Dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 155 A du CGI conforme à la Constitution sous une réserve.
Selon un procédé devenu fréquent, les sommes destinées à rémunérer les prestations de certaines personnes (professionnels du sport et du spectacle, en particulier) ne sont pas versées directement à celles-ci, mais à des sociétés établies à l’étranger dont la fonction apparente consiste à fournir les services de ces personnes. Cette pratique a pour but de soustraire à l’application de l’impôt français la majeure partie des rémunérations en cause.
Il en est ainsi notamment lorsque la personne, domiciliée en France, prestataire de services accomplis en France ou à l’étranger, apparaît juridiquement en qualité de salarié d’une société établie hors de France et le plus souvent dans un pays où le niveau réel d’imposition est faible.
En effet, dans une telle situation, les sommes destinées à rémunérer les prestations sont versées en totalité à la société étrangère qui n’en reverse qu’une faible partie, à titre de salaires, au prestataire réel des services. Seules ces dernières sommes, qualifiées de salaires, sont imposées en France tandis que la majeure partie de la rémunération échappe à l’application de l’impôt français et n’est soumise dans le pays du siège de la société qu’à une charge fiscale par hypothèse faible ou modérée (Doctrine administrative 5 B-640 du 31 mars 2001).
Le législateur est venu mettre un terme à cette « évasion fiscale internationale » en créant un texte codifié sous l’article 155 A du CGI (Article 18 de la loi de finances pour 1973, article 71 de la loi de finances pour 1980, article 30-II-2 de la loi de finances pour 1990).
L’article 155 A dispose
Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :
- soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;
- soit, lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;
- soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l’article 238 A. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France.
La personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Pierre-Yves M. et portant sur l’article 155 A du CGI.
Le requérant soutenait notamment que cet article crée une rupture de l’égalité devant les charges publiques.
Le Conseil constitutionnel a relevé que l’article 155 A vise, dans des cas limitativement énumérés, lorsqu’une rémunération a été versée à l’étranger, aux fins d’éluder l’imposition en France, à imposer cette rémunération. Le législateur a entendu mettre en œuvre, par des critères objectifs et rationnels, l’objectif constitutionnel de lutte contre l’évasion fiscale.