En matière de plus-value immobilière et plus particulièrement dans le cadre de la détermination du prix d'acquisition d'un ensemble immobilier acquis pour un prix global est ensuite cédé par lots le juge de l'impôt consacre une méthode d'évaluation fondée sur le potentiel constructible du terrain, écartant l'approche purement littérale et non justifiée de l'administration.
En matière de plus-values immobilières des particuliers, la plus-value brute est la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. L'article 150 VB du CGI précise que le prix d'acquisition s'entend du...
...prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte.
Toutefois, la difficulté surgit lorsque l'acte d'acquisition porte sur un ensemble de biens pour un prix global, et que la cession ultérieure ne concerne qu'une partie de cet ensemble.
Dans ce cas, l'article 74 SD de l'annexe II au CGI impose de retenir le prix d'acquisition de cette seule partie. Si ce prix n'est pas spécifiquement ventilé dans l'acte originel, l'article 150 VB prévoit une solution de repli : à défaut de prix stipulé, il convient de retenir la...
...valeur vénale réelle à la date d'entrée dans le patrimoine.
Rappel des faits :
Mme A a acquis en 2004, en indivision, un ensemble immobilier pour un prix global de 2 M€, sans qu'aucune ventilation du prix par parcelle ne soit effectuée dans le corps de l'acte de vente. En 2014, après division d'une des parcelles et construction d'un chalet, elle a cédé une partie du bien pour un prix de 7,9 M€.
Pour le calcul de sa plus-value, la contribuable a évalué le prix d'acquisition de la fraction de parcelle cédée en se fondant sur sa valeur vénale en 2004, déterminée selon son potentiel de droits à construire (SHON). Cette méthode aboutissait à un prix d'acquisition pour sa part de 560 000 €.
L'administration fiscale a contesté cette évaluation. Pour ce faire, elle s'est fondée sur un chiffre mentionné non pas dans le corps de l'acte de 2004, mais dans une annexe déclarative destinée au calcul de la plus-value des vendeurs de l'époque. Cette déclaration, établie sous la seule responsabilité de ces derniers, valorisait la parcelle concernée à un montant bien inférieur. L'administration a donc retenu un prix d'acquisition de seulement 227 294 € pour la part de Mme A..., augmentant mécaniquement la plus-value imposable et appliquant des pénalités pour manquement délibéré.
Mme A a perdu en première instance devant le TA de Grenoble, puis en appel une première fois devant la CAA de Lyon. Sur pourvoi, elle a obtenu la cassation de cet arrêt par le Conseil d'État, qui a renvoyé l'affaire devant la même Cour pour être rejugée.
Notre article sur l'arrêt de la CAA de Lyon : Plus-value immobilière et prix d'acquisition : de l'opposabilité de la ventilation figurant dans la partie normalisée de l'acte de vente initial
Notre article sur l'arrêt du Conseil d'Etat : Cession portant sur une partie d'un bien : la mention du prix dans la partie normalisée d'un acte ne vaut pas "prix stipulé" pour le calcul de la plus-value immobilière
Pour mémoire, il ressort de l'analyse du Conseil d'Etat que, les mentions unilatérales figurant dans la partie normalisée de l'acte de vente immobilière destinée aux formalités de publicité foncière, notamment lorsqu'elles émanent des seuls vendeurs et visent uniquement le calcul de leur propre plus-value, ne peuvent être considérées comme un "prix stipulé" au sens de l'article 150 VB du CGI pour le calcul de la plus-value immobilière.
La Cour administrative d'appel de Lyon a modifié son analyse initiale et donné raison à la contribuable sur toute la ligne.
- La Cour a tout d'aboord rappelé que la charge de la preuve de la valeur vénale qu'elle entendait substituer à celle déclarée par le contribuable incombait à l'administration. Or, elle a estimé que l'administration avait échoué à apporter cette preuve. Le simple fait de se référer à une déclaration effectuée par les vendeurs en 2004 pour leurs propres besoins fiscaux est jugé insuffisant. Cette déclaration n'est pas opposable à l'acquéreur et l'administration n'apporte aucun élément pour justifier que le chiffre qui y figure correspondrait à la valeur vénale réelle du bien.
- Puis, la Cour a validé la méthode alternative utilisée par la contribuable. Elle énonce un principe essentiel en matière d'évaluation immobilière : en l'absence de transactions comparables, il faut utiliser une méthode permettant d'approcher au mieux le jeu normal de l'offre et de la demande. Pour un terrain à bâtir...
...sa valorisation est dépendante des droits à construire qui y sont attachés
La Cour relève le fait, déterminant, que des permis de construire avaient été délivrés juste avant l'acquisition de 2004, ce qui rendait ce potentiel constructible certain et non hypothétique. Par conséquent, la méthode consistant à ventiler le prix global d'acquisition au prorata des surfaces constructibles est jugée parfaitement fondée.