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Impôt sur les sociétés

Une provision pour dépréciation d'une participation n'est justifiée que si l'actif net comptable est surévalué par rapport à sa valeur probable de liquidation

Le juge nous rappelle les conditions de déduction d'une provision pour dépréciation de titres de participation dans une société à prépondérance immobilière non cotée soulignant l'importance de démontrer précisément une surévaluation de l'actif net comptable par rapport à la valeur probable de liquidation de la société pour qu'une telle provision soit admise.

 

Pour mémoire, les entreprises peuvent déduire de leur bénéfice imposable les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. Ce principe est posé par l'article 39-1-5° du CGI rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code. La charge de la preuve du bien-fondé de la provision incombe au contribuable.

 

En ce qui concerne spécifiquement les titres de participation, l'article 219, paragraphe a sexies-0 bis du CGI (dans sa rédaction applicable au litige) prévoit un régime particulier pour les titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées. Pour ces sociétés, dont l'actif est constitué pour plus de 50% de sa valeur réelle par des immeubles ou droits immobiliers (sauf si ces biens sont affectés à la propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole de l'entreprise ou à l'exercice d'une profession non commerciale), les plus ou moins-values et les provisions pour dépréciation cessent d'être soumises au régime des plus et moins-values à long terme.

 

La question de leur déductibilité reste néanmoins soumise aux conditions générales de l'article 39 du CGI.


 

 

Rappel des faits :

La SAS S, société exerçant une activité de marchand de biens, détenait des titres de participation dans la SCI Sa, qualifiée de société à prépondérance immobilière. Le 4 mars 2015, la SCI Sai a procédé à la cession de l'ensemble de son actif, réalisant une plus-value substantielle de 780 000 €. Suite à cette opération, la SAS S a considéré que la valeur comptable de la société était devenue nulle et a constitué, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, une provision pour dépréciation de ses titres d'un montant de 659 668,54 €.

 

L'administration fiscale, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, a remis en cause la déductibilité de cette provision et l'a réintégrée dans le résultat de l'exercice clos au 31 décembre 2016, premier exercice non prescrit. Cette réintégration a généré une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés assortie d'intérêts de retard.

 

La SAS S avait initialement saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande de décharge, rejetée par un jugement du 7 novembre 2023. L'appel formé contre cette décision a conduit la Cour administrative d'appel de Lyon à soulever d'office une irrégularité de procédure.

La Cour a en effet constaté que Madame T, qui avait exercé les fonctions de rapporteure publique à l'audience et prononcé des conclusions, figurait également parmi les membres de la formation de jugement ayant délibéré. Cette situation constitue une violation d'une règle générale de procédure, applicable même sans texte, selon laquelle un membre d'une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut participer à la formation de jugement statuant sur ce recours.

 

Cette irrégularité, relevée d'office par la Cour après avoir informé les parties par courrier du 2 juin 2025, a conduit à l'annulation du jugement de première instance et à l'évocation immédiate de l'affaire.

  • Sur le fond, la SAS S soutient que l'existence de circonstances particulières sans lien avec son activité justifiait la déduction de la provision pour dépréciation des titres de la SCI Saigon. Elle mettait en avant le fait que cette dernière n'avait plus d'actif à la date de l'imposition, ce qui légitimait selon elle la constitution de la provision.

 

La Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé la position de l'administration fiscale en rejetant la demande de la SAS S.

 

La Cour rappelle que la constitution d'une provision pour dépréciation de participation ne peut être regardée comme justifiée que dans l'hypothèse où l'actif net comptable de la société participée apparaîtrait surévalué par rapport au montant probable du produit de la liquidation de cette société.

En l'espèce, la Cour constate qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'actif net comptable de la SCI Sa aurait été surévalué par rapport au produit probable d'une liquidation. La Cour s'appuie sur plusieurs éléments factuels :

  • D'une part, la cession de l'actif de la SCI Sa s'est soldée par une plus-value significative de 780 000 €, ce qui démontre que l'actif de la société avait conservé sa valeur.
  • D'autre part, depuis cette cession, la valeur probable de réalisation n'apparaît pas inférieure à la valeur de l'actif net comptable, que la SAS S avait ramenée à zéro. Cette valeur nulle s'avère en réalité très proche de la valeur probable en cas de liquidation de la SCI Sa

En d'autres termes, le simple fait que la SCI n'ait plus d'actif ne signifiait pas que les titres étaient dépréciés à zéro, surtout si la cession de l'actif avait généré une plus-value significative.

 

Pour justifier une provision, il aurait fallu démontrer que l'actif net, même après la cession, était encore surévalué par rapport à ce que la société aurait pu effectivement rapporter en cas de liquidation (prenant en compte d'éventuels passifs non honorés ou des coûts de liquidation).

 

La simple disparition ou cession de l'actif d'une filiale n'est pas suffisante en soi pour justifier la dépréciation à zéro des titres. Le contribuable doit impérativement démontrer que l'actif net comptable des titres est surévalué par rapport à la valeur de cession ou de liquidation probable de la participation.

Il ne suffit pas d'affirmer que l'actif est nul, mais de prouver que le produit de la liquidation de la filiale serait inférieur à la valeur nette comptable des titres, prenant en considération l'ensemble des éléments du bilan, y compris les plus-values réalisées sur cession d'actifs ou les passifs résiduels.

 

Publié le lundi 21 juillet 2025 par La rédaction

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