Nouvelle illustration de l'exigence probatoire du juge de l'impôt lorsqu'un contribuable entend échapper à la qualification de revenu distribué. La décision nous rappelle que la simple allégation d'un remboursement d'apports ne suffit pas et que le contribuable doit apporter une preuve complète et cohérente de ses prétentions.
La distinction entre revenus distribués imposables et remboursements d'apports non imposables trouve son fondement dans les articles 111 et 112 du CGI, qui organisent un système de présomptions et d'exceptions.
L'article 111 du CGI établit une présomption de distribution en considérant comme revenus distribués diverses catégories de sommes versées par les sociétés à leurs associés. Le c de cet article vise spécifiquement "les rémunérations et avantages occultes", formulation qui permet à l'administration de saisir tous les transferts de richesse qui ne correspondent pas à une contrepartie normale et qui profitent aux associés ou dirigeants.
Cette présomption de distribution connaît toutefois des limites énoncées à l'article 112 du même code, qui exclut du champ des revenus distribués "les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d'apports".
Cette exception obéit à une condition stricte : une répartition n'est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis.
Le législateur entend ainsi préserver la primauté de l'imposition des bénéfices sociaux et éviter que les sociétés ne contournent cette imposition en procédant à des remboursements d'apports fictifs. Le mécanisme garantit ainsi que les sommes distribuées sous forme de remboursement d'apports ne peuvent bénéficier de l'exonération que si la société a préalablement fait sortir tous ses bénéfices imposables.
Rappel des faits :
Monsieur A, gérant et associé de la SCI B, avait reçu de cette société des chèques et virements bancaires pour un montant total de 23 600 € en 2015. Déduction faite des apports que l'administration admettait avoir été effectués la même année à hauteur de 2 660 €, le solde de 20 940 € avait été qualifié de revenu distribué et imposé sur le fondement du c de l'article 111-c du CGI
Monsieur A. contestatit cette qualification en soutenant que la somme litigieuse correspondait en réalité au remboursement partiel d'apports qu'il prétendait avoir effectués au profit de la SCI B pour un montant total de 75 500 € entre 2006 et 2008. Cette argumentation, si elle avait été admise, aurait permis de faire échapper les sommes en cause à l'imposition au titre des revenus de capitaux mobiliers.
Le contribuable invoquait également le bénéfice de la doctrine administrative, en se prévalant des énonciations du BOFIP BOI-RPPM-RCM-10-30-10-10, n°60, qu'il estimait favorable à sa thèse.
La Cour vient de rejeter la requête de M.A
- La Cour a tout d'abord relevé que les éléments produits par M.A, au nombre desquels figuraient des relevés bancaires de la SCI B pour les années 2006 et 2007, ne permettaient pas d'établir, en l'absence de toute pièce comptable, que les apports identifiés n'auraient pas été déjà remboursés au cours des exercices précédant 2015.
- Puis la Cour a constaté que même en admettant l'exactitude des montants invoqués par le contribuable pour les années 2006 et 2007, celui-ci ne rapportait pas la preuve que ces sommes provenaient effectivement de lui.
Le juge ne se contente pas de la seule constatation de l'encaissement par la société mais exige la démonstration de la chaîne complète des mouvements financiers.
- Enfin, elle a constaté l'absence totale de justification concernant l'apport supposé de 51 000 € en 2008, pour lequel aucun relevé bancaire de la société n'avait été produit.
La Cour a également écarté la tentative du contribuable de se prévaloir de la doctrine BOFIP, mais pour un motif purement technique La doctrine invoquée (BOI-RPPM-RCM-10-30-10-10, §60) concernait spécifiquement les répartitions faites aux actionnaires de sociétés ayant leur siège social à l'étranger, alors que la SCI B était établie en France.
TL;DR
Même si cela est évident décision nous rappelle :
- l'importance de la conservation des pièces justificatives dans la gestion des relations financières entre sociétés et associés. Les comptes courants d'associés, en particulier, doivent faire l'objet d'un suivi comptable rigoureux qui permette de justifier l'origine et la destination de tous les mouvements.
- que la preuve du caractère d'apport d'une somme versée à une société ne se limite pas à la constatation de l'encaissement par cette dernière, mais suppose également la démonstration de l'origine personnelle des fonds chez l'associé. (Il faut conserver non seulement les justificatifs côté société, mais également les relevés bancaires personnels des associés).