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Impôt sur le revenu

Qualification du maître de l'affaire en matière de distributions : la réalité du pouvoir l'emporte sur l'apparence juridique

Nouvelle décision qui confirme l'approche pragmatique du juge de l'impôt dans l'appréciation de la notion de "maître de l'affaire," privilégiant le contrôle effectif de la société sur la détention formelle du capital

 

La présomption de distribution des bénéfices non affectés, prévue par l'article 109-1-1° du CGI permet d'appréhender fiscalement l'ensemble des bénéfices réalisés par une société qui n'ont pas fait l'objet d'une affectation formelle, soit en réserves, soit en incorporation au capital. L'article 110 du CGI vient préciser le périmètre de cette notion de bénéfices en les définissant comme ceux qui ont servi de base à l'établissement de l'impôt sur les sociétés, incluant donc non seulement les résultats déclarés mais également les rehaussements issus des procédures de contrôle.

 

Ce dispositif juridique offre ainsi à l'administration fiscale un fondement légal solide pour imposer entre les mains des associés ou actionnaires les bénéfices qui n'auraient pas été formellement conservés dans le patrimoine social, que ces bénéfices résultent des déclarations initiales ou des redressements ultérieurs. 

 

La notion jurisprudentielle de "maître de l'affaire", développée par le Conseil d'État, vient compléter ce dispositif en permettant d'identifier le bénéficiaire effectif des distributions présumées. Cette qualification s'applique au dirigeant qui, par son contrôle effectif et autonome de la gestion sociale et des flux financiers, dispose d'une maîtrise totale de l'entreprise. Cette construction prétorienne permet ainsi d'établir un lien entre les distributions présumées et leur bénéficiaire réel, renforçant l'efficacité du dispositif de l'article 109-1-1° du CGI.

 

Rappel des faits :

M. et Mme A , propriétaires de la SARL Les Gourmets des Ternes, exploitant un restaurant d’affaires, ont fait l’objet d’une vérification de comptabilité couvrant la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2014, étendue jusqu’au 28 février 2015. À l’issue de cette vérification, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2012, 2013 et 2014, en raison de revenus considérés comme distribués par la société. Contestant ces impositions, M. et Mme A ont saisi le tribunal administratif de Paris, qui, par jugement du 4 janvier 2023 a rejeté leur demande de décharge fiscale. 

 

M. et Mme A ont fait appel devant la CAA de Paris.

 

Ils ont notamment contesté la qualification de M. A en tant qu’unique maître de l’affaire, arguant que sa mère, co-associée, détenait 50 % des parts et qu’elle était impliquée dans la gestion.

 

La CAA de Paris a rejeté la requête de des époux A, confirmant ainsi le jugement du TA de Paris et la qualification de maître de l'affaire de M.A.

 

Le principal intérêt de cette décision réside dans l'approche pragmatique du juge quant à l'appréciation de la notion de "maître de l'affaire", privilégiant le contrôle effectif de la société sur la détention formelle du capital

 

La Cour retient plusieurs indices s'agissant de M.A :

  • la parfaite connaissance de la gestion de l'entreprise,
  • la responsabilité du recrutement et de la gestion du personnel,
  • la gestion de la caisse et des remises en banque, et la détention des signatures bancaires.

Elle écarte l'argument tiré de la détention de 50% des parts par la mère du gérant, considérant que l'absence d'implication effective dans la gestion est déterminante.

 

La découverte lors d'une visite domiciliaire d'un fichier Excel recensant les sommes non déclarées sur l'ordinateur personnel du gérant vient conforter cette analyse. La perception par la mère des loyers de location-gérance et de dividendes déclarés n'est pas jugée suffisante pour remettre en cause la qualification de maître de l'affaire.

 

Pour démontrer que M. A... était l'unique maître de l'affaire de la SARL Les Gourmets des Ternes, et était par suite présumé avoir disposé des revenus distribués en cause, l'administration fiscale a d'abord relevé qu'en sa qualité de gérant de la SARL Les Gourmets des Ternes, M. A..., détenteur de 50 % des parts du capital social de la société, avait démontré une parfaite connaissance des modalités de gestion juridique, comptable et matérielle durant les opérations de contrôle de la société.

Elle a ensuite relevé que M. A... était responsable du recrutement et de la gestion du personnel, ainsi que de la caisse et de la remise des encaissements en banque.

Elle a enfin relevé que M. et Mme A... étaient seuls détenteurs de la signature sur les comptes bancaires de la société. Par suite, l'administration justifie de la qualification de maître de l'affaire.

Pour remettre en cause cette qualité qui lui a été attribuée, M. A... soutient qu'il ne peut être regardé comme l'unique maître de l'affaire puisque sa mère qui a fondé avec son père le restaurant, était, jusqu'à son décès en 2022, coassociée, détentrice de 50 % des parts du capital social de la société et propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la société. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que son associée ait eu une quelconque implication dans la gestion de l'affaire pour les années contrôlées. Si les requérants soutiennent que M. A... ne disposait d'aucun document comptable à son domicile, la visite domiciliaire ordonnée par le juge des libertés et de la détention a permis de découvrir un fichier " JFMprive.xls " sur l'ordinateur personnel du gérant mettant en lumière, mois par mois, les sommes non déclarées. La circonstance que son associée, la mère de M. A..., perçoit le loyer de la location-gérance et la moitié des dividendes des revenus déclarés est sans incidence sur le fait que M. A... disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société. C'est donc à bon droit que le service a considéré que M. A... devait être regardé comme unique maître de l'affaire et, par conséquent, comme étant présumé bénéficiaire des revenus réputés distribués.

 

Publié le lundi 6 janvier 2025 par La rédaction

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