Nouvelle contribution du juge de l'impôt sur la question de l'exonération de TVA prévue à l'article 261 du CGI pour les actes dentaires (pose de facettes) situés à la frontière entre le thérapeutique et l'esthétique.
Pour mémoire, l'article 261-4-1° du CGI exonère de la TVA les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, ainsi que les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes. Ces dispositions transposent en droit interne les prescriptions du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
La portée de cette exonération a été précisée de manière déterminante par la CJUE dans son arrêt Skatteverket contre PFC Clinic du 21 mars 2013. La haute juridiction européenne a posé le principe selon lequel seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et peuvent donc être regardés comme des soins exonérés. À l'inverse, les actes qui n'obéissent en aucun cas à une telle finalité demeurent soumis au régime normal de taxation.
La jurisprudence administrative française a progressivement affiné cette grille d'analyse en la reliant au système de prise en charge par l'assurance maladie. L'exonération n'est pas subordonnée à un remboursement effectif par la sécurité sociale, mais à l'entrée dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose l'inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du CSS. Cette liste, établie selon des critères objectifs et rationnels, s'appuie sur l'avis de la Haute autorité de santé qui évalue le service attendu ou rendu de l'acte concerné.
L'administration a récemment apporté des précisions en la matière, en mettant à jour la doctrine BOFIP.
Voir notre article sur le sujet : TVA en chirurgie esthétique : distinction entre actes thérapeutiques et actes non thérapeutiques
Rappel des faits :
La SELARL B, dont Monsieur B, chirurgien-dentiste, est le gérant et unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2019. Au terme de ce contrôle, l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 28 août 2019, des rappels de TVA selon la procédure de taxation d'office.
Le redressement portait sur la pose de facettes en céramique, acte référencé HBMD048 dans la Classification commune des actes médicaux, que l'administration considérait comme ne bénéficiant pas de l'exonération de TVA faute de finalité thérapeutique.
Le TA de Paris a, par jugement du 20 décembre 2023, rejeté la demande de décharge présentée par la société B. C'est ce jugement que B a contesté devant la cour administrative d'appel.
- Sur le fond, B soutient que la pose de facette trois-quarts en céramique constitue un acte médical à finalité thérapeutique exonéré de TVA en application de l'article 261-4-1° du CGI. Elle se prévaut du fait que l'inscription de cet acte dans la Classification commune des actes médicaux est suffisante pour démontrer son intérêt diagnostique ou thérapeutique. Elle invoque également le fait que la facette trois-quarts constitue une prothèse dentaire exonérée de TVA, sur la base de la doctrine BOFIP: BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10.
- Elle fait également valoir que l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé avait émis un avis favorable sans recommandation à la pose d'une facette collée après préparation, attestant ainsi de la finalité thérapeutique de l'acte.
- Enfin B se prévaut de la modification apportée le 9 avril 2025 (voir notre article cité ci-avant) à doctrine BOFIP qu'elle considére comme confirmant son analyse.
La Cour administrative d'appel de Paris a suivi le ministre et a rejeté la demande de la SELARL B.
Pour la Cour, l'exonération est subordonnée non au remboursement effectif par la sécurité sociale mais à l'entrée dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose l'inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du CSS établie au vu de l'avis de la Haute Autorité de santé.
Elle souligne également que...
...la seule inscription d'un acte sur la liste mentionnée au point précédent ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant alors le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.
La juridiction observe que l'acte de pose de facette céramique, référencé HBMD048, est expressément indiqué comme non remboursable et non soumis à entente préalable. Elle en déduit que...
...l'avis favorable délivré par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé nécessairement consulté avant l'inscription de cet acte sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale n'est pas de nature à établir la finalité thérapeutique au sens de l'article 256 du code général des impôt
La cour relève également qu'il résulte des informations portées à la connaissance des patients par le site internet de la société, que la pose de facettes céramiques répond à un objectif essentiellement esthétique. Elle ajoute que, même à supposer que la finalité thérapeutique de cet acte puisse dans certains cas être admise, comme le suggèrent l'attestation de la présidente de l'ordre des chirurgiens-dentistes et un rapport médical produit par la société, celle-ci ne verse aux débats aucune pièce permettant de justifier, pour chacun des actes en litige, une portée thérapeutique.
Rappel essentiel : l'inscription d'un acte dans la classification commune des actes médicaux, même assortie d'un avis favorable de l'autorité sanitaire compétente, ne suffit pas à établir sa finalité thérapeutique au sens du régime d'exonération de TVA.