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Fiscalité sociale

Holding et taxe sur les salaires : la charge de la preuve de l'absence de fonctions financières du dirigeant

Le juge de l'impôt vient nous rappeler une règle essentielle en matière de taxe sur les salaires pour les sociétés holding exerçant une activité mixte. Si la sectorisation de la rémunération d'un dirigeant est théoriquement possible, elle ne peut prospérer face à l'administration fiscale qu'à la condition de renverser la présomption de transversalité de ses fonctions par une preuve formelle et certaine. 

 

Le cadre juridique applicable est bien connu de nos lecteurs. En vertu de l'article 231 du CGI, les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA sur la totalité de leur chiffre d'affaires sont redevables de la taxe sur les salaires. Pour les assujettis partiels, comme les sociétés holding qui perçoivent des dividendes non soumis à la TVA (secteur financier) et facturent des prestations de services soumises à la TVA (secteur commercial ou "taxable"), l'assiette de la taxe est déterminée par l'application d'un rapport, dit "rapport d'assujettissement", entre les recettes non taxées et les recettes totales.

 

La question du sort des rémunérations des dirigeants est importante. Par nature, ces rémunérations sont considérées comme des frais généraux se rapportant à l'ensemble de l'activité. Elles entrent donc, par principe, dans l'assiette de la taxe sur les salaires au prorata du rapport d'assujettissement. Toutefois, la jurisprudence a admis de longue date qu'une société puisse démontrer qu'un salarié, y compris un dirigeant, est exclusivement affecté à un secteur d'activité. Si ce secteur est celui soumis à la TVA, sa rémunération échappe alors intégralement à la taxe sur les salaires.

 

Cependant, pour les mandataires sociaux tels que le président ou le DG d'une SAS, la démonstration n'est pas chose aisée. En effet, l'article L. 227-6 du Code de commerce leur confère...

...les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société

De ce texte découle une forte présomption de transversalité de leurs fonctions. Il est ainsi présumé qu'ils interviennent dans tous les secteurs de l'entreprise, y compris le secteur financier.

 

Pour écarter cette présomption, le contribuable supporte une charge de la preuve.

 

Rappel des faits :

En l'espèce, la SAS G, une société holding, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2015 à 2020. L'administration fiscale a réintégré dans l'assiette de sa taxe sur les salaires la rémunération versée à sa directrice générale (DG), Mme A. L'administration considérait que, compte tenu de ses fonctions, cette dernière devait être regardée comme intervenant dans la gestion de l'activité financière non soumise à la TVA. La société a contesté ces rappels devant le TA de Montpellier, qui a rejeté ses demandes par deux jugements successifs. La société G a fait appel devant la Cour administrative d'appel de Toulouse.

 

La société se prévaut d'une décision de son président, en date du 30 septembre 2009, qui aurait explicitement retiré à la DG toute prérogative dans le secteur financier. Selon la société, cette décision interne suffisait à prouver que la rémunération de Mme A était exclusivement attachée au secteur commercial taxable et devait, par conséquent, être exonérée de taxe sur les salaires.

 

La Cour administrative d'appel de Toulouse vient de rejetter l'appel de la société 

 

  • Premièrement, la Cour rappelle le principe : la DG est présumée, en vertu de sa fonction et des dispositions du Code de commerce, détenir des attributions transversales. Il appartient donc à la société de combattre cette présomption en établissant l'absence totale d'attribution de sa dirigeante dans le secteur financier.
  • Deuxièmement, la Cour évalue la force probante de la pièce fournie par le contribuable. Elle constate que la fameuse décision du président du 30 septembre 2009, censée limiter les pouvoirs de la directrice générale, n'a fait l'objet d'aucune formalité de publicité. Plus précisément, elle n'a pas été déposée au greffe du tribunal de commerce et ne peut donc être regardée comme ayant "date certaine". La Cour oppose à ce document un autre acte, bien plus probant : le PV de nomination de cette même DG, daté du 1er janvier 2007, qui, lui, a été dûment déposé au greffe le 20 janvier 2009. Or, cet acte public et officiel conférait à la directrice générale des pouvoirs de direction identiques à ceux du président, sans aucune restriction.

La Cour souligne également que les propres statuts de la société, eux-mêmes publiés, stipulaient que l'acte de nomination du DG devait faire l'objet de publications légales et fixer l'étendue de ses pouvoirs.

 

En ne donnant aucune publicité à l'acte de restriction des pouvoirs, la société s'est privée de la possibilité de le rendre opposable à l'administration fiscale.

 

Partant la rémunération de la DG est réintégrée dans le champ de la taxe sur les salaires.

 

 

TL;DR

  • En matière de taxe sur les salaires dans les holdings mixtes, la simple rédaction d'un acte interne, tel qu'un PV ou une fiche de poste, est insuffisante pour écarter la présomption de transversalité pesant sur un dirigeant de premier plan.
  • Pour être efficace vis-à-vis de l'administration, la limitation des pouvoirs doit être juridiquement opposable aux tiers. Cela implique qu'elle doit être établie par un acte (décision de l'organe compétent, modification des statuts, délégation de pouvoirs) qui a été soumis aux formalités de publicité légale , notamment le dépôt au greffe. C'est cette publicité qui lui confère date certaine et le rend incontestable vis à vis de l'administration fiscale.

 

Publié le lundi 22 septembre 2025 par La rédaction

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