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Impôt sur le revenu

La correction en ligne effectuée après l'expiration du délai de déclaration des revenus constitue une réclamation contentieuse

Pour le juge de l'impôt les corrections en ligne "Télécorrection" effectuées par les contribuables après l'expiration du délai légal de déclaration constituent de véritables réclamations contentieuses.

 

Pour mémoire, en matière de procédure l'article 170 du CGI impose à toute personne imposable à l'impôt sur le revenu de souscrire une déclaration détaillée de ses revenus.

 

L'article L. 190 du LPF définit quant à lui la juridiction contentieuse comme celle à laquelle relèvent les réclamations tendant à obtenir :

soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire.

 

L'article R. 190-1 du LPF précise la procédure de réclamation contentieuse.

 

Pour rappel, le 14 novembre dernier le Conseil d'Etat a jugé qu'une déclaration rectificative déposée après l'expiration du délai de déclaration constitue, par elle-même, une réclamation contentieuse préalable

 

Rappel des faits :

Les époux AB avaient conclu entre 2013 et 2017 plusieurs contrats de prêt participatif avec la société de droit espagnol P. Au titre de la rémunération de certains de ces prêts conclus entre 2014 et 2016, ils ont perçu en 2016 des intérêts qu'ils ont initialement déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour un montant de 692 069 €.

Ultérieurement, à la suite de l'ouverture d'une enquête pénale visant le gérant de la société espagnole pour une fraude d'ampleur (consistant à utiliser les fonds prêtés par certains investisseurs pour rémunérer et rembourser les prêts consentis par d'autres), les contribuables ont cherché à corriger leur déclaration. Le 22 août 2017, ils ont signalé via la messagerie de leur espace particulier sur le site impots.gouv.fr leur intention de recourir au dispositif de "correction en ligne" mis en place par l'administration, puis ont entrepris le 21 novembre 2017 de ramener le montant déclaré à 5 012 €.

L'administration fiscale a considéré que la première de ces démarches constituait une réclamation contentieuse et l'a rejetée. Les contribuables ont alors saisi le TA de Melun, qui a rejeté leur demande par un jugement du 8 juillet 2020.

Par un arrêt du 23 décembre 2021, la CAA de Paris a annulé ce jugement et fait droit aux demandes des époux AB. Cet arrêt a lui-même été annulé par le Conseil d'État le 18 octobre 2022, qui a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Statuant sur renvoi, la CAA de Paris a, par un arrêt du 28 juin 2024, accueilli la demande des contribuables pour l'année 2016, estimant que l'imposition devait être établie sur la base des montants corrigés et qu'il appartenait à l'administration, si elle entendait remettre en cause ces bases, d'engager une procédure de rectification.

 

C'est contre cet arrêt que le ministre s'est pourvu en cassation.

  • Les époux AB soutiennent que leur démarche de correction en ligne, effectuée dans le cadre du dispositif de "télécorrection" mis en place par l'administration fiscale en 2017, ne constituait pas une réclamation contentieuse mais une simple correction de leur déclaration initiale. Ils en déduisaient que l'administration ne pouvait pas établir l'imposition sur la base des revenus initialement déclarés sans engager préalablement une procédure de rectification. Sur le fond, ils contestent le caractère imposable en France des intérêts perçus en 2016.
  • De son côté, l'administration fiscale considére que la correction en ligne effectuée par les contribuables après l'expiration du délai légal de déclaration constituait une réclamation contentieuse au sens de l'article L. 190 du LPF. Elle en déduisait qu'elle était en droit d'établir l'imposition sur la base des revenus initialement déclarés, sans être tenue d'engager une procédure de rectification. Sur le fond, elle soutient que les intérêts perçus en 2016 par les contribuables, résidents fiscaux français, au titre des prêts participatifs consentis à une société espagnole, sont imposables en France dans la catégorie des RCM, conformément aux dispositions des articles 4 A, 124 et 125 du CGI, ainsi qu'aux stipulations de la convention fiscale franco-espagnole.

 

Le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêt de la CAA de Paris et, statuant au fond vient de rejeter l'appel des contribuables.

 

 

Le Conseil d'État estime qu'une :

déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable au sens et pour l'application de ces dispositions lorsqu'elle a été déposée auprès de l'administration fiscale après l'expiration du délai de déclaration

Partant, pour la haute juridiction, la correction en ligne effectuée par les époux AB après l'expiration du délai de déclaration des revenus de l'année 2016 constituait bien une réclamation contentieuse, sans que puisse avoir d'incidence le communiqué du ministre de l'action et des comptes publics du 21 juillet 2017 annonçant l'ouverture d'un service de correction en ligne. Ce communiqué, ne comportant que des énonciations relatives à la procédure d'imposition, ne saurait contenir d'interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF.

 

Il en résulte que l'administration pouvait régulièrement établir l'imposition sur la base des revenus initialement déclarés sans engager une procédure de rectification et qu'il incombait aux contribuables, en application de l'article R. 194-1 du LPF, d'établir le caractère exagéré des impositions.

 

Sur le fond, le Conseil d'État a confirmé l'imposition en France des intérêts perçus par les contribuables.

 

Nature des corrections en ligne effectuées par les contribuables après l'expiration du délai légal de déclaration : il s'agit de véritables réclamations contentieuses, soumises au régime juridique de ces dernières. Cette qualification emporte des conséquences importantes tant pour l'administration que pour les contribuables :

  • L'administration n'est pas tenue d'engager une procédure de rectification si elle entend ne pas donner suite à la correction ;
  • La charge de la preuve incombe au contribuable, qui doit établir le caractère exagéré de l'imposition établie sur la base de la déclaration initiale.

Publié le lundi 12 mai 2025 par La rédaction

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