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Crédit d'impôt recherche : la liberté de choix entre remboursement immédiat et différé pour les PME

Le juge de l'impôt reconnait, en matière de crédit d'impôt recherche (CIR) que le régime de remboursement immédiat prévu par l'article 199 ter B du CGI  constitue une faculté et non une obligation pour les entreprises éligibles

 

 

Pour mémoire, l'article 199 ter B du CGI institue un double régime de remboursement des créances de CIR, offrant des modalités différenciées selon la nature et la taille de l'entreprise bénéficiaire.

 

Le régime de droit commun prévoit que le crédit d'impôt est d'abord imputé sur l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue une créance sur l'État qui peut être utilisée pour le paiement de l'impôt dû au titre des trois années suivantes. La fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période quadriennale.

 

Le paragraphe II de l'article 199 ter B institue un régime dérogatoire accordant un remboursement immédiat de la créance à certaines catégories d'entreprises. Cette faveur vise notamment les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée par le règlement européen n° 651/2014 du 17 juin 2014. Ce régime dérogatoire vise à améliorer la trésorerie des PME, souvent contraintes financièrement dans leurs investissements de R&D

 

Rappel des faits :

L'Institut Coopératif du Vin, union de sociétés coopératives agricoles proposant divers services à ses adhérents vignerons, se trouve au cœur d'une structure incluant un GIE. Cette entité détenait 93,63 % du capital du groupement ICV-VVS, formé avec sa filiale Vignobles Vins Services, spécialisé dans les opérations de recherche.

Au titre de l'année 2016, le groupement ICV-VVS a déclaré des dépenses éligibles au CIR et au CII pour un total de 62 461 €. Conformément à sa quote-part dans le groupement, l'ICV a déclaré un CIR de 46 335 € et un CII de 12 148 €, soit un total de 58 483 €.

L'Institut, qualifié de PME au sens du règlement européen de 2014, remplissait donc les conditions pour bénéficier du remboursement immédiat prévu l'article 199 ter B-II du CGI. Cependant, il n'a pas sollicité ce remboursement immédiat ni manifesté son intention d'en bénéficier.

Au lieu de cela, l'Institut a choisi d'utiliser sa créance selon le régime de droit commun, imputant une partie du CIR sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2020. Spécifiquement, la somme de 2 127 € a été imputée, laissant un solde de créance non utilisée.

Par des demandes des 10 novembre et 16 décembre 2020, l'ICV a sollicité la restitution de ses créances de CIR/CII. Ces demandes intervenaient après l'expiration de la période quadriennale d'imputation prévue par le régime de droit commun.

L'administration fiscale a rejeté ces demandes par une décision du 4 juin 2021, invoquant leur tardiveté. Cette position reposait sur l'idée que l'Institut, en qualité de PME éligible au remboursement immédiat, aurait dû solliciter ce remboursement dans les délais prévus pour le régime dérogatoire.

Saisi par l'ICV, le TA de Montpellier a, par un jugement du 3 juillet 2023, rejeté la demande de restitution. Le tribunal a considéré que l'Institut, éligible au remboursement immédiat, ne pouvait invoquer le régime de droit commun pour étendre les délais de réclamation. L'ICV a fait appel de la décision.

 

L'ICV se prévaut de la liberté de choix entre les deux régimes de remboursement prévus par l'article 199 ter B. Il soutient que les dispositions du paragraphe II, ouvrant droit au remboursement immédiat, ne le privent pas de la possibilité de bénéficier du régime de droit commun prévu au paragraphe I. Concernant les délais de réclamation, l'Institut soutient que sa demande de remboursement, présentée dans le délai prévu par l'article R. 196-1 du LPF, n'était pas tardive. Il considère que ce délai devait courir à compter de la date à laquelle la créance était devenue restituable en application de l'article 199 ter B-I, soit à l'expiration de la période quadriennale d'imputation.

 

La Cour vient d'annuler le jugement du TA de de Montpellier

 

 

Pour la Cour, qu'elles soient présentées sur le fondement du paragraphe I ou du paragraphe II de l'article 199 ter B, les demandes de remboursement de CIR constituent des réclamations préalables au sens de l'article L. 190 du LPF

 

Concernant la détermination du point de départ des délais

  • Pour le régime de remboursement immédiat

S'agissant du régime dérogatoire, la Cour a précisé que l'événement générateur du droit à remboursement est caractérisé par la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû au titre du premier exercice d'imputation possible. Dans le cas de l'Institut, cet événement était intervenu au plus tard le 15 novembre 2017, date limite de dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés.

Cette analyse conduit à faire courir le délai de réclamation de deux ans à compter de cette date, soit jusqu'au 31 décembre 2019 pour une créance constatée au titre de l'année 2016. L'Institut n'ayant pas sollicité le remboursement immédiat dans ce délai, il était effectivement forclos pour invoquer ce régime.

  • Pour le régime de droit commun

Concernant le régime de droit commun, la Cour a considéré que le délai de réclamation court à compter de la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice marquant l'expiration de la période quadriennale d'imputation. Pour l'Institut, cet événement était survenu au plus tard le 15 novembre 2020. Cette analyse permet de valider la recevabilité de la demande de remboursement présentée le 16 décembre 2020, soit dans le délai de deux ans prévu par l'article R. 196-1.

 

Concernant le principe de liberté de choix entre les régimes

Pour la Cour, le régime de remboursement immédiat ne fait pas obligation aux entreprises éligibles d'en faire usage. 

 

Les juges ont souligné que les dispositions du paragraphe II constituent une faculté offerte aux PME pour améliorer leur trésorerie, mais ne privent pas ces entreprises de la possibilité de se placer sous le régime de droit commun. Cette interprétation libérale reconnaît l'autonomie de gestion des entreprises dans l'optimisation de leurs crédits d'impôt.

 

Contrairement à ce que soutient le ministre en défense, les dispositions du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, qui instituent un droit au remboursement immédiat en faveur des entreprises qu'elles visent, ne font pas obligation à ces dernières d'en faire usage. Il était donc loisible à l'Institut Coopératif du Vin de se placer dans le cas prévu par les dispositions du I de l'article 199 ter B du code général des impôts et de ne solliciter le remboursement de sa créance qu'à l'expiration d'une période d'imputation quadriennale.

 

La Cour estime qu'il était loisible à l'Institut de se placer dans le cas prévu par l'article 199 ter B-I et de ne solliciter le remboursement qu'à l'expiration de la période quadriennale d'imputation.

 

Sur cette base, la Cour a conclu que la demande de remboursement de l'Institut, présentée en application de l'article 199 ter B-I, n'était pas tardive. Afin d'éviter double avantage pour le contribuable, la Cour a, s'agissant de l'étendue de la restitution, déduit du montant réclamé la somme de 2 127 € effectivement imputée sur l'impôt sur les sociétés.

 

Publié le mardi 10 juin 2025 par La rédaction

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