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Location meublée et TVA : clarification mineure du Gouvernement concernant les zones d'ombre du régime para-hôtelier

Quelques jours après que Bercy ait mis à jour ses commentaires publiés en août dernier concernant la mise en conformité des règles de TVA relatives aux prestations hôtelières et para-hôtelières, le Gouvernement vient à son tour d'apporter sa touche "mineure" concernant les modifications apportées au régime fiscal de la parahôtellerie suite à la publication au BOFIP du 7 août 2024.

 

Cette clarification répond à l'interpellation du député Romain Daubié concernant la nouvelle interprétation de l'article 261 D-4° du CGI.

 

Le ministère précise d'abord que cette évolution résulte d'une modification législative par l'article 84 de la loi de finances 2024, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, et non d'une simple décision administrative. Cette réforme vise à mettre le droit français en conformité avec la directive européenne TVA, suite à l'avis du Conseil d'État du 5 juillet 2023 qui avait identifié une incompatibilité partielle.

 

La nouvelle rédaction distingue désormais clairement deux types d'opérations exclues de l'exonération de TVA pour les locations de logements meublés :

  • D'une part, les prestations d'hébergement du secteur para-hôtelier, définies par un double critère : durée de location n'excédant pas 30 nuitées et fourniture d'au moins trois services annexes parmi les quatre classiques (petit-déjeuner, nettoyage régulier, linge de maison, réception de clientèle).
  • D'autre part, les locations dans le secteur résidentiel avec fourniture de prestations annexes similaires, quelle que soit leur durée.

Concernant les points spécifiques soulevés par le député, le ministère reprenant le BOFIP précise :

  • que le nettoyage des locaux et la fourniture de linge sont considérés comme "réguliers" dès lors qu'ils sont effectués avant le séjour et proposés régulièrement pendant le séjour. Pour les courts séjours (moins d'une semaine), un nettoyage initial ou un renouvellement initial du linge suffit.
  • que la simple mise à disposition d'une boîte à clés ne constitue pas une "réception même non personnalisée" de la clientèle. En revanche, le service est considéré comme fourni si le prestataire propose au client le choix entre un accueil physique et un dispositif électronique avec boîte à clés.

Pour les opérateurs proposant à la fois des locations courtes et longues, chaque prestation suit son propre régime fiscal. Les prestations soumises à TVA bénéficient du taux réduit de 10% et ouvrent droit à déduction de la TVA sur les dépenses.

 

La réponse rappelle également que la doctrine fiscale n'est pas un pouvoir réglementaire mais un mécanisme de garantie pour le contribuable, qui peut s'en prévaloir face à l'administration.

Question 

M. Romain Daubié souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modifications apportées aux conditions d'application de la TVA sur les prestations parahôtelières et publiées au Bulletin officiel des finances publiques le 7 août 2024. La nouvelle interprétation de l'article 261 D, 4° du code général des impôts (CGI), sensée clarifier le régime de la parahôtellerie, change la doctrine fiscale applicable, de manière profonde et brutale. En effet, elle modifie les conditions d'application de la TVA sur les prestations parahôtelières, un secteur qui englobe les loueurs de meublés non professionnels (LMNP). Jusqu'alors, l'article 261 D, 4° du CGI exonérait de TVA les locations de logements meublés à usage d'habitation. Étaient toutefois exclues de cette exonération, d'une part, les prestations d'hébergement fournies par le secteur hôtelier et touristique et, d'autre part, les locations meublées comportant au moins trois sur quatre des prestations suivantes : petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture du linge de maison et réception même non personnalisée de la clientèle. Jusqu'à cette nouvelle interprétation, le ménage effectué avant l'arrivée des voyageurs n'était pas interprété comme « ménage régulier » et la remise des clefs par un système de boîte à clé n'était pas, naturellement, considéré comme un accueil physique. Dès lors, la TVA n'était pas applicable. Le Conseil d'État, dans son avis du 5 juillet 2023, souligne que ces règles peuvent conduire à exonérer de TVA des prestations entrant en concurrence avec le secteur hôtelier alors que, selon la directive TVA, dès lors qu'un hébergement remplit les mêmes fonctions qu'un hôtel, il doit être soumis à la TVA. La nouvelle doctrine fiscale interprétant l'article 261 D, 4° du CGI vient renforcer la règle existante en précisant et élargissant les conditions d'application de la TVA aux activités para-hôtelières. Désormais, les contribuables qui proposent des locations meublées avec services para-hôteliers sont soumis à la TVA dès lors que le seuil de 91 900 euros de recettes est atteint. Cependant, cette modification introduit plusieurs zones d'ombre. En effet, la distinction entre les locations de courte et longue durée n'est pas claire, notamment pour les contribuables qui exercent ces deux activités simultanément. Cela crée une incertitude pour de nombreux bailleurs quant au régime fiscal auquel ils sont soumis. De plus, l'absence d'un accueil physique dans certaines prestations para-hôtelières, remplacé par des dispositifs automatiques comme les boîtes à clés, remet en question l'application de la TVA. Cette modification, opérée par le biais de l'administration et non par le législateur, en pleine période estivale, pose plusieurs questions quant à la stabilité des règles fiscales qui régissent cette activité et pose un problème démocratique, l'administration étant intervenue sans ministre et sans l'avis des parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale. En l'absence de débat parlementaire, ce changement semble malvenu, à tout le moins précipité, sans concertation ni étude d'impact approfondie, ce qui pourrait fragiliser la confiance des contribuables dans le système fiscal. M. le député s'interroge sur la légitimité d'une administration de chambouler des règles alors que le propriétaire doit se projeter sur le long terme, avec, souvent, un financement sur 20 ans. Enfin, le seuil de 91 900 euros, qui détermine le régime applicable pour les loueurs en meublé non professionnels (LMNP), nécessite également d'être clarifié. Actuellement, cette interprétation ne prévoit pas de distinctions précises pour les contribuables exerçant des activités mixtes (courte et longue durée), ce qui alimente une confusion fiscale et des incertitudes quant à l'application de la TVA. Cette nouvelle doctrine fiscale interprétant l'article 261 D, 4° du code général des impôts est-elle représentative de la position de M. le ministre ? M. le ministre a-t-il conscience des conséquences pour le contribuable d'un tel changement brutal ? M. le ministre a-t-il conscience des nombreux contentieux que cela va générer ? Enfin, il lui demande s'il pense consulter le Parlement sur ce sujet, compte tenu qu'il s'agit d'une prérogative du législateur.

Réponse publiée le 1er avril 2025

Les dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts (CGI) ont fait l'objet d'une modification législative opérée par l'article 84 de la loi de finances pour 2024 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024, afin de mettre en conformité avec le droit européen régissant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) le régime applicable aux prestations d'hébergement effectuées dans le secteur de l'hôtellerie et des secteurs similaires. Cette évolution législative permet de mettre fin à l'insécurité juridique pour les opérateurs, résultant de l'avis du 5 juillet 2023 (n° 471877) par lequel le Conseil d'État considère que le b dudit article, définissant les modalités de taxation à la TVA des prestations d'hébergement dans le secteur hôtelier et des secteurs similaires (« secteur para-hôtelier »), était partiellement incompatible avec la directive n° 2006/112/CE relative au système commun de la TVA (dite « directive TVA »). La nouvelle rédaction de l‘article 261 D du CGI opère désormais une distinction entre deux types d'opérations exclus de l'exonération des locations de logement :

- d'une part, les prestations d'hébergement fournies dans le cadre des secteurs hôtelier et para-hôtelier, dont la définition est fondée sur un double critère de durée des offres de location proposées aux clients (n'excédant pas 30 nuitées) et de fourniture de services annexes à la mise à disposition d'un local meublé (au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle) ; -

d'autre part, les locations de logements meublés dans le secteur résidentiel avec fourniture de prestations annexes, lesquelles sont définies de manière identiques à celles mentionnées ci-dessus. En effet, aux termes de l'article 135 de la directive TVA précitée, les États membres exonèrent de la TVA l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper) et qui doivent en conséquence être soumises de plein droit à la TVA. En outre, en cas d'exonération, le droit européen donne la possibilité aux État membres de prévoir des exclusions supplémentaires à son application (dernier alinéa de l'article 135 de la directive TVA) ou, le cas échéant, d'introduire des modalités de taxation sur option (article 137 de la même directive).

Ces évolutions législatives ont fait l'objet des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques – impôts le 7 août dernier, au document référencé BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 cité par l'auteur de la question. Ce document, qui n'avait pas été mis à jour depuis 2012, intègre désormais également de nombreuses précisions et illustrations issues des prises de position de l'administration auprès d'opérateurs ou de fédérations professionnelles des secteurs concernés, sans que cela implique une évolution de la définition de ces quatre services para-hôteliers.

Il convient également de préciser que cette définition est applicable tant aux locations d'une durée inférieure à 30 nuitées qu'à celles de plus longue durée. S'agissant d'abord de la portée de ces commentaires, la doctrine fiscale ne constitue pas pour l'administration un pouvoir réglementaire, mais, au contraire, un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit (Conseil d'État, avis du 8 mars 2013, n° 353782).

Dans ce contexte, les paragraphes 80 et 90 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 précité, concernant le nettoyage régulier des locaux et la fourniture du linge de maison, précisent que ces services para-hôteliers sont caractérisés dès lors qu'ils sont effectués avant le début du séjour et qu'ils sont proposés au client de façon régulière pendant son séjour. En ce qui concerne le nettoyage des locaux, la doctrine fiscale précise qu'à des fins d'organisation, le prestataire peut prévoir un délai entre la demande de nettoyage et sa fourniture effective, sans toutefois que ce délai n'ait pour effet de priver de toute portée la possibilité offerte. Toutefois, lorsque le séjour est d'une durée inférieure à une semaine, les remarques insérées dans les paragraphes précités ont pour objet de permettre à l'opérateur de considérer que ces conditions sont remplies du seul fait que le nettoyage des locaux est effectué au moins avant le début du séjour ou que le ligne de maison est au moins renouvelé au début du séjour. S'il le souhaite, l'opérateur peut ainsi s'en prévaloir pour considérer que le client a accès au service alors même que pendant la durée du séjour, le service ne sera pas proposé au client ou que ce dernier n'aura pas la possibilité d'en demander l'exécution.

S'agissant par ailleurs de la seule mise à disposition d'une boîte à clés, celle-ci ne saurait suffire à caractériser une réception même non personnalisée de la clientèle. Le BOI précité indique ainsi, en son paragraphe 100, que, lorsque le prestataire d'hébergement propose à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l'intermédiaire d'un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés, la condition d'accueil est considérée comme satisfaite. En effet, si la réception de la clientèle, comme les autres prestations annexes, doit être réellement proposée au client, il n'est pas exigé qu'elle soit effectivement fournie à celui-ci (§ 60 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 précité). Enfin, dans le cas où un acteur commercialise à la fois des prestations éligibles à l'exonération et d'autres qui ne le sont pas, par exemple car ses offres comprennent à la fois des locations comprenant jusqu'à 30 nuitées et des locations en comprenant davantage, chaque prestation suivra son régime propre. Par ailleurs, les prestations d'hébergement de l'assujetti sont soumises à la TVA au taux réduit de 10 % et il bénéficie corrélativement du droit de déduire la TVA grevant ses dépenses dans les conditions de droit commun prévues par l'article 271 du CGI.

Publié le mardi 1 avril 2025 par La rédaction

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