Conventions de « management fees » : la plus grande vigilance s’impose

19/03/2015 Par Emmanuel DUVILLA
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Force est de constater qu’aujourd’hui encore, plus de deux ans après l’arrêt Mécasonic (1) du 23 octobre 2012 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, subsiste un réel doute dans l’esprit de nombreux professionnels du droit, du chiffre et de la finance sur la validité des conventions de prestations de services, conclues entre deux sociétés ayant un dirigeant commun, dénommées (parfois abusivement) de « management fees », répandues dans les groupes de sociétés et souvent utilisées dans les opérations de LBO.

Les prestations dites de « management fees » sont rendues et facturées par la société mère (appelée aussi holding de rachat dans le cadre de LBO) au profit d’une ou plusieurs sociétés filiales (ou société cible sous LBO).

Les conventions de « management fees » constituent souvent, dans les groupes de sociétés, un moyen pour elles de regrouper, mutualiser ou encore rationaliser certains services au sein d’une même structure ad hoc (en général la société holding tête de groupe). Elles permettent également d’activer la société holding, lui conférant ainsi sur un plan patrimonial le caractère de bien professionnel (au regard de l’ISF) ou encore de participer indirectement au remboursement du financement de la société cible (par le biais de la marge bénéficiaire pouvant être réalisée par la société holding sur les services facturés à sa ou ses filiales).

Il s’agit ainsi d’une pratique très répandue, consistant pour les sociétés à externaliser certains services administratifs (comptable, juridique, financier, marketing) ou encore des fonctions de direction qui est aujourd’hui susceptible d’être remise en cause eu égard à la jurisprudence récente, dont l’arrêt Mécasonic précité.

Cette jurisprudence, ayant déjà fait couler beaucoup d’encre, doit conduire les praticiens à la plus grande prudence dans la poursuite de la mise en place de conventions de prestations de services intragroupes, en respectant un certain nombre de préconisations, en particulier dans le cadre de LBO.

Avant de rappeler la portée réelle de cette jurisprudence (II), et d’exposer les préconisations qui s’imposent (III) ainsi que les solutions alternatives (IV), il convient de circonscrire ce que sont sensées recouvrir ces fameuses conventions de « management fees » (I).

 

I - Définition des management fees

Conséquence d’une anglicisation du monde des affaires, le terme « management fees » est effectivement utilisé depuis de nombreuses années et intégré dans le langage des professionnels du droit et du chiffre, dont les contours ne sont pas toujours faciles à cerner. Une distinction doit nécessairement être faite entre les prestations de services dites de pur « management » et celles dites « techniques » ou encore « spécifiques » ne relevant pas normalement des fonctions incombant à un dirigeant de société.

En pratique , sont souvent incluses dans les prestations de services en question, dites de « management », celles de direction générale, d’assistance administrative (notamment en matière comptable, juridique, financière, informatique, de ressources humaines ou encore de marketing), à la gestion ou à la direction, et/ou d’animation dans la détermination de la politique, de la stratégie du groupe que la holding anime parfois. Par définition, il s’agit de prestations relevant, en principe, des pouvoirs et missions dévolus par la loi et les statuts aux dirigeants de sociétés.

Ainsi, a contrario, les prestations de services dites « techniques » ou encore « spécifiques » ne devraient, en principe, pas, sous réserve d’abus de langage, être considérées comme des prestations de « management », soit comme relevant des pouvoirs et/ou fonctions incombant normalement aux mandataires sociaux.

Toutefois, la position de la Cour de cassation, par son arrêt Mécasonic commenté ci-après, laisse planer un réel doute sur la subsistance de l’intérêt d’une telle distinction.

Cela étant, il résulte de la jurisprudence récente, exposée ci-après, que c’est essentiellement lorsqu’elles sont conclues entre sociétés ayant un dirigeant commun que ces conventions de management fees encourent le risque d’être contestées et jugées nulles pour absence de contrepartie réelles, pouvant donner lieu à des sanctions juridiques, pénales ou encore fiscales importantes (acte anormal de gestion, perte du caractère animateur de la holding).

 

II - Portée de la jurisprudence récente

Quatre décisions, importantes en la matière, méritent d’être rappelées.

1 - Avant d’exposer les décisions récentes rendues en matière commerciale, il convient de rappeler, qu’en matière fiscale, une décision importante avait déjà marqué les esprits au sujet d’une convention de management fees conclue entre deux sociétés ayant un dirigeant commun.

Il s’agit de l’arrêt Gamlor (2) rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy qui, sur le fondement de l’acte anormal de gestion, a rejeté la déduction des sommes versées par une filiale à son holding au titre de « frais de présidence » d’une personne qui assumait les fonctions de P-DG au sein des deux sociétés, aux motifs que :

  • la société holding « n’a fourni aucune prestation de services distincte des activités que (cette personne) a déployées dans le cadre normal de ses fonctions de président directeur général » de la filiale,

  • et qu’ainsi « les versements effectués, ne correspondant à aucune prestations de services fournies » ne pouvaient « être regardées comme relevant d’une gestion normale de la société ».

La Cour a même précisé que la circonstance selon laquelle la filiale ne rémunère pas son dirigeant est sans incidence, le fait de renoncer à rémunérer son dirigeant constituant une décision de gestion qui est opposable à la filiale.

Il ressort de l’analyse de la jurisprudence fiscale que, depuis l’arrêt Gamlor, le juge fiscal est, dans certains cas, parfois réticent à admettre la déduction de prestations de « direction » réalisées par des personnes qui exerçaient concomitamment des fonctions de direction dans la société holding et dans la filiale au profit de laquelle ces prestations sont facturées (3) .

2 - Plus récemment, dans un domaine non fiscal, par un arrêt Samo Gestion en date du 14 septembre 2010 (4) , la Chambre commerciale de la Cour de cassation a annulé, pour absence de cause, une convention de prestations de services conclue entre deux sociétés (SA) ayant un dirigeant commun.

La convention en question définissait son objet dans selon les termes suivants : « l’action commerciale, la gestion industrielle, la gestion des ressources humaines, la gestion administrative et financière, stratégie générale, prestation de direction ». En outre, elle présentait la particularité de mettre à disposition d’une société son propre dirigeant, que cette dernière ne rémunérait pas en cette qualité.

Dans sa décision de rejet, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel de Paris selon laquelle, au cas d’espèce, il résultait des termes mêmes, « très étendus », de la convention définissant son objet :

« qu’elle faisait double emploi avec l’exercice des fonctions de direction » que pouvait accomplir le dirigeant de la société utilisatrice au sein de celle-ci, et « qu’elle revenait à rémunérer la société (prestataire) pour des prestations qui étaient accomplies (par ce dernier) au titre de ses fonctions sociales ».

Au regard des termes de cet arrêt, pouvant naturellement susciter un certain étonnement, la société de gestion et le Directeur général de la société utilisatrice seraient susceptibles, aux yeux de la Cour de cassation, de ne constituer qu’une seule et même personne (mettant ainsi à mal le principe d’autonomie de la personne morale). En outre, si le directeur général avait été, par ailleurs, rémunéré par la société utilisatrice des prestations (ce qui au cas d’espèce n’était pas le cas), le « double emploi » et l’absence de contrepartie réelles seraient moins discutables.Retour ligne automatique

Ce premier arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation pourrait, toutefois, ne pas être complètement surprenant dans la mesure où les faits jugés sont relativement proches de ceux de la décision Gamlor précitée. En revanche, le fondement juridique inédit d’absence de cause (de contreparties réelles), utilisé par la Cour pour justifier la remise en cause de la convention, pouvait légitimement susciter un certain étonnement, voire des critiques. Certains commentateurs ont d’ailleurs pensé à l’époque qu’il pourrait seulement s’agir d’un arrêt d’espèce. Or, depuis les deux décisions récentes qui ont suivi (ci-après commentées) ont démontré qu’il n’en est rien.

3 - Par un arrêt Mécasonic (5) , la Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en annulant pour absence de cause une convention conclue également entre deux sociétés ayant un dirigeant commun, qui cette fois, à la différence de la première décision, avait pour objet « des prestations consistant dans la création et le développement de filiales à l’étranger, l’organisation et/ou la participation à de salons professionnel, la définition de stratégie de vente dans les différents pays visés et la recherche de nouveaux clients à l’étranger ». Elle a prononcé l’annulation de la convention en cause aux motifs qu’elle constitue « une délégation à la société (prestataire) d’une partie des fonctions de décision, de stratégie et de représentation incombant normalement » au dirigeant de la société bénéficiaire des prestations « et qu’elle fait double emploi à titre onéreux pour cette société, avec lesdites fonctions sociales » de ce dernier.

Dans cette espèce , la Cour d’appel avait annulé la convention en question pour absence de cause malgré les arguments opposés par la requérante selon lesquels la convention avait été conclue pour décharger le dirigeant de la société bénéficiaire d’une partie de ses attributions et que sa rémunération de directeur général avait été corrélativement réduite de 40 %, pour tenir compte des prestations fournies par sa société unipersonnelle, de sorte que les prestations rendues ne faisaient pas double emploi avec celles du dirigeant de la société bénéficiaire car ce dernier ne les assumait plus et avait vu, de ce fait même, sa rémunération sensiblement réduite.

Ainsi, la Cour de cassation a considéré par cette décision que les prestations rendues, bien que pour certaines pouvant être assimilées à des prestations purement techniques (donc en principe non rattachables aux fonctions de direction), incombaient normalement au dirigeant de la société utilisatrice, et qu’en conséquence les obligations mises à la charge de cette dernière étaient dépourvues de contreparties réelles, justifiant l’annulation de la convention pour absence de cause. Implicitement, elle a considéré que les prestations de service en cause sont sensées, malgré l’existence d’une convention confiant cette mission à une société tierce, avoir été accomplies par le dirigeant de la société utilisatrice dans le cadre de l’exercice de son mandat social.

Pour certains éminents auteurs (6) , cette nouvelle décision conduit à s’interroger désormais plus généralement sur la validité de conventions, conclues entre deux sociétés ayant des dirigeants communs, ayant pour objet des prestations de services qui seraient réellement de nature distinctes de celles relevant normalement des pouvoirs d’un dirigeant. Une partie des prestations rendues, au cas d’espèce, est en effet considérée, par une partie de la doctrine, comme étant de nature purement « technique », distincte de « pures fonctions de direction », soit ne relevant pas à proprement parler des prérogatives que la loi attribue à un dirigeant de société mais allant bien au-delà, et ne rentrant ainsi pas en principe dans la catégorie des prestations qualifiées de management fees, parfois improprement dans la pratique.

4 - Cette question légitime subsiste d’autant plus que cette position jurisprudentielle vient d’être récemment confirmée par les juges du fond (7) , considérant qu’une convention d’assistance conclue entre deux sociétés ayant un dirigeant commun fait double emploi avec les missions dévolues à un dirigeant social alors même qu’une partie des prestations rendues (élaboration de montages juridiques et financiers) était réellement distincte de celles incombant normalement à un dirigeant de société.

Dans cette affaire, un directeur général d’une SAS avait fait conclure par cette dernière une convention d’assistance, de gestion et de management avec une entreprise individuelle de conseil qu’il dirigeait. La Cour d’appel de Paris a considéré, dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation, que cette convention constituait une délégation, au moins pour partie, des fonctions de direction, de gestion et de représentation confiées au dirigeant de la société bénéficiaire et utilisatrice des prestations.

Au regard des faits à l’origine des jurisprudences précitées (identité de dirigeants des deux sociétés parties à la convention), on peut logiquement se demander si le seul fait que les prestations fournies puissent être elles-mêmes matériellement réalisées par le dirigeant de la société utilisatrice, ne serait pas, aujourd’hui aux yeux des juges, constitutif d’une présomption d’absence de contreparties réelles de la rémunération desdites prestations, et par suite, rendrait annulable la convention pour absence de cause ?

Même si cette jurisprudence ne met pas un coup d’arrêt définitif aux management fees, elle fragilise néanmoins une pratique particulièrement utile dans les groupes de sociétés et les opérations de LBO. Elle est, pour le moins, susceptible de renforcer les réticences de l’administration fiscale à l’égard des conventions de management fees.

 

III - Préconisations

Au vu de cette jurisprudence récente, la plus grande vigilance est donc de rigueur lors de la mise en place de conventions de prestations de services entre deux sociétés ayant un dirigeant commun.

Les risques encourus sont effectivement nombreux en cas d’annulation de ladite convention :

  • Abus de biens social et action en comblement de passif à l’encontre du dirigeant en cas de défaillance de la société utilisatrice,

  • Abus de majorité,

  • Délit de fausses factures,

  • Acte anormal de gestion donnant lieu à réintégration du prix des prestations dans les bénéfices imposables de la société bénéficiaire des prestations,

  • Perte du caractère animateur de la holding et donc de l’exonération « bien professionnel » pour son dirigeant associé (perte réduction ISF (Madelin), exonération Dutreil),

  • Redressement URSSAF.

Pour limiter le plus possible le risque de contestation de la réalité (ou du tarif) des prestations facturées, certaines précautions se doivent d’être respectées.

A. En matière de fixation du prix des prestations

L’administration fiscale pourrait en effet rejeter, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, la déductibilité des prestations fournies dès lors que la société utilisatrice n’est pas en mesure d’apporter la preuve de la réalité de ces prestations, qu’elles sont conformes à l’intérêt social ou encore que leur prix facturé est excessif par rapport aux services rendus.

Pour éviter la remise en cause de la déduction des prestations de services intragroupes, les principes suivants doivent être respectés :

En application des dispositions prévues par l’article 39 du Code général des impôts , pour pouvoir être déduites du bénéfice imposable, les prestations fournies doivent être exposées dans l’intérêt des activités de la société utilisatrice et être assorties de justifications extracomptables permettant d’établir leur réalité et leur importance (8) . Si la société s’acquitte de cette obligation (par le biais notamment d’une convention explicite, de documents contractuels, de factures, de rapports, de la présence de salariés dédiés ayant les qualifications requises), la preuve de l’anormalité du coût des prestations (exagéré ou insuffisant) ou de leur fictivité incombera alors à l’administration fiscale, en cas de rejet de leur déduction par celle-ci (9) .

Le prix facturé ne doit pas présenter un caractère excessif (10) . Il se doit être normal, soit conforme à celui pratiqué pour une prestation identique sur le marché entre sociétés juridiquement indépendantes (la difficulté en pratique est d’ailleurs de trouver sur le marché des termes de comparaison pour certains types de prestations spécifiques à un domaine d’activité).

A l’inverse, les prestations de services ne doivent pas être rendues gratuitement ou à perte , sous peine d’être constitutives d’un acte anormal de gestion, pour la société qui les fournies et, d’être en conséquence réintégrées dans son bénéfice imposable (11) . Il est donc recommandé de prévoir une marge bénéficiaire pour la société prestataire (soit un prix supérieur au coût de revient). Toutefois, en pratique, la fixation de ce taux de marge demeure délicate. Elle doit, dans la mesure du possible, s’opérer sur la base de tarifs pratiqués par des entreprises indépendantes fournissant le type de prestations en cause (12) . Pour des prestations spécifiques ou propres à un secteur d’activité considéré, il est parfois difficile, voire impossible, de trouver sur le marché une norme dite « générale », ce qui dans un tel cas réduit très sensiblement les risques d’aboutissement de redressements motivés principalement par le caractère soi-disant excessif du taux de marge.

La rémunération des prestations de services peut être déterminée forfaitairement à condition que la réalité des prestations de services en cause puisse être justifiée. Toute méthode de répartition forfaitaire de la rémunération, fondée uniquement sur une formule préétablie, doit être évitée. La rémunération peut être calculée en fonction d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires de la filiale et ajustée postérieurement à la clôture des comptes. Des clés de répartition des coûts aux filiales peuvent également être fixées pour chaque type de service rendu afin de correspondre au mieux à la réalité : soit en fonction du temps passé (établissement de feuilles de temps conseillées), soit à défaut, en présence de prestations de caractère général, une répartition en fonction du chiffre d’affaires de la ou les filiales rapporté à celui du Groupe.

Au vu de ce qui précède, une vigilance particulière et une appréciation au cas par cas s’imposent lorsqu’il s’agit de déterminer le prix des prestations de services intragroupes, et ce, même si ces dernières concernent des sociétés appartenant au même groupe fiscal intégré (les pénalités fiscales encourues en cas de rejet n’étant pas neutralisées sur le plan de l’IS ni même la TVA déductible remise en cause).

B. En matière rédactionnelle

Un soin tout particulier ainsi qu’une réelle précision s’imposent également lors de la rédaction de ce type de convention.

L’utilisation de certains termes, pouvant faire « double emploi avec les fonctions ou missions incombant normalement au dirigeant de la société facturée, sont à proscrire.

Autrement dit, il faut éviter de facturer des services entrant dans le champ du mandat social. Les prestations réalisées ne doivent pas empiéter sur les missions normales dévolues au dirigeant de la société utilisatrice.

La convention doit, en effet, avoir pour objet des prestations de services distinctes de celles relevant normalement du mandat social ou de celles qui sont normalement confiées au dirigeant de la société utilsatrice en considération de l’activité spécifique de celle-ci, telles que des prestations qui pourraient être qualifiées de « purement techniques » ou considérées comme très spécifiques.

En outre, la prestation facturée doit évidemment correspondre à une réalité et venir en déduction de la rémunération, le cas échéant, versée par la société utilisatrice à son dirigeant ou associé qui est également dirigeant de la société prestataire. Aussi, la société utilisatrice ne doit pas rémunérer une autre personne pour la même prestation.

Attention , le fait pour la société utilisatrice, dite aussi opérationnelle (dans les groupes) de ne plus rémunérer son dirigeant est susceptible de poser des problèmes au regard de l’ISF (les titres détenus dans la société holding pouvant perdre leur caractère de biens professionnels). La société holding devra donc verser une rémunération normale à son dirigeant en contrepartie des prestations qu’il aura, au nom et pour le compte de celle-ci, directement rendu à la société utilisatrice (obligation pénalisante au regard de la taxe sur les salaires si la société holding est une SAS).

C. Mais aussi…

Il conviendra de respecter la procédure des conventions règlementées prévues en droit des sociétés, ainsi que les règles usuelles de facturation prévues par la loi.

Enfin, la société devra idéalement, pour pouvoir rendre des prestations substantielles, mobiliser des moyens matériels et/ou humains (non limités) en considération des montants des prestations facturées. Une réelle inadéquation entre les moyens utilisés et les montants facturés est à éviter.

Toutefois, en raison de l’incertitude résultant des jurisprudences susvisées, plus particulièrement de l’arrêt Mécasonic, pesant sur ce type de convention, ces précautions (prestations non rattachables aux fonctions de direction) ne sauraient, pour autant suffire, à écarter de manière certaine et définitive un risque de remise en cause de la réalité des prestations fournies ou encore du caractère excessif de leurs prix facturés.

Avant de décider de mettre en place une convention de prestations de services entre deux sociétés juridiquement liées (sous contrôle capitalistique commun ou ayant des dirigeants communs), une appréciation de la faisabilité doit se faire au cas par cas, en fonction de la nature des prestations et de l’importance des prestations que la société future utilisatrice souhaite externaliser, ainsi qu’en considération des moyens matériels et humains que la société prestataire sera susceptible de mobiliser pour l’exécution desdites prestations.

Il est d’ailleurs patent que si la société prestataire dispose d’un ou plusieurs salariés, voire d’une équipe, spécialement dédiés à l’exécution des prestations en cause, l’absence de contreparties réelles et le double emploi seront beaucoup plus difficiles, voire impossibles à démontrer.

IV - Solutions alternatives

Une solution alternative, permettant d’aboutir au même résultat, et au demeurant moins risquée, consiste à désigner la société prestataire en qualité de dirigeant de droit de la société utilisatrice des prestations. Cette solution suppose nécessairement, au regard de la loi en vigueur, que la société utilisatrice soit une SAS (étant rappelé qu’un dirigeant de SARL ou de SA ne peut être légalement qu’une personne physique et qu’une SAS, est par ailleurs, légalement libre d’organiser sa gouvernance) et que les statuts de celle-ci prévoit expressément cette faculté, soit que la Direction générale peut être assurée par une personne morale tierce liée à la société utilisatrice par un contrat.

En cas de choix de cette option, un certain formalisme devra, toutefois, être respecté. Sa mise en œuvre pourra utilement s’accompagner de la rédaction d’une convention précisant les prestations qui seront effectuées par la société mandataire social, préconisation permettant de renforcer, dans les groupes de sociétés, la preuve notamment du caractère animateur de la société holding au regard de l’ISF. En outre, le cumul de cette première option de rémunération du mandat social avec des prestations techniques est à proscrire pour éviter le double emploi.

Enfin, une autre solution alternative (ou de substitution), au demeurant peu connue et très peu usitée, pourrait être l’apport en industrie. Les prestations de « management » (apportées en industrie) seraient, dans ce cas, rémunérées par une quote-part des dividendes versés par la filiale utilisatrice (ne pouvant bénéficier du régime mère-filiale), étant rappelé que l’apport en industrie ne concourt pas à la formation du capital. En cas de mise en œuvre de cette seconde solution, un certain nombre de précautions, sur le plan juridique, devront être absolument respectées.

 

 


(1) C. com. 23 octobre 2012, n° 11-23.376 Mécasonic.

(2) CAA Nancy, 9 octobre 2003, n°98-2182, SA Gamlor.

(3) Notamment CAA Bordeaux 8 décembre 2005, Ste Moy Sanitaire, 8 décembre 2005, n°02-1646.

(4) C. com. 14 septembre 2010, n°09-16.084, Samo Gestion.

(5) C. com. 23 octobre 2012, n° 11-23.376 Mécasonic

(6) Notamment Hervé Kruger, La gestion fiscale des holdings, 1ère Edition 2014, Collection pratique d’experts Revue Fiduciaire ; Bruno Dondero, Professeur agrégé de la Faculté de droit de Paris I-Sorbonne, note Gaz. Palais 21-22 déc. 2012 p. 21, sous Cass. com. 23 oct. 2012.(7) CA Paris, 4 juillet 2013, RG n°11/06318, SAS Cahema.

(8) CE 20 avril 1984, n°37098 et 37099.

(9) CE 20 juin 2003, n°232832, Sté Etablissement Lebreton.

(10) CE 22 juin 1983, n°26240.

(11) CE 5 mars 1985, n°41396-41399 ; CE 3 juin 1992, n°85067, SARL Sovifram.

(12) CE 3 décembre 2010, n°310946, Société de produits pharmaceutiques et d’hygiène.

Chronique de Maître Emmanuel Duvilla du 18 mars 2015