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Impôt sur les sociétés

SCI et seuil de commercialité : l'application annuelle et réversible de la tolérance administrative de 10 %

Au sein de SCI, la frontière entre la gestion patrimoniale civile et l'activité commerciale est ténue. Le franchissement de cette ligne entraîne généralement l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-2 du CGI. Pour tempérer la rigueur de cet assujetissement, l'administration fiscale a institué une tolérance permettant aux SCI de conserver leur translucidité fiscale lorsque leurs recettes commerciales accessoires n'excèdent pas 10 % du total de leurs recettes. Le juge de l'impôt vient préciser l'autonomie de chaque exercice pour l'appréciation de ce seuil, confirmant qu'un assujettissement antérieur à l'IS n'est pas irréversible si les recettes repassent sous le seuil de 10%.

 

Conformément aux dispositions de l'article 206-1 du CGI, les sociétés civiles sont, quel que soit leur objet, imposables à l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles revêtent l'une des formes des sociétés ou groupements désignés à ce même article 206 du CGI.

Par ailleurs, en vertu du premier alinéa de l'article 206-2 du CGI, les sociétés civiles sont, en raison de leur objet, passibles de l'impôt sur les sociétés, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées à l'article 206-1 du CGI, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations présentant un caractère industriel ou commercial au sens de l'article 34 du CGI et de l'article 35 du CGI.

 

Il ressort de la doctrine Bofip que...

... plusieurs catégories de sociétés civiles sont placées en dehors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés ou y échappent même si, eu égard à leur forme ou à la nature de leur activité, elles se trouvent remplir les conditions qui permettraient normalement de les assujettir à cet impôt.

C'est ainsi qu'afin d'éviter les conséquences excessives résultant, dans certaines situations, de la taxation des sociétés civiles à l'impôt sur les sociétés prévue au premier alinéa du 2 de l'article 206 du CGI, il a été décidé de ne pas soumettre ces sociétés à l'impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n'excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes.

D'autre part et pour limiter les conséquences du franchissement occasionnel de ce seuil de 10 %, il est admis que la société civile ne soit pas effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année de dépassement si la moyenne des recettes hors taxes, de nature commerciale, réalisées au cours de l'année en cause et des trois années antérieures n'excède pas 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes réalisées au cours de la même période. Bien entendu, s'agissant des sociétés créées depuis moins de quatre ans, cette moyenne sera appréciée sur la période courue depuis la date de leur création (RM Berger, n° 33593, JO AN du 11 mai 1981, p. 2009).

BOI-IS-CHAMP-10-30

 

Rappel des faits :

La SCI J a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. L'administration fiscale a estimé que la société exerçait une activité commerciale occulte et l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017. La société a contesté ces impositions, revendiquant le bénéfice de la transparence fiscale propre aux sociétés de personnes.

Après un rejet de sa demande en première instance par le TA de Paris, la Cour administrative d'appel de Paris a rendu une décision nuancée le 31 janvier 2025. Elle a prononcé la décharge de l'IS pour l'année 2016, constatant que la part des recettes commerciales était repassée sous le seuil de 10 %, mais a maintenu l'imposition pour 2017.

 

Le ministre s'est pourvu en cassation contre la décharge accordée au titre de 2016, tandis que la SCI J a formé un pourvoi incident pour contester le maintien de l'imposition de 2017.

 

Le débat s'est focalisé autour de l'interprétation de la doctrine BOFIP (BOI-IS-CHAMP-10-30 précité). Cette doctrine prévoit deux mécanismes de tolérance pour éviter les conséquences excessives de l'assujettissement à l'IS :

  • tout d'abord une dispense  d'IS tant que les recettes commerciales hors taxes n'excèdent pas 10 % des recettes totales.
  • Puis, un mécanisme de lissage (issu de la RM Berger)  permettant, en cas de franchissement occasionnel, de maintenir l'exonération si la moyenne des recettes commerciales de l'année et des trois années précédentes reste inférieure à 10 %.

L'administration fiscale soutenait une lecture stricte de ces dispositions. Selon le ministre, le fait que la SCI J ait franchi le seuil de 10 % lors de l'exercice précédent (2015), entraînant son assujettissement à l'IS pour cette année-là, faisait obstacle à ce qu'elle revendique le bénéfice de la tolérance pour l'exercice suivant (2016), quand bien même ses recettes commerciales seraient repassées sous le seuil.

 

La Haute juridiction vient de rejetter le pourvoi du ministre et de valider le raisonnement de la CAA de Paris.

 

Le Conseil d'État, rappelle que les sociétés civiles peuvent bénéficier de la mesure de faveur au titre d'un exercice donné dès lors que la condition de seuil (recettes commerciales inférieures à 10 %) est remplie pour cet exercice spécifique.

 

Pour la haute juridiction, la circonstance que la société ait dépassé ce seuil au titre d'un exercice antérieur (2015), conduisant à la perte temporaire du régime de faveur, est sans incidence sur son droit à en bénéficier à nouveau pour un exercice ultérieur (2016) où les conditions sont de nouveau réunies.

 

Elle précise qu'il résulte des disposition précitées du BOI-IS-CHAMP-10-30...

...que les sociétés civiles peuvent bénéficier, au titre d'un exercice, de la mesure de faveur que ces commentaires prévoient dès lors que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n'excède pas, au titre de cet exercice, 10 p. 100 du montant de leurs recettes totales hors taxes, sans qu'ait d'incidence la circonstance que ces sociétés auraient, au titre d'un exercice antérieur, dépassé ce seuil dans des conditions ayant conduit à la perte, au titre de ceux-ci, du bénéfice de cette tolérance et à leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

 

En d'autres termes, l'assujettissement à l'IS déclenché par le franchissement du seuil de tolérance n'est pas définitif. Il ne crée pas un cliquet irréversible. 

Publié le lundi 29 décembre 2025 par La rédaction

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