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Impôt sur les sociétés

SCI et location meublée : la mise en oeuvre risquée du montage dissociant la détention de l'immeuble de son exploitation commerciale

Le juge de l'impôt nous rappelle que, s'il est possible, pour faire échec à la taxation à l'impôt sur les sociétés d'une SCI se livrant à une activité de location meublée, de dissocier la détention de l'immeuble (loué nu par la SCI) de l'exploitation desdits meublés (gîte et des chambres d'hôtes) par le locataire des murs, il faut une étanchéité sans faille entre les deux. La confusion des patrimoines et des trésoreries est de nature à révéler la fictivité du bail nu... entrainant de lourdes conséquences notamment en cas de cession de l'immeuble social.

 

Il est assez courant, pour éviter l'assujettissement de plein droit d'une SCI à l'impôt sur les sociétés en cas de location meublée, de recourir à un montage dissociant la détention de l'immeuble de son exploitation commerciale. La SCI conclut un bail commercial ou professionnel portant sur les murs nus au profit d'une structure d'exploitation (souvent une entreprise individuelle ou une SARL détenue par les associés) qui, elle, exerce l'activité de location meublée (gîtes, chambres d'hôtes).

 

Si ce schéma est valable sur le plan des principes, sa mise en œuvre implique de la rigueur, dans la gestion, pour éviter la requalification à l'IS de la SCI.

 

Rappel des faits :

La SCI B était propriétaire d'un domaine comprenant un gîte et des chambres d'hôtes. Pour conserver son caractère civil, elle avait conclu un bail portant sur les locaux nus avec sa gérante et associée, cette dernière étant censée exploiter le fonds de commerce d'hébergement.

 

À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la réalité de ce bail nu, estimant que la SCI exerçait en réalité directement l'activité de location meublée. Elle a donc assujetti la société à l'IS pour les exercices 2015 à 2017.

 

Le contentieux a pris forme autour de l'exercice 2019, année au cours de laquelle la SCI a cédé l'immeuble pour un montant de 981 200 €. L'administration, tirant les conséquences de la commercialité, a taxé cette cession selon les règles des plus-values professionnelles (IS) et non selon le régime des plus-values des particuliers.

 

La société a contesté cette taxation à l'IS devant le TA de Nîmes.

 

 

Le Tribunal vient de rejeter la requête de la SCI

 

Concernant la qualification de l'activité

Le juge a procédé à une analyse des flux financiers pour démontrer la fictivité du bail nu. Si l'existence formelle d'un contrat de bail et la déclaration d'activité en mairie par la gérante constituaient des indices de conformité, ils ont été mis à mal par la réalité de la gestion.

 

En effet, le juge de l'impôt a relevé :

  • que les recettes de l'activité parahôtelière étaient encaissées directement sur le compte bancaire de la SCI via un terminal de paiement électronique (TPE).
  • que la SCI réglait elle-même les charges d'exploitation
  • et le bouquet... qu'aucun loyer n'était effectivement versé par la prétendue locataire exploitante.

C'est cette confusion des patrimoines et des trésoreries qui a conduit le juge à considérer que la SCI exploitait directement le fonds meublé. L'activité devenant commerciale par nature au sens de l'article 34 du CGI, l'assujettissement à l'IS en vertu de l'article 206-2 devenait... inéluctable.

 

L'argument de la difficulté pratique (refus de la banque de délivrer un TPE à l'exploitant personne physique) a été jugé inopérant au cas particulier.

 

Concernant la vente immobilière

La SCI contestait le montant de la plus-value taxée, demandant la prise en compte du prix d'acquisition et des travaux. Or, le juge rappelle qu'en IS, la notion de plus-value immobilière des particuliers disparaît au profit de la théorie du bilan.

 

En effet, en application de l'article 38 du CGI, le prix de cession constitue un produit d'exploitation. Le bénéfice net est la différence entre l'actif net à la clôture et à l'ouverture. La société ayant été taxée d'office (faute de comptabilité commerciale probante), la charge de la preuve lui incombait pour démontrer le caractère exagéré de l'imposition. En se bornant à invoquer des concepts relevant de la fiscalité des particuliers (prix d'acquisition, déficit foncier) sans présenter une reconstitution comptable de la VNC du bien ni justifier des écritures d'actif et de passif, la société n'a pas permis de corriger l'assiette.

 

Le tribunal a donc validé donc l'intégration du prix de vente total dans le résultat imposable.

 

TL;DR

  • Attention au pouvoir de requalification de l'administration quand le montage juridique (bail nu) est contredit par les faits (encaissement direct des recettes clients par la SCI)

 

  • En matière d'IS, le prix de vente est un produit. Pour réduire l'impôt, il faut déduire la VNC de l'actif sorti. Or, dans une situation de taxation d'office suite à une requalification, le contribuable qui ne parvient pas à reconstituer une comptabilité commerciale (incluant les amortissements qui auraient dû être pratiqués) se retrouve sanctionné par une taxation sur le prix de vente brut.

Publié le vendredi 12 décembre 2025 par La rédaction

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