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Le droit à déduction de la TVA s'applique dès la phase de préparation d'une activité économique taxable

Dans le cadre d'un contentieux, antérieur à la LF pour 2024, portant sur le remboursement du crédit de TVA pour une activité de location meublée avec prestations para-hôtelières, le juge de l'impôt écarte partiellement l'application de l'article 261 D du CGI comme incompatible avec la directive TVA, en ce qu'il impose la fourniture d'au moins trois prestations sur quatre. IL substitue un critère plus économique : l'existence d'une situation de concurrence potentielle avec le secteur hôtelier. Le juge réaffirme également que le droit à déduction de la TVA s'applique dès la phase de préparation d'une activité économique taxable, si l'assujetti manifeste une intention confirmée de réaliser cette activité. 

 

Pour mémoire, en application des dispositions de l’article 261-D-4° du CGI, les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation sont exonérées de TVA.

 

Toutefois, antérieurement à l'article 84 de la LF pour 2024, cette exonération ne s’appliquait pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le nettoyage régulier des locaux, le petit déjeuner, la fourniture de linge de maison, et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

 

Dans un avis en date du 5 juillet 2023, le Conseil d'Etat a estimé que le fait de conditionner l'assujettissement à la TVA de la mise à disposition d'un local meublé, à la fourniture de 3 des 4 prestations susvisées, était partiellement incompatible avec la Directive TVA.

 

L'article 84 de la LF pour 2024, issu d'un amendement gouvernemental, a institué un noveau régime opérant une distinction stricte entre, d’une part, le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et, d’autre part, le secteur résidentiel. 

 

Bercy a tiré les conséquences de la mise en conformité des règles de TVA relatives aux prestations hôtelières et para-hôtelières en réécrivant pratiquement en intégralité ses commentaires propres au régime de TVA des prestations d'hébergement hôtelières et parahôtelières et locations meublées au BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 et au BOI-TVA-CHAMP-30-10-50

 

Même si entre-temps le régime a été aménagé par la LF2024 (Art. 84), l'arrêt du 29 novembre 2024 rendu sous l'empire de l'ancienne législation présente un intérêt pour les litiges toujours pendants au regard de l'argumentation retenue par le juge qui, pour déterminer si la prestation rendue est ou non exonérée de TVA, substitue au critère formel des trois prestations une approche plus économique basée sur la concurrence potentielle avec le secteur hôtelier.

 

Rappel des faits :

La SARL M, créée en vue d'exploiter des activités de location meublée avec prestations para-hôtelières, a acquis le 17 juin 2020 un terrain à Saint-Tropez pour y construire une villa de luxe avec piscine. L'objectif était de proposer cette villa à la location saisonnière, assortie de services para-hôteliers.

En octobre 2020, la société a engagé des dépenses liées à la construction de la villa, supportant de la TVA en amont. Elle a déclaré un crédit de TVA de 121 908 € et en a demandé le remboursement à l'administration fiscale. L'administration fiscale a refusé le remboursement, estimant que la SARL M n'avait pas encore commencé une activité économique taxable et ne pouvait donc pas être considérée comme un assujetti ayant droit à déduction. La société a saisi le TA de Paris, qui, par un jugement du 8 juin 2023, a rejeté sa demande.

 

La SARL M a alors fait appel devant la CAA de Paris. Elle soutient :

  • qu'elle avait déclaré son intention de réaliser une activité économique taxable dès le lancement des travaux de construction de la villa, en vue de la proposer à la location avec prestations para-hôtelières.
  • que conformément aux dispositions de l'article 271 du CGI et de la directive TVA, elle avait droit à la déduction de la TVA supportée en amont.
  • qu'elle avait mis en place les prestations para-hôtelières requises dès que la mise en location était possible, en concluant des mandats avec des agences spécialisées pour proposer la villa à la location avec les services nécessaires.

La Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du TA de Paris et a fait droit à la demande de la SARL M.

 

Sur la qualité d'assujetti et le droit à déduction

La Cour a rappelé que, selon la directive 2006/112/CE et la jurisprudence de la CJUE, un assujetti a droit à déduction dès lors qu'il a l'intention confirmée, par des éléments objectifs, de commencer une activité économique taxable. Le droit à déduction est définitivement acquis si l'assujetti a agi de bonne foi, même si l'activité envisagée n'a pas abouti.

 Dès lors qu'un contribuable a déclaré son intention de réaliser une activité économique taxable et que l'administration ne conteste pas la sincérité de cette intention, la déduction de la taxe à laquelle il a procédé au titre de la période en cause lui est définitivement acquise. La circonstance que l'activité effectivement exercée soit exonérée est sans incidence sur le bien-fondé de la déduction initiale et est seulement susceptible d'entraîner, pour le contribuable, l'obligation de régulariser cette déduction.

 

En l'espèce, la SARL M avait :

  • Un objet social prévoyant l'activité de location meublée avec prestations para-hôtelières.
  • Acquis un terrain et entrepris des travaux de construction pour réaliser cette activité.
  • Conclu des mandats avec des agences spécialisées pour proposer la villa à la location.
  • Mis en place les moyens nécessaires pour offrir les prestations para-hôtelières requises.

La Cour a donc considéré que la société avait la qualité d'assujetti et pouvait exercer son droit à déduction de la TVA supportée en amont.  Elle confirme la jurisprudence "Inzo" de la CJUE 29 février 1996, C-110/94 en reconnaissant le droit à déduction dès lors que l'intention de réaliser une activité économique est établie, même si celle-ci ne se concrétise que plus tard.

 

Sur l'activité de location meublée avec prestations para-hôtelières

La Cour, dans cette décision, a écarté partiellement l'application de l'article 261 D du CGI comme incompatible avec la directive TVA de 2006. Elle considére que l'exigence de trois prestations sur quatre est trop rigide et peut conduire à exonérer de TVA des activités en réelle concurrence avec le secteur hôtelier. La Cour a ainsi substitué au critère formel des trois prestations une approche plus économique fondée sur la situation de concurrence potentielle avec le secteur hôtelier.

 

Au cas particulier, la Cour a analysé en détail les prestations proposées par la villa de luxe à Saint-Tropez pour déterminer si elle se trouvait en situation de concurrence avec le secteur hôtelier, malgré une location à la semaine. Elle souligne  :

  • que les mandats conclus avec les agences prévoyaient la fourniture de trois des quatre prestations para-hôtelières : nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception de la clientèle.
  • que les prestations étaient proposées dans des conditions comparables à celles des établissements hôteliers, malgré une durée minimale de location d'une semaine.
  • que la société disposait des moyens nécessaires pour assurer ces prestations, notamment via les agences mandatées.

Étant donné les prestations offertes et la localisation de la villa à Saint-Tropez, la Cour a jugé que la société était en concurrence avec le secteur hôtelier.

 

La Cour a donc estimé que la société proposait une activité soumise à la TVA

 

Publié le mardi 3 décembre 2024 par La rédaction

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