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Impôt sur les sociétés

Valorisation de l’usufruit temporaire de parts sociales : quand le juge fiscal valide le recours au barème 669-II du CGI

La cession temporaire d’usufruit de parts sociales au profit d’une société détenue par le cédant est une opération d’ingénierie patrimoniale bien connue, mais qui demeure sous la surveillance de l’administration fiscale. Dans une décision récente le juge de l'impôt  vient nous rappeler sa sévérité tant sur la forme (L’interruption de la prescription) que sur les méthodes de valorisation des droits démembrés. Cette décision, qui fait écho à celle rendue le même jour concernant la société cessionnaire, valide la méthode administrative combinant valeur mathématique, valeur de productivité et barème fiscal, tout en rejetant une méthode économique jugée trop approximative et confirme les redressements opérés en matière de revenus de capitaux mobiliers (RCM) chez les associés personnes physiques.

 

Rappel des faits :

La société civile PMG, détenue et dirigée par M. et Mme A, a acquis auprès de ces derniers l'usufruit temporaire (pour une durée déterminée) de parts sociales qu'ils détenaient dans deux autres structures (SCI Carnot Wilson 2003 et SC Racine Investissement). L'administration fiscale a remis en cause la valeur de cession de cet usufruit, estimant que le prix de vente avait été volontairement minoré (libéralité). Elle a donc :

  • Rectifié le bénéfice imposable de la société PMG (IS) en réintégrant la différence de valeur (actif net).

  • Imposé M. et Mme A (IR) sur cette même différence, qualifiée de revenus distribués (revenus de capitaux mobiliers).

 

Le point de procédure : l'interruption de la prescription (Confirmé dans les deux arrêts)

L’affaire présentait une première difficulté tenant au délai de reprise de l’administration. Pour les impositions dues au titre de l’année 2013, la prescription triennale expirait le 31 décembre 2016. L’administration a notifié sa proposition de rectification par voie d’huissier le 29 décembre 2016. L’huissier s’étant présenté au domicile des contribuables en leur absence, l’acte a été mis en instance et le courrier simple d’avertissement n’a été reçu que le 2 janvier 2017, soit après l’expiration du délai. Les requérants contestaient la régularité de cette notification, invoquant des omissions dans les mentions portées par l’huissier sur les diligences accomplies.

Sur ce point, la Cour a adopté une position favorable à l'administration. En application des articles 653 et suivants du CPC, la date de signification d’un acte d’huissier est celle du jour de la présentation au domicile, et non celle de la remise effective du pli au destinataire. Les juges du fond précisent que les éventuelles omissions formelles dans le PV de l’huissier (sur les circonstances de l’impossibilité de remise à personne) ne suffisent pas à invalider l’acte ni à priver la notification de son effet interruptif, dès lors que la date de passage est établie avec certitude. La prescription a donc valablement été interrompue in extremis.

 

Le cœur du litige : la valorisation de l’usufruit temporaire

Le litige de fond portait sur la valorisation de l’usufruit temporaire des parts de deux SCI, cédé par les époux contribuables à leur holding (la société PMG).

L’administration a estimé que le prix de cession était minoré, caractérisant ainsi une libéralité consentie par les associés à leur société, mais aussi, par symétrie, l’existence de revenus distribués ou d’avantages occultes imposables entre leurs mains sur le fondement de l’article 111 du CGI.

Le débat s’est cristallisé sur la méthode d’évaluation. L’administration a combiné une méthode patrimoniale (actif net réévalué) et une méthode de productivité (capitalisation des résultats) pour obtenir la valeur en pleine propriété, avant d’appliquer le barème fiscal de l'article 669 II du CGI (23 % de la pleine propriété par tranche de dix ans) pour déterminer la valeur de l'usufruit.

 

Les contribuables, contestant cette approche jugée forfaitaire, proposaient une méthode économique fondée sur l'actualisation des flux futurs de trésorerie (DCF - Discounted Cash Flows), censée mieux refléter la réalité financière de l'usufruit, qui n'est autre que le droit aux dividendes futurs.

 

La Cour administrative d’appel de Toulouse vient, de valider la méthodologie de l’administration et de rejeter celle des contribuables. 

 

Premièrement, le juge confirme que si le barème de l’article 669 II du CGI est édicté pour les droits d'enregistrement, l’administration a la faculté de s’en inspirer comme « clé de répartition » pour les besoins de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, dès lors que cette référence n'est pas dénuée de pertinence économique.

L'argument selon lequel ce barème serait inopposable hors matière d'enregistrement est donc écarté.

 

Deuxièmement, la Cour rejette la méthode DCF proposée par les contribuables. Bien que théoriquement supérieure pour valoriser un actif de rendement, cette méthode est écartée cas particulier car elle reposait sur des hypothèses biaisées visant à minorer la valeur :

  • prise en compte de passifs non justifiés,
  • taux de croissance des loyers irréalistes au regard des rénovations effectuées,
  • ou encore vacance locative organisée artificiellement.

Le juge sanctionne ici le manque de fiabilité des paramètres retenus par les experts des contribuables. La méthode DCF ne peut servir de bouclier si ses inputs sont manipulés.

 

Enfin, la Cour maintient l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Elle déduit l'intention d'éluder l'impôt de l'importance de l'écart entre la valeur déclarée et la valeur réelle (telle que rectifiée), ainsi que de la qualité des contribuables. En tant que dirigeants et associés majoritaires tant de la structure cédante que de la structure cessionnaire, ils ne pouvaient ignorer la sous-évaluation des actifs transmis, caractérisant ainsi la volonté de transférer de la valeur en franchise d'impôt.

Publié le lundi 22 décembre 2025 par La rédaction

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