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Droits de mutation et Dutreil

Loueur d’établissements commerciaux ou industriels équipés : une activité commerciale finalement « Dutreillable » ?

La juridiction judiciaire vient de rendre une nouvelle décision qui vient semer le trouble quant au caractère « Dutreillable » de l’activité de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation (que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie) qui, sur le fondement de l'article 35 du CGI constitue une activité commerciale.

 

Pour mémoire, depuis les derniers commentaires BOFIP en date du 21 décembre 2021, pour apprécier la nature des activités éligibles à l'exonération Dutreil (Art. 787 B du CGI) l’administration renvoie expressément aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l’assiette de l’IFI BOI-PAT-IFI-20-20-20-30 ).

L’administration précise dans ses commentaires administratifs :

Ainsi, les activités commerciales s’entendent, pour les besoins de l’application de l’article 787 B du CGI, de celles mentionnées à l’article 966 du CGI. Sont donc considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier.

Sont ainsi exclues toutes les activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier, y compris celles mentionnées à l’article 34 du CGI ou à l’article 35 du CGI (II § 90 du BOI-PAT-IFI-20-20-20-30). Tel est le cas notamment :

  • des activités de location de locaux nus, quelle que soit l’affectation des locaux ;
  • des activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ;
  • des activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation ;
  • des activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles.

 

Cette précision avait ainsi clos le débat de la dutreillabilité de la location meublée, qu'un parlementaire semble vouloir rouvrir.

 

Rappel des faits :

M G Y et Mme L M N épouse Y, aujourd’hui décédés, ont procédé en 2008 ensemble et en 2010 pour la seconde seule, à deux donations à titre de partage anticipé, de la toute prorpiété de parts sociales des sociétés à responsabilité limitée C, CF1 et FVH en faveur de leur quatre enfants, M. F Y, Mme D A et M. C-T Y.

A ce titre, ont été établis un acte notarié du 02 août 2008 enregistré le 27 août 2008 et un acte notarié des 12 et 13 janvier 2010 enregistré le 15 janvier 2010, par lequels les parties de prévalaient de l’exonération Dutreil de l’article 787 B du CGI.

Se prévalant du délai de prescription de six ans prévu par l’article L 186 du LPF, l’administration a remis en cause l’activité commerciale de marchand de bien des trois sociétés fondant l’exonération partielle dont les parties déclaraient bénéficier et a rectifié l’assiette des droits d’enregistrement.

L’administration a considéré que les 3 exerçaient une activité au caractère exclusivement civile et non une activité commerciale de marchand de biens. L’administration s’est fondée sur un faisceau d’indices tel que le financement à long terme et l’absence de revente.

Suite au rejet de leur réclamation contentieuse les parties ont saisi le tribunal judiciaire de Paris qui a donné raison à l’administration fiscale. Les contribuables ont fait appel de la décision. La Cour a confirmé le jugement du Tribunal de Paris. En effet, la cour d’appel de Paris rejeté les prétentions des redevables qui soutenaient que la prescription triennale s’appliquait à l’action visant à remettre en cause le statut de marchand de biens de la société. Les juges ont considèré que l’administration avait dû procéder à des recherches ultérieures pour découvrir l’inexactitude des déclarations effectuées par les redevables dans l’acte et constater que la seule activité réellement exercée était de nature patrimoniale ce qui entrainait l’exclusion de la société du champ d’application du dispositif Dutreil.

 

Les donataires se sont pourvus en Cassation. Ils font valoir :

« qu’exerce une activité commerciale la société qui donne en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation ; qu’en se bornant à relever que l’activité principale de marchand de biens des sociétés CFI, Comaco et FVH n’était pas démontrée pour en déduire que les consorts [C] ne pouvaient bénéficier de l’exonération partielle en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée si la société CFI n’exerçait pas une activité de location équipée, constituant une activité commerciale à part entière au sens de l’article 35, I, 5°, du code général des impôts, la rendant éligible au régime de faveur de l’article 787 B du code, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des deux textes susvisés. »

 

La Cour de Cassation vient de faire droit à leur demande.

 

A l'époque nous avions, dans un article, évoqué l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris mais sous l'angle de la prescription. M° Jean-François Desbuquois avait, quelques semaines plus tard commenté cette décision toujours sous ce même angle.

 

La Cour de Cassation souligne qu'il résulte de l'article 35 du CGI :

que constitue une activité commerciale l’activité de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie.

Puis précise que :

Pour rejeter les demandes de MM. [T] et [P] [C] et de Mmes [E] et [H] [C], l’arrêt retient que la proposition de rectification est justifiée en tant qu’elle a écarté la qualification d’activité de marchand de biens des sociétés Comaco, CFI et FVH. Il ajoute que ceux-ci ne se prévalent ni d’une activité commerciale indépendamment de celle de marchand de biens ni d’une activité mixte susceptible d’autoriser l’exonération partielle litigieuse.

 

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date des donations-partage, la société CFI n’exerçait pas l’activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B du même code, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

La Cour reproche aux juges de la Cour d'Appel de ne pas avoir recherché si, à la date de la DP, la société dont les titres ont été transmis n'exerçait pas une activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels équipés susceptible de bénéficier de l'exonération Dutreil.

 

Ainsi en contradiction avec la doctrine BOFIP précitée, la Cour de Cassation semble considérer que l'activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation est une activité Dutreillable sur le seul fondement de la loi (Art. 35-1 du CGI)... les prémices d'un revirement sur la non dutreillabilité de l'activité meublée ?

 

Affaire à suivre...

Publié le mardi 6 juin 2023 par La rédaction

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