Cette décision illustre les conditions d'application du dispositif de l'abus de droit fiscal et de la qualification d'avantages occultes, dans un contexte de cession d'entreprise et de versement d'indemnités de licenciement à un dirigeant.
L'article L. 64 du LPF permet à l'administration d'écarter les actes constitutifs d'un abus de droit, soit en raison de leur caractère fictif, soit qu'ils recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes contraire aux objectifs poursuivis par le législateur. Dans le cas présent, c'est le caractère fictif de l'acte qui est en cause.
Quant à la qualification fiscale des sommes versées, l'article 111-c du CGI considère notamment comme revenus distribués "les rémunérations et avantages occultes". La jurisprudence précise qu'un avantage sans contrepartie doit être qualifié de libéralité constituant un avantage occulte, même lorsque l'opération est régulièrement comptabilisée, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
Rappel des faits :
M. A était initialement gérant de la SARL NC depuis 2006, puis est devenu président lorsqu'elle a été transformée en SAS. Il a été révoqué de ce mandat social le 27 mai 2015. Jusqu'en mars 2015, il contrôlait entièrement cette société, directement et indirectement via l'EURL A dont il était l'unique associé.
Entre mars et août 2015, M. A a cédé ses parts dans la SAS NC et dans l'EURL A à ses sœurs, pour un prix unitaire symbolique d'un euro. Le 12 juin 2015, peu après ces cessions, un licenciement lui a été notifié pour son prétendu emploi salarié de directeur juridique. Un protocole transactionnel a été signé le 29 mars 2016, prévoyant le versement d'indemnités.
À la suite d'un ESFP au titre des années 2016 et 2017, l'administration a requalifié les sommes perçues en exécution de ce protocole transactionnel (364 404 € au total) en RCM, sur le fondement de l'article 111-c du CGI. Cette requalification était motivée par le fait que M. A ne pouvait justifier avoir été salarié de la société et qu'il en était resté le dirigeant de fait.
Après plusieurs échanges contradictoires et entretiens, l'administration a accepté de déduire de la base des rectifications la somme de 73 296 €, déjà soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, et a abandonné la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses initialement appliquée. Les cotisations supplémentaires ont été mises en recouvrement en avril et juin 2021. La réclamation préalable du contribuable a été rejetée le 25 octobre 2022. M. A a saisi la juridiction administrative.
Sur le fond M.A :
- conteste être resté dirigeant de fait de la société après sa révocation, remettant ainsi en cause le caractère fictif de son licenciement.
- considère que les sommes perçues ne pouvaient être qualifiées d'avantages occultes au sens de l'article 111-c du CGI, puisqu'elles avaient été inscrites en comptabilité avec identification du bénéficiaire et déclarées fiscalement.
- soutient que l'administration n'avait pas correctement tenu compte des sommes déjà déclarées en tant que salaires en 2016 et 2017, conduisant à une double imposition.
L'administration fiscale, quant à elle, maintient la fictivité du licenciement et la qualification d'avantages occultes, malgré la comptabilisation des sommes en cause.
Le tribunal administratif a rejeté l'ensemble des arguments de M.A
Concernant l'abus de droit fiscal, le tribunal a relevé un faisceau d'indices convergents démontrant le caractère fictif du licenciement :
- L'absence de lien de subordination caractérisant une situation de salariat, M. A ayant été le détenteur direct et indirect de la totalité du capital social;
- La cession de ses parts sociales à ses sœurs pour un prix unitaire symbolique d'un euro, concomitamment à son "licenciement", alors que la valeur nette de la société a été estimée à 372 660 € lors de la transmission universelle de patrimoine intervenue un an plus tard;
- L'incapacité des sœurs de M. A à expliquer les raisons et modalités de son licenciement, l'une d'elles ayant reconnu que le protocole transactionnel avait été élaboré par M. A lui-même;
- Le maintien de liens opérationnels entre la société et M. A, notamment par la réexpédition du courrier adressé à la société vers une autre entité contrôlée par lui et la sous-traitance de l'activité à des sociétés qu'il dirigeait.
Sur la qualification fiscale des sommes versées, le tribunal a jugé que le caractère fictif du licenciement conférait aux indemnités versées le caractère de libéralité, justifiant leur imposition en tant qu'avantages occultes au sens de l'article 111-c du CGI, nonobstant leur comptabilisation régulière. Le tribunal a précisé que cette comptabilisation, présentant ces sommes comme des indemnités transactionnelles et non comme une libéralité, ne révélait pas leur véritable nature.