au titre de l’assurance-vie de celui de l’ensemble des transmissions en appliquant le barème des DMTG en ligne directe à partir de la tranche marginale à 20 %.
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Recommandation n° 7 : Rationaliser les plafonds de dépôts des livrets d’épargne réglementée et soumettre à l’imposition de droit commun les dépôts excédant ces montants.
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Recommandation n° 8 : Réintégrer l’ensemble des revenus du patrimoine dans le revenu fiscal de référence afin de mieux refléter les revenus patrimoniaux réels des ménages.
Adapter l’impôt aux changements démographiques et sociétaux
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Recommandation n° 9 : Étendre à 5 ans les possibilités de paiements fractionnés pour les actifs successoraux illiquides à plus de 75 %.
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Recommandation n° 10 : Abaisser de 2,5 à 1,1 % le droit de partage et relever de 80 à 85 ans la limite d’âge prévue pour les donations de sommes d’argent exonérées.
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Recommandation n° 11 : Pour renforcer la liberté de tester tout en préservant les droits des héritiers, limiter le montant de la réserve héréditaire de manière à ce qu’elle soit de la moitié de la succession en présence d’un enfant et des deux tiers en présence de deux enfants ou plus.
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Recommandation n° 12 : Créer un abattement spécifique pour l’enfant du conjoint, au niveau de celui des neveux et nièces.
Améliorer l’acceptabilité et l’équité par une imposition à taux faible et assiette large
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Recommandation n° 13 : Alléger les taux des DMTG en révisant les barèmes pour les transmissions en ligne directe et indirecte dans le cadre d’une réforme équilibrée pour les finances publiques.
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Recommandation n° 14 : Engager une réflexion sur le traitement fiscal des donations en nue-propriété.
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Recommandation n° 15 : Encadrer de manière plus contraignante le bénéfice du report d’imposition dans le cadre du régime de l'apport-cession et prévoir une expiration systématique de ce report au moment de la transmission, que cette dernière prenne la forme d’une donation ou d’une succession.
Deux scénarios distincts pour financer ces mesures en taxant les hauts patrimoines :
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Scénario 1 :
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Rec. 16.1 : Imposer les revenus logés sur une longue durée au sein de holdings contrôlées par un nombre limité de personnes physiques.
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Rec. 17.1 : Plafonner les possibilités d’optimisation de l’imposition des transmissions de patrimoine en établissant une contribution différentielle sur les hauts patrimoines pour les successions et les donations, hors transmissions au conjoint survivant.
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Scénario 2 :
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Rec. 16.2 : Créer un impôt différentiel sur la fortune personnelle non plafonné à un taux modéré portant sur l’ensemble du patrimoine détenu hors biens professionnels.
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Rec. 17.2 : Restreindre le champ du pacte Dutreil aux seuls actifs professionnels et allonger de deux ans la durée d’engagement nécessaire pour bénéficier de l’exonération partielle. Rabaisser le taux d’exonération partielle de 75 % à 50 %.
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