Le juge de l'impôt vient d'admettre un pourvoi en cassation qui présente un grand intérêt pour les loueurs en meublé : quelle est la nature des prélèvements sociaux applicables lorsque l'activité présente des caractéristiques professionnelles, notamment au regard de la TVA ?
Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 et la LF pour 2020, la qualification de LMP au sens de l'article 155-IV du CGI ne dépend plus de l'inscription au RCS. Pour être qualifié de professionnel, un loueur en meublé doit désormais remplir cumulativement deux conditions :
- les recettes annuelles retirées de cette activité (total des loyers TTC) par l'ensemble du foyer fiscal doivent excéder 23 000 €.
- ces recettes doivent être supérieures au montant total des autres revenus d'activité du foyer fiscal (traitements et salaires, pensions de retraite, autres BIC, BNC, BA, rémunérations de gérance art. 62). Si l'une de ces conditions fait défaut, le loueur relève du statut LMNP
Les revenus tirés de la location meublée, qu'elle soit professionnelle ou non, relèvent de la catégorie des BIC. L'attrait majeur du statut LMP réside dans le traitement des déficits. Contrairement au LMNP, dont les déficits ne sont imputables que sur des revenus de même nature (autres BIC non professionnels) pendant dix ans, les déficits constatés par un LMP sont, à ce jour, imputables sur le revenu global du foyer fiscal, sans limitation de montant, en application de l'article 156 du CGI.
Rappel des faits :
L'affaire concerne un contribuable M.A qui exploitait, sans aucune déclaration fiscale ni sociale, une activité de location de sept chambres meublées assortie de prestations parahôtelières (petit-déjeuner, linge, réception, ménage) entre 2014 et 2018. L'administration a qualifié cette exploitation d'activité occulte, entraînant une taxation d'office et l'application de la majoration de 80 %.
Pour reconstituer le chiffre d'affaires, le vérificateur s'est appuyé sur des éléments transmis par l'autorité judiciaire, notamment des photographies d'écran d'ordinateur montrant des tableaux de suivi de l'activité, prises avec un téléphone portable.
Le contribuable contestait tant la procédure, arguant que ces preuves avaient été obtenues de manière déloyale (potentiellement par son ex-compagne dans un contexte conflictuel), que le fond, en revendiquant notamment l'application du régime social des indépendants plutôt que les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (CSG/CRDS au taux de 17,2 %).
Après un rejet par le tribunal administratif de Toulon, la Cour administrative d'appel de Marseille a confirmé l'intégralité des redressements dans son arrêt du 12 mai 2025.
Le contribuable s'est pourvu en Cassation
Soulignons que le Conseil d'Etat a refusé d'admettre les moyens du pourvoi relatifs à la dénaturation des pièces et à la loyauté de la preuve confirmant implicitement l'arrêt de la CAA. Il n'y a pas de "moyen sérieux" à contester cette méthode. La messe est dite : la matérialité de l'activité occulte et la méthode de reconstitution via des preuves numériques indirectes ne seront pas rejugées
C'est, en revanche, sur le terrain de la qualification juridique des prélèvements sociaux que le Conseil d'État a désavoué les juges marseillais.
M. A soutenait que puisqu'il était assujetti à la TVA (donc considéré comme un professionnel réalisant des actes de commerce), il ne pouvait pas être soumis aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG/CRDS de 17,2 %), mais aurait dû relever des cotisations sociales d'activité.
La CAA a rejeté cet argument affirmant qu'aucun texte n'exclut "par nature" les revenus parahôteliers du champ des prélèvements sociaux sur le patrimoine.
Le Conseil d'État a considèré au contraire que ce moyen était sérieux. Il a admis le pourvoi sur ce point précis :
Les conclusions du pourvoi [...] en tant qu'il s'est prononcé sur les suppléments de contributions sociales [...] sont admises.
Historiquement, le critère d'inscription au RCS constituait un pivot pour la qualification de Loueur en Meublé Professionnel (LMP) et l'assujettissement aux cotisations sociales (RSI/SSI). Depuis la décision du Conseil constitutionnel de 2018 et les évolutions législatives qui s'en sont suivies, l'inscription au RCS n'est plus une condition contraignante pour l'affiliation sociale obligatoire au-delà d'un certain seuil de recettes (23 000 €).
En l'espèce, M.A semble utiliser son assujettissement à la TVA comme un moyen pour contester l'application des prélèvements sociaux sur le patrimoine. Si l'activité est jugée économique et professionnelle au sens de la TVA, il peut, en effet, paraître incohérent de la taxer socialement comme un revenu passif de patrimoine. L'enjeu est financier, mais aussi de principe : les cotisations sociales d'activité ouvrent des droits (retraite, maladie), contrairement aux prélèvements sur le patrimoine qui sont de pures taxes fiscales affectées.
Le Conseil d'État devra donc trancher au fond la question de savoir si le juge d'appel a commis une erreur en validant l'application des prélèvements sur le patrimoine à une activité qui est assujettie à la TVA !
Affaire à suivre