Le juge de l'impôt nous rappelle les critères d'éligibilité au crédit d'impôt recherche « collection » (CIC), spécifique au secteur textile-habillement-cuir. Il ressort de cette décision que les modèles économiques qui reposent sur une sous-traitance de la fabrication, quand bien même la maîtrise de la création et du prototypage resterait interne sont exclus du crédit d'impôt sus-visé.
Pour mémoire, le crédit impôt collection (CIC) (Art. 244 quater B-II-h et i du CGI) logé au sein du CIR consiste en un crédit d’impôt de 30 % pour les dépenses de recherche jusqu’à 100 M€ puis de 5 % au-delà assis sur les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections par les entreprises du secteur textile-habillement-cuir et les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections confiées à des stylistes ou à des cabinets de style agréés, extérieurs à l’entreprise.
Sont seules concernées par ce crédit d’impôt les entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle.
Par un arrêt Antik-Batik, en date du 13 juin 2016 n°380490, le Conseil d’Etat a précisé qu’ « ont un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant ».
Puis la haute juridiction administrative a précisé dans son arrêt du 26 juin 2017, n° 390619 qu’en «adoptant ce crédit impôt recherche nouvelles collections, « le législateur a entendu, par l’octroi d’un avantage fiscal, soutenir l’industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d’impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l’habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d’une production dans le cadre de cette activité.»
Ainsi que l’a rappelé le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2016-609 QPC du 27 janvier 2017, le législateur a entendu, en créant le dispositif du crédit d’impôt « collection », soutenir l’industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections.
L'article 55 de la LF2025 a prorogé de trois ans le crédit d’Impôt collection (CIC) qui était, borné dans le temps jusqu’au 31 décembre 2024.
Rappel des faits :
Le litige opposait l'administration fiscale à la SAS L, une entreprise du secteur textile placée en liquidation judiciaire, représentée par son liquidateur. La société avait sollicité le bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B-II-h du CGI.
À l'issue d'un examen de comptabilité portant sur les exercices 2016 et 2017, l'administration a remis en cause ce crédit d'impôt. Le motif du redressement tenait à la nature même de l'activité de la société : le service vérificateur considérait que la SAS L ne revêtait pas le caractère d'une « entreprise industrielle », condition sine qua non pour bénéficier de ce régime spécifique.
Après un rejet de sa demande en première instance, la société a fait appel, soutenant qu'elle contrôlait l'ensemble du processus, de la création au contrôle qualité, et que seule l'étape de l'assemblage était sous-traitée.
La CAA de Paris vient de valider l'analyse de l'administration et de rejetter la qualification industrielle
- Les juges rappellent d'abord l'intention du législateur : soutenir l'industrie manufacturière et les systèmes intégrés alliant conception et fabrication. Pour être éligible, l'entreprise doit concourir directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers, et le rôle des installations techniques, matériels et outillages doit y être prépondérant.
Or, l'analyse des faits révèle que si la société concevait les collections et réalisait les prototypes, la phase de production (assemblage et finition) était intégralement sous-traitée.
La Cour s'appuie sur deux éléments pour rejeter l'activité industrielle.
- D'une part, la faiblesse des actifs industriels : les immobilisations techniques ne représentaient que 14 836 €, soit à peine 10 % des immobilisations corporelles, servant uniquement aux prototypes.
- D'autre part, la structure des charges : le poste de sous-traitance constituait la charge externe la plus lourde (plus de 60 % des charges externes et environ 25 % du chiffre d'affaires), dépassant même la masse salariale.
A cet égard, les charges de sous-traitance, qui s'élèvent à 473 073 euros en 2016 et 438 950 euros en 2017, soit 23,72 % et 26,20 % des chiffres d'affaires de ces exercices, représentent 73,45 % et 63,51 % des charges externes, ce poste étant le plus important après les achats de matières premières et avant les salaires, qui s'élèvent à 299 393 euros en 2016 et 243 039 euros en 2017.
La Cour a refusé de considérer la maîtrise intellectuelle (création, patronage) et le contrôle qualité comme des substituts suffisants à la fabrication physique. Pour le juge, dans le cadre spécifique de l'article 244 quater B du CGI, l'absence de participation directe à la phase de transformation manufacturière de série prive l'entreprise du label industriel.
La SAS Lady Lol, qui ne fabrique pas elle-même les vêtements qu'elle conçoit et qu'elle commercialise, et dont elle confie la production à ses sous-traitants, ne peut dès lors être regardée comme une entreprise exerçant une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir, au sens des dispositions précitées du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Par ailleurs, la Cour a jugé que le fait que la société L ait bénéficié du crédit d'impôt lors d'exercices antérieurs sans redressement, ou que des concurrents (comme la société In Carnation citée par la socité L) aient obtenu gain de cause, était inopérant.
Cet arrêt confirme une jurisprudence constante. Le crédit d'impôt collection n'est pas une aide à la création de mode, mais une aide à l'industrie manufacturière. Les maisons de prêt-à-porter qui fonctionnent sur un modèle de « donneur d'ordre » avec une fabrication délocalisée ou externalisée sont exclues du dispositif, même si elles disposent de leur propre bureau de style.
Attention au ratio « matériel industriel / charges de sous-traitance »