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Impôt sur les sociétés

SCCV : quand la réalité économique rejoint l'objet social statutaire...le maintien du régime BIC s'impose

Le juge de l'impôt nous rappelle que l'administration ne peut méconnaître l'exemption d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 239 ter du CGI au bénéfice des sociétés civiles exerçant une activité de construction-vente lorsque les conditions légales sont réunies.

 

L'article 239 ter du CGI institue un régime fiscal spécifique pour les sociétés civiles de construction-vente, qui constitue une exception notable au principe général d'assujettissement de ces sociétés à l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles exercent une activité commerciale. Cette disposition, introduite par la loi du 23 décembre 1964, vise à encourager l'activité de construction de logements en permettant aux sociétés civiles qui s'y consacrent d'échapper au régime de l'impôt sur les sociétés.

 

Pour bénéficier de cette exemption et d'une imposition dans la catégorie des BIC, les sociétés doivent satisfaire à un ensemble de conditions cumulatives.

  • Elles doivent avoir pour objet statutaire la construction d'immeubles en vue de la vente. Cette condition d'objet social ne se limite pas à une mention formelle dans les statuts, mais suppose également que l'activité réellement exercée corresponde à cet objet.
  • Ces sociétés ne doivent pas être constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée, ce qui exclut notamment les SARL et les sociétés anonymes du bénéfice de l'exemption. 
  • Les statuts doivent prévoir la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social.

Lorsque ces conditions sont réunies, les SCCV sont soumises au même régime fiscal que les SNC effectuant les mêmes opérations, ce qui signifie concrètement qu'elles bénéficient du régime de translucidité fiscale et que leurs résultats sont imposés directement entre les mains des associés selon les règles de l'impôt sur le revenu (BIC).

 

L'exemption prévue par l'article 239 ter s'inscrit dans le cadre plus général de l'article 206 du CGI, qui soumet à l'impôt sur les sociétés les sociétés civiles qui se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère commercial au sens des articles 34 et 35 du même code.

 

 

Rappel des faits :

La SCI B, initialement immatriculée en 2006 avec pour objet la gestion de locaux immobiliers, a acquis un terrain et démarré en 2009 la construction d'un immeuble en vue de sa revente par locaux. En 2012, elle a modifié ses statuts pour adopter un nouvel objet social de construction-vente. Après cette modification et jusqu'au terme de la période vérifiée, l'activité de la société a consisté à vendre sept des dix appartements composant l'immeuble dont la construction s'était achevée le 20 avril 2012. Ces ventes sont intervenues en 2012, 2013 et 2015, révélant une activité étalée dans le temps mais cohérente avec l'objet social modifié. L'administration fiscale, à l'issue d'une vérification de comptabilité, a considéré que la SCI B relevait de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2014 et 2015 et a émis des cotisations supplémentaires et des rappels de TVA.

Le TA de Melun a rejeté la demande de décharge de la SCI. Celle-ci a fait appel devant la CAA de Paris, invoquant l’exclusion de son activité du champ de l’IS.

 

La Cour vient de décharger la SCI B de la cotisation d'IS à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015

 

S’agissant de l’IS, la cour rappelle que les dispositions de l’article 239 ter-I doivent s’appliquer de plein droit aux sociétés civiles postérieures à 1964, dont l’objet (ici formellement modifié en 2012) est la construction en vue de la vente, et qui ne sont pas constituées sous forme de SARL ou de société par actions et dont les statuts prévoient la responsabilité indéfinie.

 

En se fondant sur la proposition de rectification de 2017 elle-même, la cour estime que, dès lors que la SCI B a exercé, après la modification de ses statuts, une activité de construction-vente conforme à l’article 239 ter, l’administration a méconnu cette exemption et s’est indûment attachée à la soumettre à l’IS pour l’exercice 2015.

Il résulte de l'instruction, et notamment des termes mêmes de la proposition de rectification du 3 juillet 2017, que la SCI Bonheur s'est donnée pour objet social la gestion de locaux immobiliers lors de son immatriculation, le 12 janvier 2006, auprès du greffe du tribunal de commerce de Créteil, et qu'elle a acquis le 16 février 2006 un terrain sur l'assiette duquel elle a démarré, le 14 octobre 2009, des travaux de construction d'un immeuble en vue de le revendre par locaux. Il résulte également de l'instruction qu'elle a modifié ses statuts le 4 février 2012 afin de se donner pour nouvel objet social celui de construction-vente, et qu'après cette modification et jusqu'au terme de la période vérifiée, son activité a consisté à vendre, en 2012, 2013 et 2015, sept des dix appartements composant l'immeuble dont la construction s'est achevée le 20 avril 2012. Dans ces conditions, et dès lors que les statuts de la société requérante prévoient la responsabilité indéfinie de ses associés en ce qui concerne le passif social et que celle-ci n'a pas été constituée sous la forme d'une société par actions ou à responsabilité limitée, c'est à tort que le service a considéré que la SCI Bonheur relevait de l'impôt sur les sociétés au titre de ses exercices clos en 2014 et 2015, alors que, après la modification de ses statuts en 2012 et jusqu'au terme de la période vérifiée, cette société entrait, à raison de son objet et de la nature des activités qu'elle exerçait, dans le champ d'application du I de l'article 239 ter du code général des impôts.

 

Parallèlement à la question de l'IS, la Cour a confirmé le refus d'admission de TVA déductible à hauteur de 56 394 € en se fondant sur l'absence de production des factures correspondantes par la société. Cette solution s'appuie sur la jurisprudence de la CJUE, notamment l'arrêt Vadan du 21 novembre 2018 (Aff. C-664/16), qui concilie les exigences formelles du droit à déduction avec le principe fondamental de neutralité de la TVA. Selon cette jurisprudence, si le droit à déduction peut être accordé même en l'absence de certaines conditions formelles, il incombe néanmoins à l'assujetti de fournir des preuves objectives que des biens et services lui ont effectivement été fournis en amont. La Cour a relevé que la SCI B n'apportait aucune pièce justificative de nature à établir que la TVA en litige se rapportait à des biens et services qui lui avaient effectivement été fournis pour les besoins de ses opérations imposables.

Publié le mardi 27 mai 2025 par La rédaction

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