Selon la jurisprudence établie en matière de cession de titres non cotés (notamment CE 28 février 2010 n°199295) , l’administration fiscale peut valablement constater un avantage occulte lorsqu’il existe un écart entre le prix consenti par une société lors de la cession de titres non cotés et leur valeur vénale. (Arrêts du CE du 31 mars 2010 n°297306 et n°297307)
Cet alerte a été rédigé par Sophie Jouniaux avocate au cabinet Baker & McKenzie.
Dans ce cas, l’administration est fondée à redresser le cessionnaire considéré comme ayant bénéficié d’un revenu distribué sur le fondement de l’article 111 c du CGI.
En principe , la valeur vénale des titres doit être appréciée compte-tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date de la cession.
Dès lors, un écart de prix constaté entre le prix convenu dans la transaction en question et celui pratiqué dans d’autres transactions portant sur les mêmes titres ne suffit pas à lui seul à établir l’existence d’une distribution occulte. Encore faut-il que cet écart soit «significatif ».
Dans deux arrêts récents, le Conseil d’Etat (CE) a eu l’occasion de préciser cette notion d’écart significatif entre le prix pratiqué lors de la cession de titres non cotés et la valeur vénale de ces titres.
Dans le deuxième arrêt (CE n°297307), le CE a considéré qu’un écart de 14.75% entre le prix de cession consenti par une société pour la cession de titres non cotés à l’un de ses associés et le prix auquel cet associé les a revendus sur le marché n’était pas significatif et ne pouvait donc pas être considéré comme un avantage occulte constitutif de revenus distribués.
Le CE n’a toutefois pas précisé qu’elles seraient les limites de cet écart mais selon les conclusions du rapporteur public dans un autre arrêt du CE en date du 3 juillet 2009, un écart significatif pourrait être constaté dès lors que le prix s’écarterait d’au moins 20% de la valeur vénale estimée.
Toutefois, à supposer que cette limite de 20% puisse être retenue comme référence , l’avantage occulte ne sera pas nécessairement caractérisé dès lors qu’il y a un écart de 20% entre le prix de cession et la valeur vénale estimée de ces mêmes titres.
En effet, afin d’apprécier si le prix de cession des titres correspond bien à leur valeur vénale ou du moins ne s’en écarte pas significativement, il est nécessaire de tenir compte de l’ensemble des conditions et des termes de la transaction , tel que par exemple l’existence d’une clause spécifique de garantie de prix de l’action. Ainsi, dans le premier arrêt (CE n°297306), l’écart de prix entre les transactions était de 92%.
Toutefois, les juges ont refusé de considérer qu’il y avait avantage occulte dans la mesure où le prix payé dans le cadre de la cession de titres avec le tiers, manifestement supérieur à celui payé pour la cession de ces mêmes titres entre la société et son associé, tenait compte de la stipulation d’une clause de garantie de prix de l’action au profit du tiers et du risque d’appel de cette garantie, garantie, qui comme le note le CE, a d’ailleurs été mise en oeuvre ultérieurement.
Points à retenir
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Seuls des écarts significatifs entre les prix des cessions de titres non cotés peuvent caractériser l’octroi d’avantages occultes
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Même dans l’hypothèse de tels écarts, c’est l’ensemble des conditions et des termes de la transaction qu’il faut apprécier pour conclure à une libéralité taxable chez le cessionnaire