Alors que l'article 2 du PLF 2026 a acté vendredi la prolongation de la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR), l'adoption, ce jour, d'un nouvel amendement est venue en transformer radicalement sa nature et sa portée. Partant d'un constat d'échec (seuls 24 300 foyers sur 62 500 théoriquement éligibles sont redevables) l'amendement en question vise à "restaurer la cohérence" de cette taxe en supprimant les niches et retraitements qui la vidaient de sa substance. Soutenu par une alliance de circonstance allant de LFI au RN, l'amendement a été adopté malgré l'opposition du Gouvernement et du Rapporteur général.
En pratique, cet amendement est une refonte du mécanisme de la CDHR (Art. 224 du CGI), bien plus qu'un simple ajustement. Il vise à la rendre quasi-inévitable pour les foyers visés (RFR > 250 000 € pour un célibataire / 500 000 € pour un couple) en s'attaquant à trois failles relevées par l'auteur de l'amendement Charles de Courson.
Ce dernier a ouvert le débat en posant le diagnostic : la CDHR est inefficace car elle est "mitée" par des exceptions. Sur 62 500 foyers ciblés, plus de la moitié y échappent. Son amendement s'attaque à 3 failles du dispositif :
- L'incohérence de l'assiette : Il juge "extraordinaire" que l'assiette de la CDHR soit plus étroite que celle de la CEHR (Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus). L'amendement propose de substituer au revenu de référence spécifique actuellement défini à l'article 224 du CGI le revenu fiscal de référence tel qu'il est utilisé pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Le revenu fiscal de référence présente l'avantage d'être une notion déjà établie, régulièrement utilisée pour déterminer l'éligibilité à divers dispositifs fiscaux et sociaux, et dont le calcul est parfaitement maîtrisé par l'administration
- La neutralisation des niches fiscales : C'est le cœur de la réforme. Actuellement, les contribuables peuvent utiliser des réductions et crédits d'impôt (dons, Pinel, investissements...) pour gonfler artificiellement leur "taux effectif d'imposition" au-dessus de 20 % et ainsi échapper à la CDHR, tout en payant très peu d'impôt. L'amendement supprime cette possibilité : le taux effectif sera calculé avant l'application de ces niches.
- L'amendement supprime les abattements de 12 500 € (couple) et 1 500 € (enfant), qui réduisaient la base taxable.
Soulignons que l'amendement adopté transforme également le mécanisme de décote destiné à éviter les effets de seuil. Le dispositif actuel prévoit une décote complexe calculée en fonction de la différence entre le revenu du contribuable et les seuils de 250.000 € ou 500.000 €. L'amendement propose de remplacer ce mécanisme par une formule simplifiée : la contribution serait réduite de 22,5% de la différence entre 330.000 € pour un célibataire ou 660.000 € pour un couple et le revenu du contribuable.
Le Gouvernement (Roland Lescure) et le Rapporteur (Philippe Juvin) ont émis chacun un avis défavorable
Si le Ministre a reconnu que M. de Courson avait raison "sur le fond" (parlant de "pureté réglementaire"), il a émis un avis défavorable pour deux raisons :
- Le coût : il chiffre le gain de l'amendement à 400 ou 450 M€, le présentant non pas comme un gain pour l'État, mais comme un "alourdissement" de la facture fiscale.
- L'instabilité : il a plaidé pour la "stabilité" des règles, même pour un impôt exceptionnel, afin d'éviter "l'incompréhension des contribuables".
Le ministre, de son côté, a :
- affirmé que si peu de gens payaient, c'est parce que la majorité des foyers éligibles payaient déjà plus de 20 % (25, 30, 35 %). La CDHR ne serait qu'une "voiture-balai" ;
- averti que l'amendement toucherait des niches "professionnelles" (ex: brevet) et des investissements comme le dispositif Pinel, créant une injustice pour ceux ayant investi sous les présidences Hollande ou Macron ;
- soulevé un risque d'inconstitutionnalité.
La gauche a logiquement soutenu cet amendement de justice fiscale, M. Le Coq dénonçant l'immobilisme du Gouvernement face à "un dispositif qui ne fonctionne pas". Le RN a également soutenu cet amendement, le jugeant "techniquement remarquable" et nécessaire pour que l'impôt soit "conforme à ce qui a été annoncé". M. Tanguy a balayé le risque constitutionnel, le renvoyant à une correction en Commission Mixte Paritaire (CMP).
D'une mesure symbolique et largement inefficace en 2025, la CDHR devient, pour 2026, un outil de taxation minimale bien plus redoutable Combiné aux amendements sur sa durée (I-3358 et I-1467), l'Assemblée a non seulement rendu cette taxe permanente (ou du moins, de très longue durée), mais elle s'est aussi assurée qu'elle serait difficile à contourner.
Défendant son amendement face aux critique du Ministre Lescure, M. De Courcon a souligné :
On ne touche ni au taux ni au seuil, on se contente simplement de rétablir une cohérence entre la CEHR et la CDHR. C’est simple et cela peut rapporter, d’après le rapporteur général, 450 millions d’euros. Ce n’est pas révolutionnaire mais cela introduit de la justice dans le système. Je ne vois donc aucune raison de se disputer sur cette affaire.
L'amendement a été adopté par 192 voix pour et 48 contre sur 245 votants.
Affaire à suivre...